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1755 : L'Acadie, le drame du grand dérangement 

La population acadienne passe de 7000 habitants en 1713 à 15 000 habitants en 1755.

Le vaste territoire péninsulaire de l'Acadie attise la convoitise des nouveaux immigrants anglais qui s'entassent plus au sud autour d'Halifax. Les tensions se renforcent entre les deux nationalités. Des conflits éclatent, à l'issue de ceux-ci, le traité d'Utrecht cède l'Acadie aux Anglais. Le territoire est renommé et devient la Nouvelle-Ecosse avec comme gouverneur Charles Lawrence. Celui-ci panique à l'idée d'avoir sur "ses terres" des Français. Il écrit, à ses supérieurs du Board of Trade and Plantation de Londres:

" Je leur proposerai le serment d'allégeance une dernière fois. S'ils le refusent nous aurons dans ce refus un prétexte pour les expulser. S'ils l'acceptent, je leur refuserai le serment en appliquant un décret qui interdit à quiconque ayant déjà refusé de prêter serment d'allégeance de le prêter... DANS LES DEUX CAS, JE LES DÉPORTERAI!"

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Déportation et génocide on été ordonnés par Charles Lawrence à la seule fin d'implanter une population anglo-saxonne en Acadie. Celle-ci est faite de bonnes terres défrichées et labourées, mais avant de s'y installer tranquillement, il faut procéder à un nettoyage en règle.

Charles Lauwrence ordonne la capture des hommes, des femmes et des enfants et un classement de ceux-ci par âge et non par famille. Il s'en suit ce que pudiquement tout le monde nomme "le grand dérangement", bel euphémisme pour la plus grande atrocité infligée à un peuple de cette époque!

Entre huit et dix mille personnes sont déportées par bateaux aux quatre coins de l'Empire britannique. Certains bateaux coulent, d'autres arrivent en Grande-Bretagne, d'autres encore restent aux abords des côtes des états du Nouveau Monde. Personne n'accepte de recevoir la "cargaison", soit par peur de leur religion papiste (les émigrants britanniques sont pour la plupart huguenots), soit par peur viscérale des Français. S'en suit un long exode ou nombreux Acadiens trouvent la mort.

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Le calvaire de ceux qui restent prisonniers sur le sol britannique ne s'achève qu'en janvier 1763. Lorsqu'enfin, le roi Louis XV et Choiseul réalisent l'infamie et font libérer les 866 personnes qui restent sur les 1 226 débarquées en Angleterre en 1755. Ils sont rapatriés en France. Beaucoup d'Acadiens espèrent repartir pour le Nouveau Monde. Dans l'attente d'un embarquement pour la Louisiane, certains patientent en Bretagne et dans le Poitou. Chantenay, aujourd'hui quartier nantais, devint ainsi pendant 10 ans, de 1775 à 1785, un lieu de transit pour ces réfugiés. Certains ne tardent pas à s'y fixer définitivement.

Quant à ceux qui errent encore sur le continent du Nouveau Monde, ils sont pour la plupart dispersés partout sur les côtes Atlantiques des actuels Etats-Unis. Leur sort est désastreux, disséminés par la maladie, les conditions de malnutrition et de froid, traqués par les Britanniques qui encouragent les Iroquois aux prises de "scalps", employés comme main d'oeuvre forcée à la construction de forteresses (oserait-on utiliser le terme d'esclaves?). On estime qu'entre 1755 et 1763, plus de 80% de la population périt dans cet exode. Entre 7 500 et 9 000 Acadiens meurent au cours de ce "Grand Dérangement." Et ce sont là des faits et des chiffres qui dérangent !

Aujourd'hui la population acadienne est répartie entre le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard, les îles de la Madeleine, la Gaspésie (Québec), Terre-Neuve-et-Labrador, le Maine (États-Unis), la Louisiane et Saint-Pierre-et-Miquelon. Il y aurait à ce jour un million de Québécois qui serait descendants de familles acadiennes, soit un peu moins d'un québécois sur huit.

Pour finir sur le sujet, voici l'exemple d'une famille, un témoignage de Doris Long:

"Peu de gens savent qu'un certain nombre d'Acadiens ont subi plus d'une déportation. Parmi eux, il y a une famille, celle de Jean Sire. Avec lui, on retrouve son épouse, ses 7 enfants, sa mère et son second mari ainsi que la famille de celui-ci. quebec Ce dernier est un Vigneault, l'ancêtre de Gilles Vigeault, auteur-compositeur-interprète québécois. La première fois, en 1755, ils ont été déportés en Georgie et en Caroline du Sud. Dès 1756, ils se sont réunis et ont fui ces colonies anglaises pour retourner en Acadie. Ils ont mis 6 ans pour y arriver après avoir été retenus contre leur gré au Massachusetts. Ne pouvant reprendre leurs terres, ils se sont alors réfugiés à Miquelon. C'est là qu'en 1767, ils subissent une 2e déportation, par les Français cette fois-ci. Ils sont envoyés en France avec plusieurs autres familles acadiennes. Éprouvant des difficultés à s'adapter, les autorités françaises veulent les expédier en Guyane, mais les Acadiens refusent. Finalement, ils seront autorisés à retourner à Miquelon en 1768. On pourrait croire que les déportations sont choses du passé, mais il n'en est rien. En 1778, pendant la Révolution américaine et profitant que la France se soit rangée du côté des rebelles, l'amiral anglais Montaguës s'empare des îles St-Pierre et Miquelon et déporte les mille trois cents habitants vers la France. En quelques mois, 7 membres de cette famille vont mourir, la plupart à La Rochelle. Deux fils de Jean Sire, Amand et François, reviennent à Miquelon en 1783. Dix ans plus tard, ils s'établiront à Cascapédia (aujourd'hui New Richmond) sur la baie des Chaleurs. Ceux des Sires qui sont restés à Miquelon seront déportés une 4e fois. Le général Ogilvie, commandant d'Halifax, déporte la population le 24 mai 1793 ; parmi elle, il y a quelques Sires/Cyr. Les Sires font partie de la dizaine de familles acadiennes ayant subi 4 déportations. Voilà pour mon ascendance Cyr du côté maternel."

Source : http://www.herodote.net