Pirogues polynésiennes et
La Hawaiki Nui, épreuve reine de Va'a


Une course qui monopolise toute la Polynése


L'équipe de rameurs se prépare

Papeete s'est vidée de ses habitants, Tahiti est calme comme jamais, tout le monde s'est envolé pour le long week de la Hawaiki nui, vers les Îles sous le Vent.


Cette course est née d'une association de copains, amoureux de va'a en haute mer. L'initiateur se nomme Edouard Maamaatuaiahutapu, originaire de Taha'a, passionné de va'a, il désirait trouver un équivalent polynésien à la célèbre Molokai d’Hawai. Il la désirait aussi prestigieuse, mais plus ardue, capable de révéler la puissance physique et morale des rameurs.


En 1983, il fit part à ses amis de son désir d'inventer une nouvelle course, qui mettrait non seulement à l'honneur le va'a, mais également les îles sous le vent qu'il aimait tant. Fondre ces deux volontés l'une dans l'autre donnait naissance à la Hawaiki Nui qui rallierait toutes les îles sous le vent entre elles. En 1984, il s'entoura de ses amis, aficionados de va'a tout comme lui : Gaston et Yvonne TEIHOARII, Jo GALENON, Marcel THUNOT, Henri GUILBAULT, Damas ROCHETTE, Julien MAURIN.


Chacun d'eux prit son bâton de pèlerin et vogua d'île en île pour présenter le projet, qui parut à première vue utopique à tous les représentants publics. L'accueil mitigé du début, et les contraintes financières notamment en matière de bateaux suiveurs que nécessite un tel projet eurent raison de l'enthousiasme de la troupe. En 1991, Rony Pouturu avec l'aide de Gaston Tong Sang, maire de Bora Bora, organise une course de haute mer sur le trajet Tahaa - Bora Bora. Dès lors, tout s'enchaîne à merveille. Le projet de course HAWAIKI NUI VA'A, initialement nommée RARO MATAI HOE (RARO MATAI = îles sous le vent, HOE = rame) est alors réactivé.


La course est lancée

Les bonnes volontés se sont alors succédé au chevet du projet. Louis Maiotui, Jacques Bonno, M. Gaston Tong Sang, Maire de Bora Bora, Vane Temauri, Maire de Huahine, Narii Faugerat de Nippon Auto-Moto, Jean-Pierre Fourcade de la Brasserie de Tahiti ont apporté soutien économique et logistique à cette nouvelle course. Puis, les institutions du pays, conscientes de l'apport d'une nouvelle course ont mis à disposition les moyens nécessaires à son développement, sa publicité et sa réalisation.


La première édition eu lieu les 12/13 et 14 novembre 1992 et ce fut une très belle réussite.


"Au crépuscule de sa vie, Edouard disait : nous avons reçu un bel héritage de nos ancêtres : le VA'A. Et, il est de notre devoir d'en prendre soin afin de le transmettre à nos enfants qui en feront de même. N'oublions pas que nous sommes les garants de sa pérennité. La HAWAIKI NUI VA'A DOIT PERDURER"


Le Va'a est un sport trés populaire en Polynésie

Aujourd'hui cette course est la plus prestigieuse du Pacifique Sud!


L'expression Hawaiki nui tire son nom du Reo maohi (langue des ancêtres), et désigne une île mythique, berceau de la civilisation polynésienne à partir de laquelle fut colonisé le reste du triangle polynésien. Par tradition, les Maohis considèrent que l'île de Raiatea est le creuset de l'archipel polynésien.


La Hawaiki Nui est au va'a ce que la billabong pro est au surf. Elle attire nombre d'équipages étrangers et les meilleurs rameurs de Polynésie. Quatre catégories de rameurs :
-chez les hommes : juniors, séniors, vétérans
-chez les femmes : les séniors


La compétition Hawaiki Nui


La compétition se déroule sur trois jours dans le Raromatai (les îles sous le vent de la Société).


Les circuits de la Hawaïkinui selon les catégories

Le départ de la 1re étape Huahine-Uturoa (Raiatea) se fait depuis la petite ville de Fare, d'habitude paisible, ce jour là, elle est en ébullition. Longue de 45 Kms, les rameurs doivent tenir le rythme jusqu'à l'arrivée vu que le classement se fait depuis l'édition 2011 aux temps réel. Les rameurs ne pourront donc plus gérer la course comme ils faisaient lorsque les résultats se comptaient aux points obtenus. Depuis 2011, ce concours est plus éprouvant encore, puisque les équipages doivent assurer un départ rapide, puis accélérer le rythme pendant la course, et finir un sprint sans faille pour assurer leur temps.


La seconde étape est la plus courte et se déroule, contrairement aux deux autres exclusivement à l'intérieur du lagon, ralliant Uturoa, la ville principale de Raiatea au chef-lieu de Taha'a en 27 km.


Le troisième jour, les rameurs affrontent le large entre la passe ouest de Taha'a et Bora Bora. Ils parcourent leur plus longue distance, avec 58 km. La compétition se termine dans une fête inouïe à la pointe Matira dans le sud de Bora.


Définition du va'a


V6 les va'a de 6 rameurs

"Les va'a sont des pirogues polynésiennes dont la stabilité est assurée par un unique balancier (ama). Les va'a utilisées lors de cette compétition sont des V6 (va’a ono) à 6 places. Les jupes ne sont pas totalement hermétiques et laissent passer les embruns, les rameurs doivent donc régulièrement écoper. Chaque pirogue compte cinq rameurs et un barreur. Les rameurs sont disposés en lignes, ramant alternativement d'un côté de la pirogue. Le barreur est le navigateur, il choisit sa route à l'œil, en fonction des courants, du vent et de repères naturels, la ligne droite n'étant pas nécessairement la plus rapide. Le chef d'équipe (en première ligne) compte les coups de rames, fixe le rythme et à intervalle régulier donne l'ordre aux rameurs de changer leur rame de côté. Pour la Hawaiki nui, les étapes en haute mer se font sans changement d'équipe contrairement à d'autres courses comme faati-Moorea. Les ravitaillements sont réalisés par une équipe de ravitailleurs qui se jettent à l'eau depuis le bateau suiveur. Ils se mettent en ligne dans la trajectoire de course de la pirogue, et tendent les ravitaillements lorsque la pirogue les longe.


Étudiées pour la vitesse, les « rames » sont des pagaies simples, courtes et en bois. Le milieu de la pagaie est légèrement courbé, et la pale est oblique par rapport au manche. La face de la pale qui sert d'appui dans l'eau est totalement plate, le prolongement du manche se fixant sur l'autre face."


Un sport national


Les pirogues sont omniprésentes en Polynésie

Peu de popa'a tiennent le coup pour assurer le rythme dans ces courses qui font parfois parcourir plus de 40 milles à un train d'enfer en pleine mer. Il faut gérer le courant, les vagues, le vent, les ressources du corps humain, le tout au ras de l'eau. Ce sport demande une résistance inouïe, un art stratégique indéniable, un ressenti des éléments sans faille, et une connaissance de la langue polynésienne, car tous les ordres à bord se donnent dans cette langue exclusivement.


Dès le plus jeune âge, les enfants sont initiés au va'a. Les meilleurs sortent du lot et sont engagés par de grands "team" sponsorisés par l'industrie pétrolière (Shell va'a), la poste (team OPT), la compagnie aérienne (ATN), hôtels et magasins... Ces équipes-là s'entraînent toute l'année. Matin, midi et soir nous les voyons passer dans le lagon de Tahiti, les rameurs sont salariés. Ces grandes équipes brillent dans tout le Pacifique et raflent les plus beaux trophées, dont ceux de la "Molokai" course ralliant entre elles les îles d’Hawai. Le gros de la flotte est représenté par des amateurs qui allient vie professionnelle et entraînement. A Tahiti, au jardin de Paofai, des centaines de Va'a attendent leur rameur. A la pause de midi, les employés qui travaillent à Papeete, troquent leurs beaux habits de travail, contre un short, un tee-shirt et leur rame et partent s'entraîner sur le lagon.


Les temps non encore révolus, des guerriers des océans


Embarcations des premiers habitants

Le va'a, pirogue moderne en composite, est inspirée de son ancêtre en bois qui servait autrefois aux Maohis. Je ne vais pas vous le répéter, mais les Maohis ont traversé l'océan sur ce que les ethnologues nomment des pirogues doubles. En d'autres termes l'avant-garde de l'actuel catamaran. Les Tupuna ont impressionné les premiers Européens qui débarquèrent dans les îles du Pacifique sud. De Cook, à Bougainville, en passant par Bligh, et Wallis, tous s'extasièrent sur les qualités et les performances nautiques des va'a. Selon les régions du Pacifique ces embarcations changent de nom : va’a, waka, wa’a, vaka... Peu importe, partout les balanciers offrent la même stabilité, la même manière de percer la vague. Les ancêtres avaient su créer des navires adaptés aux conditions du grand océan et aux usages qu'ils en faisaient.


Ainsi, lorsque les tributs désignaient ceux qui allaient s'élancer vers l'horizon, ils utilisaient de grandes pirogues faites d'un grand plateau où séjournaient les hommes, les animaux et les vivres qui étaient liés par des fibres végétales à deux flotteurs. Arrivés sur de nouvelles terres d'asiles, les charpentiers se mettaient au travail afin de réaliser des pirogues plus simples, pour le déplacement d'une vallée à l'autre, pour la pêche... Ces pirogues étaient réalisées sans aucune industrie du métal. Les Maohis avaient inventé des outils ingénieux fabriqués à l'aide de ce qui les entourait : bois, nacre, cocotier, fibres végétales...


Les Maohis en étaient peut-être à l'âge de pierre tandis que l'occident sortait de la Renaissance et inventait les prémices des technologies modernes, mais ils maîtrisaient plus que nous l'art de la navigation. Tandis que Bougainville s'élançait pour un tour du monde sur une frégate de 43 mètres où s'entassaient 200 hommes, un navire peu manœuvrant, remontant mal au vent, il croisa au cours de son voyage ces navigateurs d'un autre temps qui allaient donner l'impulsion aux machines les plus sophistiquées sur lesquelles aujourd'hui, les navigateurs avides de records s'élancent.


Aujourd'hui, il reste peu de traces des navires maohis d'antan. Quelques reconstitutions nous en donnent une image plus ou moins exacte au musée de Tahiti. Les témoignages de Cook, ne tarissent pas d'éloge sur leurs qualités.


La pirogue: moyen de transport au quotidien

En ce qui nous concerne, les premières pirogues rencontrées nous laissent encore aujourd'hui un souvenir fort! C'était à Fatuiva. Tandis que les villageois se rassemblaient au bord du quai, ils embarquaient à bord de leurs pirogues des chiens. Les Marquisiens quant à eux, nous firent l'effet de vrais guerriers. Une seule route existe à Fatuiva, elle relie entre eux, les deux d'Omoa et de Hanavave. Tout le reste de l'île est sauvage, laissé à la libre circulation des chèvres et des cochons. Les hommes partent vers ces bouts de leur monde en pirogue pour des chasses communautaires. Il faut se rendre compte des conditions! Fatuiva, minuscule terre de 16 km de long sur 10 km de large est cernée par la houle. Elle est la plus jeune des îles des Marquises. Ainsi ses falaises ne sont pas encore érodées par le temps, elles tombent à pic dans l'océan. Pour rallier les forêts inhabitées, les pirogues longent le rivage, à la faveur d'une pan de côté moins abrupte, les chasseurs, lancent littéralement leurs chiens sur le rivage, et s'y élancent d'un bond précis. Pour revenir vers leur rivage, ils transportent la viande ensanglantée dans des sacs de jutes, voire plus simplement des sacs à dos.


Toute une atmosphère de bout du monde!


C'est sans doute pour cela que les insulaires des autres archipels polynésiens surnomment les marquisiens "les guerriers"


 
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