Le Territoire se divise en cinq archipels où chacune des 118 îles dévoile une individualité à laquelle les autochtones se cramponnent. Il est difficile de pénétrer en profondeur le landernau insulaire. Ces mondes fermés, sont autant de mystères qui perpétuent la légende. D'un archipel à l'autre, des Marquises, des Tuamotu, des Australes, des Gambiers ou de la Société, chaque vallée confirme qu'elle est unique, singulière, exceptionnelle.

Entre voisines, les îles se toisent. A Ua Huka (aux Marquises), les habitants ne se sentent rien de commun avec leurs voisins de Nuku Hiva. Les Paumotu de Ahé chuchotent leurs différends avec la lointaine famille de Manihi. A Moorea, l'on ne voudrait, pour rien au monde, lâcher son île pour la grande soeur tahitienne.

Les mentalités, endurcies par des siècles d'isolement, ont forgé une identité bien trempée. Celle, qui engendra autrefois, des guerres tribales et des raids carnassiers en pirogues. Celle, qui façonna des langages différents entre les îles, éléments supplémentaires d'eccéité.

Outre les idiomes endémiques, l'art reflète les contrastes. Les Marquisiens s'expriment dans la sculpture sur bois ou sur os, tandis que les Paumotu cultivent la plus belle perle du monde et qu'aux îles de la Société les nacres sont admirablement gravées. Pendant ce temps, aux Australes, les insulaires tissent des chapeaux et des paniers en pandanus...

Cette multiplicité engendre partout des formules d'accueil différentes. Aux Marquises, l'insulaire est plutôt réservé, discret, parfois revêche. Pure apparence, basée sur la méfiance des abus des visiteurs. Mais lorsque l'étranger a été jaugé, les portes s'ouvrent, les mains se tendent, pour offrir des brassées entières de fruits. Les Paumotu sont démunis, leurs îles ne leurs donnent que du poisson ciguateré et des perles noires dont le marché souffre d'une crise chronique. Pourtant, ils ont le coeur sur la main. Une générosité du bond du coeur surprenante. A Tahiti, aux abords de Papeete, le monde polynésien, brassé dans la plus grande ville de l'archipel, prend le temps de discuter avec les étrangers.

Sans doute, ces différences de comportement s'inspirent-elles de l'environnement. Des bas atolls lumineux, aux lagons légendaires des îles sous le vent, en passant par les hautes montagnes sombres des Marquises, les paysages déclinent une variété inégalée. Les Marquisiens, confinés dans des vallées austères, ressemblent à leurs paysages : forts et généreux. Les Paumotu, portent, le soleil et les couleurs de leurs lagons, dans leur coeur. Les Tahitiens, joyeux, rient comme ces centaines de rivières cristallines qui dévalent des montagnes verdoyantes.

Si les gens et les paysages sont dissemblables, il en est de même des climats. Aux Marquises, le temps se partage entre deux saisons. L'une pluvieuse, l'autre ensoleillée. Toute l'année, la brise est constante et la houle enchâsse les rivages. Les Tuamotu et les îles de la Société craignent les rares cyclones, les orages, et la pluie, pendant l'été. L'hiver, les mouillages sont parfois secoués par les coups de Maramu. Les Gambiers et les Australes, situées sous le 20e degré de latitude sud, souffrent de tempêtes qui balayent le grand sud. Le temps y est variable, parfois très frais, souvent pluvieux, les houles y sont agressives.

Tous ces visages si contrastés de la Polynésie se mêlent à un sentiment fort d'appartenance à une même race, celle des Polynésiens d'aujourd'hui, celle des « tupunas maohis » (les ancêtres), ceux qui traversèrent l'océan contre vents et courants, pour trouver leur « fenua », leur terre qu'ils chérissent au-delà de tout ce que l'on peut imaginer.