PANAMA: Comarca de Kuna Yala

SAN BLAS : Indiens Kunas

KUNA YALA : Des indiens autonomes

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Introduction

Panoramiques

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Les San Blas

Comarca de Kuna Yala

Après notre séjour en Colombie, l'étrave de notre Etoile de Lune nous conduit tout naturellement sur la rive ouest du Golfe Darien dans l'extrême sud-ouest de la mer des Caraïbes. Nous franchissons la frontière du Panama et nous voici en Comarca de Kuna Yala. Le Panama compte plusieurs communautés indiennes. Les Chocos, les Guaymies, les Emberas, les Wounaans, les Teribes, les Bokotas et les Kunas. La communauté des Guaymies est la plus importante et compte 130 000 Indiens, les Kunas sont 50 000, les Chocos sont 20 000, les Emberas 15 000, les autres communautés totatilsent moins de 10 000 Indiens. Seuls les Indiens Chocos et les Kunas vivent dans la partie est du Panama, les autres communautés sont éparpillées dans l'ouest de l'isthme. Si les Chocos vivent sur le continent, la grande majorité des Kunas est réunie sur une soixantaine d'îles en mer des Caraïbes. Dans vos Atlas vous trouverez leur archipel sous deux dénominations celle connue de "Las San Blas" ou celle moins utilisée de "Las Mulatas"









Le territoire Kuna est fait d'une frange de terre montagneuse et d'îlots coralliens jalousement préservés par ce peuple à la fois attachant et déroutant.

Tout le long du rivage continental, sur 240 kilomètres serpente un cordon de cocotiers. Derrirèe les franges de palmes, la montagne grimpe vers l'ouest. Des successions infinies de buttes, de monts et de collines abritent une végétation inextricable où s'ébattent jaguars, singes, perroquets. C'est une faune unique qu'aucune structure humaine ne vient déranger. La région appartient totalement aux Kunas qui interdisent toute édification immobilière ou industrielle.

Peu de villages sont installés sur le continent, les Kunas l'ont peu à peu délaissé, fuyant les moustiques et les glissements de terrain. Ils se sont établis sur des îlots remparés de la houle par un labyrinthe de barrières de corail. Ces îlots sont éparpillés le long du continent, sur une bande côtière de dix kilomètres de large. Les villages sont organisés comme des communautés lilliputiennes de la taille des îlots sur lesquels ils sont bâtis. Ils sont constitués pour la majeure partie de huttes aux toits de palmes et aux murs de roseaux.

Le Comarca de Kuna Yala est divisé en deux grandes zones. La première se situe autour de Porvenir, dans le nord de la région. Elle est connue sous le nom d'archipel des San Blas et fait la une des agences touristiques. L'autre zone, démarre à la frontière colombienne et s'étire sur 120 kilomètres vers le Nord. Cette zone est à l'écart des circuits touristiques habituels, tant et si bien que L'Etoile de Lune restera des semaines seule dans certains mouillages. Là, il n'y a pas d'autre moyen de communication entre villages que la pirogue manoeuvrée à la pagaie ou à la voile.

Nous passons plus de trois mois en pays kuna. Pour tout vous avouer, nous rêvions des San Blas plus que de tout autre endroit sur cette planète. C'est l'image d'Epinal du voyageur, une icône touristique intouchable. Arrivés sur place, nous sommes décontenancés par ce que nous y trouvons. Nous sommes soumis à l'emprise des stéréotypes qui ont farci notre imaginaire. Au quotidien, nous tentons de nous raccrocher à la réalité kuna pour mieux comprendre ce peuple dont les bases culturelles n'ont aucune valeur commune avec nos carcans occidentaux.

Alors, en route pour un voyage au coeur des traditions kunas...

La météo du Golfe Darien

Pour vous aider dans vos navigations nous avons élaboré un document qui reprend toutes les conditions météorologiques que vous rencontrerez tout au long de l'année entre les ABC et Panama. Voyage aller et retour. Nous vous invitons à le consulter sur notre site internet http://www.etoiledelune.net en version HTML, ou à le télécharger en version PDF :

Version HTML : http://s121758490.onlinehome.fr/edl/meteo_abc_panama/index.html
Version PDF : http://s121758490.onlinehome.fr/edl/pdf/meteo_abc_panama.pdf

Formalités à Obaldia

Point GPS : 08° 39 861N 77°25 362W (position du mouillage)

Comme dans tout pays, le premier et le dernier contact se font généralement avec les douaniers, gendarmes, officiers militaires, etc. Entre Colombie et Panama, on n'y coupe pas, c'est pareil qu'ailleurs. Nous avons choisi de sortir de Colombie par Sapzurro et d'entrer en pays Kuna par Obaldia. Escales peu ou pas décrites dans les bibles de nos prédécesseurs. Les cartes nautiques papier sont inexistantes et les cartes électroniques d'une imprécision exemplaire. Nous vous conseillons de vous référer aux documents que nous laissons à votre disposition sur le site du réseau du capitaine rubrique carnet ou sur notre site de L'étoile de Lune :

http://www.lereseauducapitaine.qc.ca/Carnets.html
http://s121758490.onlinehome.fr/edl/pdf/index.html

Nous vous rappelons qu'il est impossible d’effectuer les formalités d’entrée ou de sortie à Sapzurro. Lorsqu’on vient de Carthagène, la sortie s’est faite là-bas avec mention des points intermédiaires. Cela vous donne droit à un Zarpé. La guarda de Sapzurro vous demandera de passer dans leurs bureaux, ils vérifieront uniquement le Zarpé et ne vous demanderont pas votre sortie. Ils savent qu’en général vous avez mis plus de temps qu’il n’est mentionné pour le faire. Les rapports entre marins et garde-côtes sont excessivement cordiaux. Ils se présentent à vous plus pour s'assurer de votre bien-être que pour vous contrôler. La Colombie est remarquable sur ce plan-là et tente de changer la lourde réputation qui pèse sur elle.

Pour les formalités d'entrée et de sortie au Panama. Il faut s'arrêter par temps calme à Obaldia. Le mouillage n’est absolument pas protégé, il vous faut une fenêtre météo sans houle, sans vent annoncés. Prenez garde à bien arrondir la pointe de Obaldia en venant de Colombie. Vous mouillerez en face du ponton dans son ouest. Attention autour de ce ponton (entre la pointe à arrondir et le ponton) il n'y a pas de fond. Vous ne vous approcherez pas trop de la plage non plus. Mouiller dans des fonds compris entre quinze mètres et six mètres. Lorsque la houle est importante ou lorsque le vent est supérieur à 20 noeuds, ce mouillage est impraticable. Le bon plan est de partir relativement tôt de Sapzurro afin d'être sur Obaldia avant 10 heures, vous aurez une chance que les formalités soient finies pour midi et de repartir pour votre première escale kuna Puerto Perme. Si vous êtes plusieurs bateaux, arrivez plus tôt, car 2 heures ne suffiront pas.

Une fois mouillés, Vous vous rendrez en annexe jusqu'au ponton. Il est très haut, un peu de gymnastique acrobatique est nécessaire pour se hisser sur le ponton, mais ce n'est pas insurmontable. Au bout du ponton un militaire de faction vous indiquera par où vous rendre dans le premier poste pour établir les premières formalités.

Vous avez trois bureaux à visiter, chacun remplit des papiers à la main. Le bureau de l'immigration aura droit à deux visites. L'une avant les affaires maritimes, l'autre après les formalités effectuées dans ce bureau. Attention, les affaires maritimes remplissent, toujours à la main, 9 documents. Le garçon qui est de faction est extrêmement gentil. Il vous faudra parfois lui courir après dans le village pour qu'il prenne son poste et effectue son travail. Tout cela vous laisse envisager le nombre d'heures qu'il vous faudra. A notre première entrée nous n'avons pas mis moins de 4 heures à deux bateaux. Lors de notre sortie en une heure trente le tour était joué, mais L'Etoile de Lune effectuait seule les formalités.

Pour entrer au Panama, un bateau de taille moyenne avec deux personnes à bord devra payer aux alentours de 100 dollars. Tout dépend du nombre de personnes et de la taille du bateau. Mais en général il faut compter entre 80 et 120 dollars. Les Français ont droit à 90 jours renouvelables tandis que les Canadiens ont droit à 30 jours renouvelables. Attention certains Panaméens de Obaldia vous hèleront dans les ruelles du village, et vous diront que le mouillage de Obaldia est payant, ils vous demanderont entre 5 et 10 dollars et vous diront même qu'ils vont vous délivrer un reçu. Refusez catégoriquement. D'abord vous ne restez pas la nuit, en prime ce sont des pratiques litigieuses. Ils ont tout simplement compris ce qui se passait plus haut dans les villages kunas qui appliquent cette pratique mais qui est chez eux un droit coutumier. Il n'a aucun sens à Obaldia.

Attention, il ne faut en aucun cas envisager de dormir à Obaldia le mouillage est trop inconfortable.

Dans le sens retour sur Colombie, lorsque vous avez effectué votre sortie du Panama, présentez-vous à la cellule diplomatique de Colombie, ils tamponneront votre passeport. Cette formalité est
une marque de courtoisie. Elle n'a rien d'officiel, vous devrez faire votre entrée nationale
soit à Capurgana (en mouillant à Sapzurro, car Capurgana n'est pas un mouillage pratique pour les voiliers) soit à Carthagène. Vous pouvez naviguer jusqu'à Carthagène à l'intérieur des eaux territoriales colombiennes avec le zarpé délivré par le Panama sans que cela ne pose le moindre problème. Si après les formalités de sortie à Obaldia vous revenez sur Sapzurro, présentez-vous
également à la guarda de Sapzurro, même s'ils ne font pas d'entrée officielle, le fait d'y passer entretien de bons rapports entre navigateurs et gardes-côtes colombiens.

L'ambiguïté du caractère Kuna

Pour tout vous avouer, nos premiers temps chez les Kunas n'ont pas été idylliques. Leur manière de venir nous aborder, toujours intéressée nous rebutait beaucoup. Les premiers temps, les Kunas que nous côtoyions nous demandaient la taxe d'ancrage et de leur acheter des molas. Impossible d'avoir un contact si ce n'était par l'entremise du billet vert. Puis au rythme de notre avancée dans l'archipel, nous avons découvert des caractères franchement attachants.

J'entends souvent dire que le tourisme est la cause du changement du comportement de ce peuple. Il y a sans doute du vrai, mais cette analyse est simpliste. L'ambiguïté du caractère Kuna trouve son origine dans son mode de fonctionnement communautaire et dans un vécu historique de lutte contre les envahisseurs successifs. Les touristes sont pour les Kunas les envahisseurs du 21e siècle.

Un exemple de pollution par le tourisme est Atchutupu. Nous nous ancrons et pendant plus de 3 heures, c'est le défilé d'enfants et d'adultes qui s'agrippent au bateau, qui regardent partout au travers des hublots, qui crient et qui nous invectivent quand nous ne répondons pas positivement à leurs injonctions pour leur acheter des molas. La seule chose qui a mis fin à ce vacarme et ces comportements sans aucun savoir-vivre est une grosse voix de capitaine qui leur somme d'arrêter leur harcèlement prétextant que leur sahila nous avaient enjoint à ne rien leur acheter. Cette petite phrase magique sortie par le Capitaine excédé a fait des merveilles. Tout le monde est reparti dans sa barque l'oreille basse, nous jetant des regards craintifs par-dessus l'épaule. Ce village est l'un des premiers villages en venant du sud qui possède un aérodrome et qui éparpille des petits hôtels faits de huttes traditionnelles autour du village. Je ne sais pas ce qui s'est passé au sein de cette population pour ainsi s'acharner à vendre des petites perruches capturées dans la forêt, des molas, ou toute sculpture de bois. En tout cas, ils s'y prennent mal et font fuir les bateaux.

Pour ce qui est des villages reculés et non pollués par le tourisme, nous avons trouvé des habitants farouches, campés dans leur hutte, refusant tout contact, mais qui néanmoins n'auraient pas refusé quelques dollars, puisque nous entendions des petites voix fluettes qui au travers des canisses nous disaient de leur ton péremptoire : comprar mola... Ainsi, dans ces villages, le tourisme ne peut être la cause essentielle d'un comportement qui, parfois, est franchement rébarbatif.

Voici le côté sombre du caractère Kuna dévoilé. Mais comme partout, tout n'est pas noir, tout n'est pas rose. Il faut du temps et appréhender chaque être pour ce qu'il est et l'on trouve toujours des gens charmants prêts à discuter. Notre premier contact sympathique fut Lino de Caretto, le deuxième village en venant du sud. Nous le rencontrons alors que nous sommes en pleine randonnée en forêt tropicale, nous bataillons avec une armée de moustiques intrépides et Lino nous croise hilare ! Il marche vite il nous sort de la forêt, pour nous entraîner sur une longue plage de 5 kilomètres qui mène au village de Caretto. Je prends avec lui ma première leçon de Kuna... Avec nous à sa suite Lino, entre dans son village triomphalement. Nous saisissons des regards au vol. Sensations étranges et inconfortables. A nos yeux, ce sont eux qui présentent une différence ! Pour eux, nous sommes les extra-terrestres fraîchement débarqués de la lune ou de son étoile ! Nous nous rendons compte de la chance que nous avons, sans la rencontre de Lino, pénétrer dans le village de Caretto en tant qu'étrangers aurait été une tâche ardue. Les femmes sont timides, et entrent dans leurs huttes à l'abri des regards. Les enfants par contre se passent rapidement le mot. Dom est assailli de petites mains, qui lui touchent les mollets et qui lui tirent les poils blancs des avant-bras. Moi, j'ai des petites mains qui se sont glissées dans les miennes. Très vite ce qui était, à notre arrivée, un silence lourd, devient un piaillement de notes aiguës.

Voici notre premier vrai contact. Par la suite, nous aurons à coeur de toujours nous renseigner avant de pénétrer dans un village de demander les us et coutumes à respecter. Nous le ferons soit lorsque le secrétaire du village vient au bateau pour quérir la taxe d'ancrage, soit lorsque le mouillage est gratuit, nous nous adresserons toujours au premier homme que nous croisons pour lui demander ce qu'il y a lieu de faire. Ce comportement est très important, surtout dans le sud de l'archipel. Nous y reviendrons dans la prochaine rubrique.

Sachez aussi, qu'en dehors des heures de classe, les enfants seront les plus accueillants. Ils s'agripperont à vous, ils se baladeront avec vous. Les enfants de moins de 9 ans, parlent très rarement espagnol, ils ne parlent souvent que le kuna. Mais ils sont curieux, souriants, heureux de côtoyer des nouvelles têtes et de se balader main dans la main. Attention, ils sont souvent très pudiques, les gestes affectifs sont à propager avec parcimonie. Prendre la main est accepté, ils n'aiment pas trop qu'on leur mette la main sur la tête, ou qu'on fasse toute autre marque de sympathie.

Une chose étonnante que nous avons pu constater : si les Kunas ne trouvent aucune malséance à prendre d'assaut notre bateau lorsqu'ils y viennent en barque ils sont quant à eux très susciptibles lorsque nous ne respectons pas leurs valeurs dans leur village. Ainsi vous aurez souvent l'occasion de voir des enfants et même des adultes s'arrêter en barque à côté de votre bateau et s'y accrocher pour monter à bord sans trop vous demander votre avis. Ils sont très prompts à la manoeuvre. Par contre si vous refusez gentiment, ils ne se vexeront pas. A l'inverse, ils ouvriront difficilement leur porte de hutte. Mais nous avons trouvé quand même des familles qui, un peu partout, nous ont accueillis gentiment et avec générosité.

En règle générale ils craignent l'autorité du sahila, leur chef de village. Ceux-ci éditent parfois des interdictions de commercer directement avec l'étranger. C'est le cas à Pinos. Il est interdit d'acheter un mola, un poisson ou de la coco de particulier à particulier. Par contre, si l'on désire acheter des molas, il faut avertir le secrétaire principal qui réunit sur la place toutes les femmes du village. Il opère ainsi un contrôle sur les ventes et récupère la taxe communautaire. Cela dit, un second du secrétaire est venu sur notre bateau avec toute sa famille pour nous vendre les molas familiaux. Ainsi de profond respect inspiré par la crainte de l'autorité, on passe à des petites tricheries et des cachotteries qui ne favorisent pas toujours une compréhension très claire des comportements.

Les Kunas sont aussi très résistants à la douleur. On rencontre rarement un kuna qui se plaigne de ses conditions de vie. Je n'ai jamais entendu un seul kuna maugréer ou se lamenter. Ils ne sont pas non plus expansifs à se dire que la vie est belle. Plutôt résigné à leur vie, sans la juger. La terre leur donne tout ce dont ils ont besoin et ils vont le chercher.

Naturellement méfiants, ils ne sont pas spontanés. Ils sont plutôt renfermés sur eux-mêmes et observateurs vis-à-vis de l'étranger. Lorsque la curiosité l'emporte, là c'est gagné un échange peut avoir lieu. Les plus ouverts sont naturellement les hommes. Les femmes en général ne pensent qu'à vendre des molas. Bien que nous ayons croisé une femme exquise en Isabel Bill, la boulangère d'Ustupu. D'une relation commerciale nous sommes passés à une relation amicale, franche et pleine d'humour. Mais en général les femmes sont très réservées. Les hommes qui ont travaillé au canal ou à Panama City parleront l'espagnol et de plus en plus souvent l'anglais. Ils chercheront à savoir d'où vous venez et comment vous vivez, ils répondront à vos questions sur le peuple kuna et ses traditions.

Vécu historique

Le caractère général des kunas trouve sa source dans un vécu historique et dans l'autorité des sahilas (voir rubriques suivantes). Il ne faut pas oublier qu'ils sont les seuls à avoir survécu dans de relatives bonnes conditions à l'envahisseur espagnol.

Lorsque les conquistadores sont arrivés dans la zone caraïbe, les Indiens ont pour la plupart disparu. Deux exemples montrent l'impact de la colonisation. Le premier se trouve chez les Indiens Koguis. Ils vivaient dans des zones fertiles de la Montagne de Santa Marta. Ils étaient à la fois pêcheurs et cueilleurs. La montagne à moyenne altitude offrait toutes les richesses, tous les moyens de subsister dans de bonnes conditions. Pour échapper à l'esclavagisme, les Koghis ont été forcés lors de l'arrivée des premiers Européens à grimper au-dessus de 3000 mètres. Là ils trouvaient des conditions si rudes que peut d'Indiens survécurent. L'autre exemple est la communauté Wayuus. A l'arrivée des Espagnols, ils se fondirent dans la population. Ils gardèrent des bribes de leur culture et leur langue, mais le nouvel arrivant avec ses notions mercantiles à eu une influence indéniable sur l'âme de ce peuple.

La particularité des Kunas est qu'ils s'établirent sur le rivage tout en résistant à l'envahisseur. Les Kunas n'acceptèrent pas le joug espagnol et préservèrent leurs coutumes. Ils souffrirent néanmoins de la colonisation. Les nouvelles maladies laissaient les docteurs kunas démunis. La survenue des chiens a aussi marqué le peuple Kuna. Ceux-ci traquaient les Indiens comme du gibier. Le chien n'est toujours pas à ce jour le meilleur ami du Kuna et le plus souvent servi en plat de résistance que présent au pied de hamac pour recevoir une caresse. Les Kunas ont également souffert au travers des âges du manque de renouvellement de sang. Ainsi alors qu'ils étaient plus d'un million lors de l'arrivée des conquistadors aujourd'hui ils ne sont plus que 50 000.

Sans doute, les siècles passés, ont-ils forgé un caractère farouche et déterminé qui nécessite quelques adaptations lorsqu'on décide de passer du temps dans leur archipel.

Un impôt au pays des irréductibles

Avant de trouver les voies de la connaissance en pays Kuna, il faudra dépasser une aversion typiquement occidentale. En effet, nous traînons dans notre sillage quelques susceptibilités intimement liées à notre mode de fonctionnement "économicoculturel ". Certaines pratiques, certains mots qui sont naturels aux peuples que nous côtoyons sont pour nous si choquants, qu'il nous faut faire de gros efforts pour accéder à une certaine compréhension.
Voici comment un malentendu peut naître dès les premiers contacts à l'entrée d'un pays. Juste après la frontière colombienne, le premier village où nous mouillons est Anachukuna. (08-44.19N - 077-32.68W). Nous y arrivons par un soleil déclinant qui accentue le dessin en arc de cercle d'une petite plage de sable doré et d'une cocoteraie épaisse. La baie, adossée aux montagnes de Panama, est délicieusement calme, idéalement placée pour nous abriter totalement de la houle qui sévit dehors. Nous touchons de près, l'extase, choisissons pour L'Etoile de Lune une place de rêve. Nous actionnons le guindeau, et... Une pirogue vient à nous. Un jeune homme rame et un seul mot jailli de cette pirogue : "Impuesto".
Impuesto ? Impuesto????
Est-ce un mot Kuna pour dire bonjour ? Nous le saluons gentiment. Visiblement, il n'en a rien à faire. Il est là pour prendre 10 dollars à tout rare bateau qui passerait par là. Bon, bon... va pour 10 dollars. Nous venons pourtant de nous alléger à la frontière panaméenne de 100 dollars ! Le premier contact n'est donc pas complètement positif. Surtout pour notre balance commerciale. Et ce scénario se répètera d'escale en escale :

Première escale : 10 dollars
Deuxième escale pour pénétrer à pied dans le village : 5 dollars
Troisième escale prix de l'ancrage : 5 dollars
Quatrième escale : 8 dollars..
Cinquième escale mouillage 10 dollars, prendre des photos 1 dollar par prise, mettre le pied à terre 3 dollars (pour une paire de pieds, non par pied !), monter en haut de la colline 1 dollar, venir au village pour acheter des molass 5 dollars. Je précise, pas 5 dollars pour débarquer dans le village et ensuite acheter des molas que nous payerons en moyenne 20 dollars !

Pendant les dix premiers jours, en guise de "bonjour" nous entendons "Impuesto" immédiatement suivi par l'expression "comprar mola" ("acheter molas"ces sont des pièces de tissus cousues artisanalement).

C'est fini oui !
Non mais, "je crois rêver !"
Les Kunas pensent-ils vraiment que nous nous baladons avec une planche à billets à notre bord ? Qu'est-ce que c'est que ce pays ? Au bout de dix jours, j'ai la sensation d'être peinte en billet vert et de n'être vue qu'en tant que porte-monnaie ambulant. Pour couronner le tout, l'accueil, une fois l'impôt payé, n'est pas des plus réjouissants. A Anachukuna nous avons la franche sensation d'être des Romains qui s'aventurent inconsciemment dans le clan des irréductibles cousins d'Obelix. Tout le monde disparaît dans les huttes à notre arrivée. A pleurer !

En fait en voyage, il ne faut jamais se cabrer, jamais s'arrêter à ses propres valeurs, il faut s'ouvrir à celles du pays que l'on visite. L'impôt kuna s'applique à tout bateau qui vient s'ancrer devant une communauté du Comarca de Kuna Yala. Le droit est de 5 à 10 dollars selon le village et les décisions du Congresso. Il représente la contribution des "étrangers" au fonctionnement de la communauté. Il est aussi le passage obligé pour être admis parmi les Kunas. En fait, à Anachukuna, ignorants du droit coutumier kuna et bien que nous avions déjà payé le droit d'ancrage de 10 $, lorsque nous sommes rentrés au village sans nous soumettre au droit de visite. Nous enfreignions une loi fondamentale et du coup, tout le monde s'est barricadé à l'intérieur des huttes et le contact a été impossible. Le sahila n'aurait permis à personne de nous adresser la parole. Mais en plus toute personne nous adressant la parole aurait eu droit à de réelles remontrances formulées par les autorités du village.

Attention, payer l'impôt kuna n'est pas une manière de monnayer leurs sourires. C'est tout simplement se plier à une coutume ancestrale. Et remarquez aussi que tous les villages ne réagissent pas tel Anachukuna, ceci est un exemple extrême. Les villages auront différentes règles selon celles qui auront été établies par le sahila. Celui-ci est le chef du village, nous reviendrons dans une autre rubrique sur ses attributions.

En ce qui concerne l'impôt kuna, depuis la nuit des temps, tout Kuna qui désirait rendre visite à un village voisin emmenait avec lui un sac de cocos. Dès son arrivée, le Kuna se rendait à El Congresso, l'antre du Sahila. Il offrait son sac de cocos, contribution pour ce qu'il consommerait sur place. La coco était alors la monnaie kuna. Avec le temps, il a été plus facile d'emporter un petit porte-monnaie de dollars qu'un lourd sac de cocos et le billet vert s'est tout naturellement imposé.

Aujourd'hui, la règle est un peu différente. Le Kuna se présente d'abord au Sahila de sa propre communauté. Le chef, lui délivre un "permisso" de partir pour 25 centimes. Cette contribution remplace les journées de travail qu'il n'effectuera pas. Arrivé au village visité, il règle "l'impuesto" au secrétaire,  il  présente son "permisso" au Sahila et il précise l'endroit où il va séjourner. Un Kuna qui n'a pas d'endroit où dormir ne peut rester dans un village "étranger".

Elargissant, leurs règles aux étrangers, les Kunas ont coutume de demander une contribution au fonctionnement de la communauté. Ainsi, le professeur envoyé par le Panama pour enseigner aux enfants Kunas, le mécanicien qui vient pour réparer la génératrice, le médecin envoyé dans les Centres de santé, le navigateur qui arrive avec son voilier...,  tous se soumettront à l'impôt kuna.

Ces sommes ajoutées aux impôts locaux dus par les Kunas eux-mêmes, permettent de gérer la communauté. L'éclairage, l'installation de panneaux solaire, les entretiens divers comme ceux des conduits d'eau douce,  du congresso ou du quai sont assurés par les divers impôts kunas. Il y a aussi les frais de fonctionnement du tribunal coutumier, le salaire du sahila (15 à 25 dollars par mois), tous les frais administratifs de la communauté.

A y réfléchir, ils ne fonctionnent pas vraiment autrement que nos sociétés occidentales...

Pour les navigateurs, les Kunas n'ont pas seulement inventé l'impôt de "bienvenue à l'ancrage". Dans certains villages  nous devrons payer pour mettre pied à terre. Payer pour emmener l'appareil photo. Payer pour prendre une photo... La photo coûte un dollar, car en se baladant à Panama City, les Kunas se sont rendu compte que certaines cartes postales montrant des Kunas coûtaient 1 dollar. Depuis, ils imaginent peut-être que nous sommes tous commerçants en cartes postales. Certains villages font également payer la balade ou alors, ils obligent à prendre un guide rémunéré.

Cela dit, la règle n'est pas partout pareille. Tout dépend de l'autorité du Sahila, s'il vient d'être élu, s'il est progressiste ou conservateur. Certains villages se contenteront de l'impôt d'ancrage. D'autres sont devenus gratuits, les habitants comprenant qu'il est plus agréable de se mettre à la page du commerce touristique plutôt que de rester à l'aire de "l'impuesto"... Mais, certains clans restent encore attachés à des règles extrêmement strictes. Tant et si bien que le touriste prend ses jambes à son coup et repart aussi tôt vers d'autres villages (plus nombreux) où l'ambiance est détendue. 

Voici trois autres exemples en pays Kuna :

Caledonia (8°54N 77°41W):
En arrivant, deux secrétaires montent à bord d'autorité. Ils réclament 10 dollars pour l'ancrage. Puis ils nous soumettent un document. Une liste de 12 règles dont 5 points nous enjoignent à payer divers impôts et amendes en cas de violation des règles Kunas. Les autres points sont une liste éloquente de tout ce qui nous est interdit de faire. Par exemple, il est strictement interdit de se balader dans le village après 17 heures...

Une visite du village coûte 3 dollars par personne.
Emmener un appareil photo : 1 dollar par appareil
Prendre une photo : 1 dollar par photo
Amende : en cas d'infraction aux lois kunas, 50 dollars.

Ustupu (9°07N 77°55W):
Le secrétaire réclame à notre arrivée 8 dollars. Nous sommes restés aussi longtemps que nous l'avons désiré. Nous sommes partis et même revenus, sans payer plus. Nous avons été accueillis par un village extrêmement sympathique. Les enfants ont demandé que je prenne des photos à tour de bras sans qu'il y ait de contrepartie monnayable. Les adultes sont venus à nous, discutant longtemps, nous expliquant une foule de choses pour mieux les comprendre et les connaître. Nous avons visité la rivière gratuitement, avec Romulo, qui parle très bien anglais et  qui a tout simplement pris sa journée de libre, pour nous accompagner, sans rien demander en échange (cela ne nous a pas empêchés de lui fournir des cadeaux en fin de journée pour sa famille et lui) . Cerise sur le gâteau, notre ami Patrick a pu faire le plein d'eau de son catamaran (400 litres) sans que la communauté ne lui demande rien, puisque l'eau est gestion communautaire et que l'impôt réclamé à notre arrivée gère tout cela. Il décidera de verser de son plein gré une contribution supplémentaire.

Islandia (9°13N 78°00W
Personne ne nous a rien demandé.  Par contre lorsque nous nous sommes rendus au village d'Ailigandi à un mille et demi, nous nous sommes présentés directement au bureau de perception de la taxe. Une jeune secrétaire et Aurelio Munios l'accesseur du Sahila nous accueillent chaleureusement. Visiblement cette participation spontanée à la taxe communautaire est appréciée. Pour la modique somme de 2 dollars par personne, ils nous invitent à venir au village aussi souvent que nous le désirons pendant notre séjour. Lorsque nous leur demandons les restrictions appliquées aux étrangers, ils nous répondent qu'il n'y en a pas. Sauf une restriction d'horaire qui concerne les marins colombiens. Ceux-ci sont consignés à bord de leur lancha au-delà de 17 heures et jusqu'au lendemain matin. Les autorités préservent ainsi "la paix dans les ménages"... Par contre, il nous dit que nous pouvons nous balader tranquillement, les photos sont permises et gratuites à condition, évidemment (!), de demander la permission aux intéressés.

Un conseil simple :
Lorsque vous vous présenterez en tant qu'étrangers dans un village kuna, vous ne saurez pas d'emblée si votre circulation dans la communauté sera soumise à l'autorisation du sahila ou s'il faudra payer un impôt. Une manière simple de ne choquer personne est de s'adresser dès votre débarquement à un villageois. Il y a toujours quelqu'un près des quais. Choisissez toujours un homme, jamais une femme. Saluez-le chaleureusement.
Dites: "Nuedi.
Ca c'est un petit mot magique chez les Kunas! "Nuedi" permet de dire à la fois "bonjour", "merci" et comment vas-tu ? ( pour cette question rajoutez un be! Benuedi?). Ensuite, demandez-lui ce qu'il y a lieu de faire (voir le sahila ? ou payer l'impôt ?parfois les deux). Souvent, il abandonnera tout pour vous guider. Pendant que vous effectuerez ce passage obligé, les secrétaires du sahila ne manqueront pas de vous dire ce que vous pouvez faire, à quelles heures le village est "ouvert" (souvent, les kunas n'aiment pas que les étrangers se baladent le soir dans leur village!)

Dès que les "formalités d'usage" seront remplies, cette première personne rencontrée se fera sans doute un plaisir de rester en votre compagnie, de vous présenter aux familles qu'il connaît ou de vous emmener au petit musée ou à l'école... Ce comportement est vraiment la clé qui vous ouvre le village kuna.
En conclusion, je vous avouerais que je trouve le mot "impuesto" très mal choisi. On nous parlerait de "contribution sociale kuna" et nous serions déjà plus enclins à verser notre obole à la cause. De plus, connaissant la "contribution" que nous versons très régulièrement au fonctionnement de nos bateaux, l'impôt kuna représente une infinitésimale partie de notre budget. Et puis, en pays Kuna, le niveau de vie est très peu élevé. Pour exemple : 4 cocos valent 1 dollar, 4 avocats, 1 dollar... Dix petits pains délicieux font également 1 dollar. Une boîte de thon sauce tomate piquante de 425 grammes coûte 1, 35 dollars. Le cours de la langouste est variable, ainsi que le celui du crabe (nourriture traditionnelle Kuna). Sans doute un calcul savant, une balance commerciale prenant en compte l'humeur du pêcheur et ses besoins du jour. Mais, au cours le plus haut, nous avons fait 5 repas de langoustes pour 6 dollars. J'ajouterais enfin qu'il est dommage de se priver d'un séjour au sein de cette culture inimitable pour une simple question de susceptibilité fiscale...

Nous avons failli le faire, heureusement que la raison nous est revenue à temps!!!!

Les Kunas et le 21e siècle

L'avion
La particularité de l'habitat Kuna réside dans le fait que très peu de villages sont établis sur le continent. Fuyant les moustiques et les glissements de terrain, les Kunas se sont peu à peu installés sur des îlots remparés de la  houle dans un labyrinthe de barrières de corail. Ces îlots sont éparpillés le long du continent. Il n'y a aucun autre moyen de communication entre les villages que des pirogues taillées d'un seul tenant dans des troncs d'arbres manoeuvrées à la pagaie, à la voile et encore très rarement au moteur hors-bord. Le continent leur offre l'eau douce, le gibier à chasser, les cultures de maïs, de riz, de cocos, de bananes, d'ananas, et de toutes sortes de racines types ignames. Le continent pour un Kuna n'est jamais loin, car il nourrira sa famille. Mais il fournira aussi l'unique moyen de se rendre dans les grandes villes de Panama. Ainsi, ces villages à l'écart de la civilisation possèdent pour la plupart une piste de terre battue sur laquelle atterrissent des petits avions bimoteurs. De cinq en cinq milles les avions font des sauts de puce.

Le téléphone
Même dans les villages les plus reculés du comarca, la technologie du 21e siècle fait des percées. Par exemple à Caretto dans l'extrême sud du comarca, le deuxième village après la frontière colombienne. C'est sans doute LE village qui observe le plus scrupuleusement les règles Kunas : une vie entièrement vouée à la communauté, le pouvoir fort du sahila, les tenues traditionnelles pour les femmes, les huttes traditionnelles, les cérémonies de la chicha, de la jora..., pas de photos, pas de télévisions... Mais, le téléphone satellite! Hé oui, le gouvernement de Panama a installé dans chaque village une antenne parabolique, une voire plusieurs cabines téléphoniques, des panneaux solaires... Et voici, nos Kunas les plus isolés du monde capables d'appeler la terre entière !

L'école
Autre avancée technologique implantée dans chaque village : une école en béton. Le Panama fournit les professeurs qui instruisent les enfants en espagnol et en kuna. L'école partage ses compétences entre des professeurs panaméens et des professeurs kunas. Lorsqu'ils sortent de l'université les jeunes professeurs panaméens s'engagent à fournir trois années de leur carrière à l'éducation des enfants indigènes. Ils ont le choix entre les cinq communautés indiennes reconnues au Panama : les Kunas, les Chocos, les Guaymies, les Teribes, les Bokotas.

Nous avons croisé à Ustupu, German un professeur d'anglais qui a bien voulu nous expliquer le rythme de vie des professeurs en pays kuna. En général les professeurs viennent seuls sur les îles kunas, leur famille reste dans leur ville ou village d'origine. Ils rentrent chez eux en moyenne 2 fois par an, mais le trajet reste cher (120 dollars aller/retour).

Pour se loger ils ont le choix entre un bâtiment communautaire, une famille kuna, ou des petites pensions établies dans des huttes améliorées. Cette dernière solution est la plus chère. German nous expliquait que pendant ses premiers mois à Ustupu, il avait choisi de vivre "à la kuna". Mais il nous avoua que le quotidien d'une hutte familiale kuna est difficile à vivre pour une personne née dans un certain confort. Aujourd'hui, il partage le presbytère avec ses collègues. Il nous emmène voir son logement. Il nous présente les conditions d'hébergement comme bien supérieures aux huttes kunas. Pourtant German dispose d'un lit, d'une table et d'une chaise, les vêtements sont suspendus à une poutre. Des palissades en carton-pâte figurent les murs de séparation entre les "chambres". Des portes incertaines assurent une intimité allégorique. Les sanitaires et la cuisine sont d'un confort ascétique. Pas d''eau courante ni d'électricité en permanence. Loyer 25 dollars, rémunération moins de 600 dollars par mois.

Un projet de connexion internet est en 2008 à l'étude. Ce projet se nomme "conectate" (se connecter en espagnol). Ustupu est un village pilote en la matière. Le projet "conectate" est à l'essai dans ses classes. D'ici 2010, toutes les écoles kunas seront connectées à Internet. De quoi accélérer les bouleversements au sein de la société kuna.

Les hôpitaux
Tous les villages de plus de 1000 habitants possèdent un hôpital relativement bien équipé. A Ailigandi, un poste de radiologie est disponible ainsi qu'une salle de chirurgie. Les hôpitaux ont été construits par l'état du Panama, et fonctionnent un peu comme les écoles avec du personnel à la fois kuna et panaméen.

Panaderias et tiendas.
Les grands villages ont plusieurs boulangeries. La boulangerie d'Ustupu possède plusieurs fours qui fonctionnent au gaz. Le pain kuna est délicieux et fait à base de farine de maïs. Il y a des tiendas dans tous les villages importants. On n'y trouve que rarement des produits frais, plutôt des conserves de dépannage.

La révolution Kuna

La première fois que nous avons compris à quel point la révolution de 1925 a été importante pour les Kunas c'est en pénétrant dans le congresso de Caretto. En pénétrant dans la pénombre fraîche du congresso, Dom et moi avons un geste de répulsion. Quatre drapeaux encadrent le centre de l'antre du sahila. D'un côté nous trouvons sur fond jaune et rouge deux bras armés qui s'enlacent. De l'autre côté sur fond rouge et blanc le sigle svastika se détache lugubre et noir. Lino qui est notre guide amical à Caretto prend les devants et nous dit :
"Je sais à quoi vous pensez. Les étrangers pensent immédiatement au signe de ralliement des nazis." Il nous explique qu'en 1925, les Kunas se sont battus férocement pour acquérir leur autonomie. Lorsque le pays de Panama a été créé en 1903, les dirigeants de l'époque pensaient tout naturellement que tout le pays serait gouverné par une même autorité. C'était sans compter la détermination du peuple kuna. En 1925, les Kunas se soulevèrent et firent leur révolution, n'hésitant pas à exterminer les militaires qui sévissaient dans leur village ainsi que les enfants de sang mixte. A la suite de cet événement particulièrement sanglant, le peuple Kuna obtint une reconnaissance internationale de son statut autonome.
Le territoire Kuna n'est ni une province, ni un département du Panama. C'est un comarca, c'est à dire, une région à part entière. L'indépendance du pays Kuna a été ratifiée le 21 janvier 1925. Cette date est une journée nationale de commémoration dans toutes les communautés. Les Kunas sont les seuls Indiens a jouir de ce droit. Aujourd'hui encore, cet épisode révolutionnaire est salué dans chaque village, par la statue des caciques qui ont âprement défendu le droit kuna. Le peuple Kuna assume sa solidarité aux faits de l'époque par deux drapeaux caractéristiques. Le premier représente deux bras armés qui se croisent, l'autre est à l'effigie du sigle svastika.
Les deux villages historiques de la révolution sont Ailigandi et Ustupu. Les sahilas de ces deux villages ont été à l'origine du soulèvement. Ils sont honorés comme il se doit. A Islandia, le bureau communautaire est un hommage aux grands caciques révolutionnaires, des photos datant des années 1930 sont punaisées aux murs, un grand drapeau remplit le mur. Sur la placette devant le congresso, une statue d'un homme minuscule est chouchoutée, régulièrement repeinte. Il en est de même à Ustupu. Les noms de ces grands révolutionnaires ? Nele Kantule pour Ustupu et Smiral Colman ou de son nom Kuna Olokindibipilele pour Ailigandi.

L'organisation politique du peuple kuna

Voici un sujet bien sérieux et pourtant nous avons eu le meilleur des professeurs pour nous expliquer agréablement un sujet aussi rébarbatif. Nous étions pourtant parés, L'Etoile de Lune prête à lever l'ancre, il ne manquait que le pain à bord pour quitter Ustupu. Mais chez Isabel Bill, même lorsque le pain est commandé, il faut comme d'habitude attendre qu'il sorte du four. Alors que nous patientons sagement sous le patio, nous faisons la connaissance de Decio Martinez. Avec lui, nous avons droit à notre premier cours de politique panamo-kuna.

En mai 2009 le Panama élira un nouveau président de la République. Si le vote se fait à bulletin secret, l'affichage de la couleur politique de chaque famille s'exprime hauts en couleur à l'aide de drapeaux qui fleurissent par-dessus les toits des huttes. Les villages kunas démontrent un engouement totalement inattendu pour les élections. Les rues et les ruelles sont tapissées de drapeaux. Le week-end, des pirogues partent en croisade électorale affichant le drapeau de leur parti politique en guise de figure de proue. Decio déplore cet enthousiasme exacerbé. Il nous dit que cela sème une zizanie sans précédent au sein même de la communauté Kuna. Il dénonce aussi les changements dans leur société. Il nous dit que les responsables de la mutation en cours sont les caciques.

Les caciques sont les représentants politiques des Kunas. Ils se situent au-dessus des sahilas qui eux sont les représentants spirituels dirigeant chaque village. Tous les quatre ans le peuple Kuna éli trois caciques. Ceux-ci partent après leur nomination à Panama City. Ils sont installés par le gouvernement panaméen, dans de beaux appartements climatisés. Ils ont à leur disposition, un superbe bureau, toute la technologie nécessaire et bien sûr de jolies secrétaires. Deux fois par an, tous les sahilas sont convoqués par les caciques à Panama City. Chaque sahila part en compagnie de ses secrétaires. Pour les plus gros villages cela représente cinq personnes en plus du sahila. Il y a près de 60 villages kunas. Pendant ces congrès semestriels, tous les sahilas présentent leur rapport sur la vie quotidienne de leur village (production vivrière, taxation, problèmes éventuels, méfaits,...). Ils listent également les revendications du peuple kuna. Par la suite, les caciques font un résumé de l'ensemble et soumettent les revendications au gouvernement panaméen. Si jusque-là, la machinerie semble bien huilée, d'après Decio c'est à partir de ce moment-là que les choses se gâtent. Les caciques trop bien installés par le gouvernement panaméen auraient tendance à lisser les aspérités politiques. A ses yeux, ils ne représentent plus le peuple aussi fermement qu'ils le faisaient par le passé. Si Decio a la critique acerbe envers les caciques actuels, il est pourtant fier de nous dire qu'il y a déjà eu 4 ministres kunas en poste au niveau national, l'un d'eux fut affecté à la Justice. De plus, en 2008 le gouvernement panaméen compte 5 représentants Kunas et 2 députés kunas.

L'emprise des Sahilas

En passant rapidement en pays Kuna on aura tendance à voir un peuple dans son ensemble, avec un comportement uniforme qui se répète de village en village. On vous parlera volontiers du "gentil Kuna" un peu comme du bon sauvage. Rien n'est plus faux, un séjour prolongé en Comarca de Kuna Yala permet de comprendre une chose essentielle : l'ambiance qui règne dans chaque village est conditionnée par le Sahila. Chaque village sera donc différent et dépendra de la personnalité de son chef spirituel. Le Sahila est celui qui protègera ses ouailles en consacrant chacune de ses journées aux chants divins. Chaque village, chaque entité kuna aussi petite soit-elle, est organisé de la même manière depuis des siècles. Un Sahila règne sur sa population, il est entouré de secrétaires qui assument des fonctions administratives, de chanteurs qui l'aident dans ses tâches spirituelles, d'un interprète qui traduira ses pensées aux villageois, car le Sahila s'exprime en général dans un langage éthéré qui n'est pas compris par le commun des mortels.
Il faut savoir que le 21e siècle et ses avancées technologiques n'ont absolument pas supplanté l'influence des Sahilas. Ceux-ci s'opposent en garde-fou contre le progressisme débridé qui tuerait la culture kuna. Chaque village est donc sous l'emprise d'une autorité quasiment incontestée.Le congresso et le sahila sont sans doute les deux institutions les mieux gardées de la culture Kuna. Le "congresso" est la plus grande hutte du village. En général, elle occupe une position centrale dans le village. Elle est capable d'accueillir toute la communauté. Le congresso est à la fois le nom de la plus grande hutte du village et le nom donné à la réunion de tous les habitants autour de leur chef.

En pénétrant dans un village vous ressentirez immédiatement quelle est la ligne politique du sahila. Dans les villages conservateurs, vous trouverez des visages fermés, les kunas disparaîtront dans leur maison au moment où des étrangers apparaitront. Vous aurez tout bonnement la sensation d'être un Romain qui vient de pénétrer dans le clan des irréductibles d'Astérix.  A l'opposé de ce monde d'intolérance, vous aurez des villages complètement ouverts au tourisme et à la manne qu'il représente. Le dollar y a supplanté toutes les coutumes ancestrales. Seul le mola pourvoyeur de billets verts a survécu à  une ouverture débridée sur le monde extérieur.
Ces tendances ne sont pas immuables. Le Sahila est élu à vie, mais il peut être révoqué à tout moment par le congresso.

La vérité et le bien-être des kunas sont sans doute à la lisière entre ces deux tendances extrêmes. Certains sahilas ont compris qu'il était possible de conserver la culture ancestrale, tout en s'ouvrant au monde extérieur. Ces villages-là valent le détour, vous verrez des sourires partout, vous aurez des contacts inoubliables avec des kunas curieux de s'ouvrir à d'autres cultures que la leur. Ils s'adresseront à vous en espagnol, parfois en anglais, et vous aurez même droit au "comment allez-vous" en français ! Ils vous enseigneront des pans entiers de leur culture. Certains habitants avides de partager, ont dressé dans leur hutte des petits "musées". Par le biais de dessins, de sculptures de bois ou de production d'objets traditionnels ils vous emmèneront sur les sentiers de la culture Kuna. Là, sur ces chemins d'un autre âge, vous ferez un voyage inoubliable.

Expériences personnelles
Nous aurons l'occasion de rencontrer deux sahilas en personne. Dans chaque village que nous fréquentons nous ressentons rapidement l'impact des diverses lignes politiques adoptées. Nous avons été particulièrement marqués par les rencontres de Caretto et de Ailigandi (deux expériences opposées), et par l'atmosphère d'Ustupu et celle d'Ogopsucun, un réel grand écart en matière de politique de sahilas.

Première rencontre à Caretto
Lino est notre guide spontané et amical dans ce village particulièrement attaché aux traditions kunas. A Caretto il faut présenter patte blanche devant le Sahila avant de visiter le village. Lino nous guide donc à l'intérieur du congresso et nous place face à deux hamacs d'où dépassent deux têtes d'hommes malingres et minuscules. Ils sont âgés comme s'ils avaient vu la naissance du monde. Les regards torves nous toisent et les sahilas, ne nous adressent pas une seule salutation. Ils s'enquièrent simplement de notre situation :
"Ont-ils payé l'impôt ?" Lino avait oublié. Nous ne pouvons pas leur adresser le moindre mot tant que nous n'aurons pas acquitté la taxe. Une fois que nous avons trouvé le secrétaire du sahila et que nous nous sommes acquittés de notre dû, nous pouvons refaire un tour au congresso. Lino nous explique en chemin le rôle essentiel du sahila. Lino, nous dit qu'il sait tout un tas de choses, comme le sexe des bébés avant qu'ils ne naissent.
"Ha bon, et dis-nous Lino, ta femme accouchera d'une fille ou d'un garçon ?"
Lino nous répond : "le sahila le sait !"
"Oui, OK, mais c'est quoi ?"
"Le sahila le sait !"
Bien compris ! Le sahila parle dans un langage vaporeux. Personne ne le comprend mis à part un interprète qui traduit pour la population tout ce que dit le chef du village. Dans les villages comme Caretto, qui respectent la tradition Kuna au sens strict, le congresso réunit, autour du sahila, tous les hommes mariés du village chaque jour à 18 heures. Ceux qui ne s'y présenteraient pas, auront une amende à payer à la communauté. Pendant tout le temps de cette réunion, un collaborateur du sahila a pour fonction essentielle de garder éveillés les participants. Il porte une espèce de brigadier qu'il agite devant les paupières qui se feraient un peu trop lourdes. Le sahila et les hommes présents évoquent ensemble le déroulement de la journée, ce qu'il convient de planifier pour les jours à venir, les problèmes à résoudre pour la communauté...

Autre rencontre à Ailigandi

Dans les ruelles proches du congresso nous croisons le sahila. Reynaldo est notre guide à Ailigandi et il nous présente immédiatement à Maximo William. C'est la première fois depuis que nous sommes dans le Kuna Yala qu'un sahila nous accorde un peu de son temps. D'habitude, nous le voyions passer telle une ombre éthérée. Cette fois, le Sahila s'adresse à nous en espagnol, il nous souhaite la bienvenue en nous serrant la main chaleureusement.
"Con mucho gusto" (Enchanté) Nous dit-il dans un sourire engageant.
Il nous demande d'où nous venons. Il pose quelques questions de courtoisie. Son "cantador" vient nous rejoindre. Celui-ci nous parle en anglais. Le cantador et le Sahila s'apprêtaient à se rendre au congresso pour invoquer les dieux qui protègent la terre kuna. Je suis tellement impressionnée par ce petit bonhomme que j'en oublie ma langue. Il est minuscule et âgé. Comme tous les sahilas. Il porte un jean, une chemise à carreaux et une cravate rouge, feutre noir enfoncé sur le front. Il va pieds nus. Comme tous les sahilas ! Je regrette ma paralysie. C'est là une chance incroyable d'avoir une discussion avec un haut dignitaire et me voici muette ! (Ou presque...)

Ogopsucun la communauté conservatrice et Ustupu la progressiste.

A Ustupu, le sahila est progressiste. Il n'y a, par exemple, pas d'obligation à se présenter chaque jour au congresso. Les femmes sont libres de s'habiller comme elles l'entendent, elles ont accès au congresso chaque samedi matin. L'ambiance est complètement libérée dans les ruelles d'Ustupu. La ville ne tourne pas le dos à ses valeurs traditionnelles pour autant, car la communauté s'est construit un petit musée où sont consignées toutes les valeurs de la révolution Kuna. Des objets traditionnels kunas sont exposés (biigbi ou éventail pour attiser le feu, jarres en terre cuite, pipes de "divinadora"...). Si Ustupu est plus détendu, ce village n'est pourtant pas laxiste. Le traditionnel puksu kalu (tribunal) et le kala boso (la prison) sont au centre du village et rappellent aux habitants qu'il faut rester sobre et respectueux des règles.

Pour bien comprendre toute la subtilité du peuple Kuna, voici ce que nous trouvons à Ogopsucun, village mitoyen de Ustupu. L'îlot corallien est divisé en deux entités distinctes. D'une part Ustupu compte 8000 habitants et d'autre part Ogopsucun abrite 2000 habitants. Les deux villages sont reliés par des petits ponts, ce qui donne une impression de cité lacustre. Une Venise Kuna. Où les barques se faufilent entre les maisons.

Au coeur du village, une frontière invisible sépare les deux communautés qui ne se mélangent sous aucun prétexte ! Est-elle si invisible, cette frontière ?

En pénétrant dans Ogopsucun, je range mon appareil photo. Ici c'est strictement interdit. Immédiatement, l'ambiance devient épaisse et inconfortable. Il n'y a plus de cris d'enfants, les huttes serrées les unes contre les autres ne laissent plus la place aux cocotiers, aux bananiers et aux arbres à pain qui s'épanouissent à Ustupu. Les cochons laissés libres à Ustupu, sont ici encagés sur pilotis. Les petits jardinets coquets et fleuris qui entourent les maisons sont bannis. Les regards sont fermés, cela ne sent pas le bon pain sorti du four... Le sahila d'Ogoscupun est conservateur. Ses ouailles, sous peine de lourdes amendes, sont tenues d'appliquer à la lettre les préceptes de la culture kuna. L'atmosphère est pesante, elle devient carrément lugubre lorsque nous découvrons pour décor d'une porte de hutte, des crânes de chiens enfilés en chapelet.

L'ordre en pays Kuna

Tribunal et prison
Un Kuna qui commet un méfait de l'ordre de la petite délinquance est immédiatement conduit devant le "Puksu Kalu", tribunal kuna composé de 5 juges désignés par le sahila. La peine encourue peut mener le voleur au "Kala Boso"(prison). Ainsi, le fautif, placé dans un cachot sombre situé au centre du village, est invité à réfléchir pendant quelques jours, aux bonnes manières qu'il lui conviendra d'adopter dès qu'il sortira. Pas besoin de gardiens, tout le village se chargera de la surveillance. Les méfaits traités seront de l'ordre du larcin, de la maltraitance entre époux ou vis-à-vis des enfants et de l'abus d'alcool.

Pour éviter les excès dans la plupart des villages il est interdit de boire pendant la semaine. Les hommes peuvent s'offrir des bières le samedi et uniquement ce jour-là. Mais il ne leur est pas conseillé d'abuser, ils seraient obligés de "cuver" dans le kala boso. Nous n'avons pas vu de vente d'alcool ou de vin dans les tiendas du sud de l'archipel. Les seuls alcools autorisés sont les chichas, breuvage confectionnés sur place par un spécialiste de la fabrication. La consommation de chicha est soumise à quelques règles que nous verrons dans une rubrique spécialement dédiée aux fêtes kunas.

L'adultère est également traité par les tribunaux communautaires. Il est rare en pays kuna, car tout le monde se connaît et ce délit met en péril l'équilibre de la communauté. Néanmoins lorsqu'il survient la punition est lourde. Interdiction aux fautifs de quitter le village pendant un an. L'homme devra continuer à effectuer ses travaux des champs, mais ne sera pas autorisé à partir dans d'autres villages. La femme quant à elle ne pourra pas sortir des murs de sa maison pendant une année entière. Pas besoin d'enfermer les coupables tout le village se chargera du respect du jugement. De quoi réfléchir avant d'agir!!! Le divorce ne fait pas partie des moeurs kunas.

La Police
En ce qui concerne les délits les plus graves. Panama met une police à la disposition des villages. Un poste existe dans les villages les plus importants. Le premier poste en venant du sud est Ustupu. Le policier en faction est Kuna, il est obligatoirement originaire d'un autre village que celui dans lequel il officie. Il garde son poste un mois, puis il rentre chez lui un mois et ce tout au long de l'année. Il a suivi six années d'études au Panama payées par le gouvernement central. Il traite les délits qui dépassent les compétences du Puksu kalu c'est-à-dire les cas aggravés de délinquances. Mais ceux-ci ne l'occupent visiblement pas souvent. Le policier est toujours assis dehors sur la place, disposé à discuter avec le badaud qui passe.

Un problème écologique

Nous nous demandions comment les kunas se débrouillaient pour maintenir leur village propre. Si le décor rudimentaire fait de matériaux naturel est de mise, tous les villages sont soignés. Aux abords des huttes, des fleurs agrémentent les ruelles de terre battue. Pas un déchet ne traîne dans les villages. Cette responsabilité revient aux femmes. Elles se réunissent dans "leur" congresso qui se nomme Nana Durwanasob où elles établissent un cahier des charges qui permet d'assumer l'entretien du village à tout niveau.. "Nana" en Kuna pour "maman" Quand elles ne disposent pas d'un local spécifique, elles ont accès au congresso chaque samedi matin. S'il y a désaccord entre elles, la décision finale revient au sahila.

Par contre, si les villages sont bien tenus, les Kunas n'ont pas vraiment résolu le problème des déchets. Au 21e siècle les matières plastiques ont fait leur apparition partout. Les Kunas remplissent des sacs plastiques qu'ils referment lorsqu'ils sont pleins, ils ne trient rien, et hop, tout est envoyé dans l'eau comme si la mer était une décharge capable de digérer toutes ces ordures.

Ce comportement n'est pas marginal. Cette pratique existe dans chaque village depuis Perme jusqu'à Ailigandi au moins. Les rivages sous le vent des villages sont une réelle catastrophe écologique. Les plages du continent ressemblent à des cloaques. Je signale au passage qu'il n'y a pas d'industrie dans la région, le continent est vierge de toute construction, c'est une volonté des Kunas, la région leur appartient, aucun étranger ne peut s'y établir. Ils protègent donc leur environnement des méfaits des étrangers. Comment leur expliquer qu'ils doivent également prendre soin de leur région à leur échelle ?

Vu leur mode de fonctionnement politique, pourquoi, ne pas expliquer aux caciques qui expliqueront à leur tour aux sahilas que le comportement des kunas doit changer ?
Le sahila parle chaque jour aux villageois, il leur explique que leur dieu est un tout : la mère, le père et la nature. La mer fait donc partie de ce que culturellement ils devraient respecter. Le problème est qu'ils ont toujours jeté leurs déchets à la mer. Tant qu'ils ne jetaient que des matières organiques, la mer parvenait à dégrader les rejets des villages. Actuellement, ils font comme toujours, sauf qu'aujourd'hui, les matières plastiques ont fait leur apparition partout et qu'ils les traitent comme des matières organiques. Il faut leur expliquer la différence. Les informer du mal à venir. Les rendre conscients.

Ils possèdent avec les caciques basés à Panama City une réelle écoute au sein des autorités panaméennes. En général, le Panama accède aux requêtes du peuple kuna. Ils ont ainsi obtenu des aérodromes dans quasiment chaque grosse agglomération (à cinq milles d'intervalle nous avons compté 4 aérodromes, desservis quotidiennement) Ils ont obtenu des écoles bâties en dur, et des professeurs payés par l'état panaméen. Chaque village, même les plus reculés comme Perme et Caretto, dispose d'antenne satellite et de téléphones publics alimentés en panneaux solaires. Un programme portant le nom de "connectate" est à l'essai, pour que chaque village dispose d'internet en 2009.

Sachant tout cela, il me semble qu'il n'est pas plus difficile de mettre en place un système d'éducation concernant leurs déchets que de leur permettre de communiquer et de voyager. Il suffit d'insérer dans le programme d'éducation des enfants, des plages d'information concernant ce sujet. Sur certaines îles de Colombie, les autorités dédient un mur au centre du village pour l'éducation de la population, pourquoi ne pas faire de même. Dessins à l'appui pour ceux qui ne savent pas lire. Et puis surtout, demander aux sahilas qui ont une forte autorité sur les villageois de prévenir que cette pratique est dommageable pour leur avenir et qu'ils ne doivent plus jeter les plastiques à la mer.

Concernant le rôle du gouvernement panaméen :
Pourquoi ne pas imaginer qu'à l'issue d'une réunion entre les caciques et le gouvernement panaméen un plan de traitement des déchets dans les villages kunas soit mis en oeuvre ? En terme de coût ce n'est certainement pas aussi onéreux qu'une multitude d'aérodromes et en terme de rendement, les Kunas en protégeant la mer qui les nourrit, préserveront leur avenir et celui de la planète.

Le père, le mariage, la famille

J'ai souvent entendu dire que la société Kuna était une société matriarcale. Je ne suis personne pour contredire ce qui est écrit dans les encyclopédies, mais les femmes kunas ne dominent pas les hommes. Elles n'ont absolument aucun poids décisionnel dans la société. L'autorité se décline au masculin. Les mots caciques, sahilas et chefs de famille sont strictement réservés aux hommes. On me l'a suffisamment répété en terre Kuna pour que je le retienne ma vie entière! Il n'y eut qu'une seule exception à la règle. Il en faut bien une pour confirmer le reste...Une seule femme cacique en plusieurs siècles de domination manusculine. Celle-ci se nommait Olonague Kiryae. L'événement se passe il y a plus de 500 ans, avant l'arrivée des Espagnols. Olonague s'est présentée à une époque où la corruption anéantissait le rôle véritable des caciques de l'époque. Elle a remis de l'ordre dans la société kuna. Mais par la suite, plus aucune femme ne fut élue à la tête du peuple Kuna.
"Ici, ce sont les hommes qui décident ! Voyons ! Voyons !"

Le père

Le père est donc le chef incontesté de la famille. Il est considéré comme un pilier, comme celui qui est le plus efficace à prendre des décisions pour le noyau familial. Il a toute autorité en matière d'éducation de ses enfants. La femme sera cantonnée à des travaux ménagers elle aidera aussi à la récolte quand l'homme le demandera. D'un point de vue économique, les tâches sont partagées entre l'homme et la femme. L'homme s'occupe des travaux des champs. Il va à la chasse et à la pêche. Il revendra la production qui ne sera pas nécessaire à nourrir sa famille. Tandis que la femme confectionnera à longueur de journée les fameux molas et tentera de les vendre aux étrangers de passage.

Le mariage

Les Occidentaux ont sans doute pensé que les kunas formaient une société matriarcale parce que les filles, une fois mariées, emmènent leur mari au sein de leur cellule familiale. Dans certains villages reculés, c'est encore le père qui choisit le fiancé. Il sera sélectionné pour sa force, son courage, en gros son aptitude à travailler à "el Monte". La cérémonie de mariage est d'ailleurs très cocasse. La jeune fille est posée dans son hamac, au centre de la hutte familiale. Les hommes de la famille se rendent au domicile de "l'heureux élu". Ils le portent dans leur bras et l'entraînent ainsi à travers tout le village. Dans la hutte de la jeune fille, il fait un atterrissage forcé dans le hamac nuptial. On raconte que certains "fiancés", pas très consentants, tentent de s'échapper du hamac. Ils sont immédiatement retrouvés par la belle-famille et vertement reconduits dans le hamac. S'il devait fuir ainsi plusieurs fois, il serait banni du village. Cela dit, une nuit de noces dans un hamac doit être drôlement acrobatique...

Peu à peu les moeurs changent et rassurez-vous, la plupart du temps, c'est l'amour qui commande les mariages kunas. Le choix revient aux futurs époux. Par contre, les Kunas se marient le plus souvent entre eux. Seuls, les mariages intracommunautaires sont en général autorisés. Tous les villages de l'extrême sud du territoire sont encore sous le joug de cette règle. Le problème majeur engendré par ces mariages entre kunas est la consanguinité. A l'occasion de nos balades au sein du pays kuna, nous côtoyons une proportion particulièrement importante d'enfants et d'adultes albinos. Loin d'être catalogués "anormaux", les enfants ne font pas la différence entre eux. Les groupes se mélangent à la sortie des écoles dans une symphonie de rires heureux.

Cependant, peu à peu, les Kunas s'ouvrent à l'extérieur. Plus haut dans le nord du Kuna Yala, il existe quelques exemples, rares, de mariages entre Kunas et étrangers. Ces mariages sont le seul moyen de permettre aux étrangers d'acquérir, certaines terres, certains îlots. Ceux-ci sont alors exploitables pour le tourisme. Le cas existe, du côté d'Atchutupu, un couple mixte a construit un petit hôtel qui ne dépare en rien le milieu naturel, puisque les matériaux de construction ancestraux restent de mise. Ainsi, les touristes désireux de passer quelques jours en pays kuna adoptent non seulement leur mode de vie, mais aussi leur approche de confort. Dépaysement assuré !

La famille

Si les étrangers sont parfois admis dans une famille Kuna, l'organisation de la famille demeure immuable. Les gendres sont aux ordres de leur patron, qui n'est autre que leur beau-père. Plus il a de filles, moins il devra travailler lui-même, une fois ses filles mariées, car les gendres ramèneront de quoi manger à la maison. Un kuna qui ne va pas à la pêche ou à "el Monte" ne mange pas! Si les gendres doivent nourrir la famille, le beau-père quant à lui doit fournir un toit à chaque ménage. La maison familiale se nomme "Nega tumat". Mais vous vous doutez qu'en pays Kuna, cette expression ne se traduit pas comme nous l'entendons.

La maison

Nous aurons l'occasion a plusieurs reprises de voir la construction d'habitats traditionnels, car la majorité des villages sont encore aujourd'hui constitués en majorité de huttes aux toits de palmes et aux murs de roseaux. Nous serons également invités dans plusieurs familles ce qui nous permettra d'évaluer le fossé qu'il peut exister entre les normes de confort occidental et kuna.

Nous pénétrons pour la première fois dans une hutte Kuna à Caretto, chez notre ami Lino. Dom doit pratiquement se plier en deux, pour passer la porte. Je réalise que c'est la première fois de ma vie que je suis grande. Les Kunas ont des belles proportions mais ils sont vraiment petits. Leurs maisons sont à leur taille tout simplement. Lino nous explique que sa hutte est robuste et peut résister à des vents très forts. Il est fier de sa maison qu'il a construite de ses mains. Les murs de roseaux, les toits de palmes sont leur seule richesse car à l'intérieur de la hutte on ne voit qu'un hamac suspendu. Ce décor spartiate se retrouve à peu près partout. Les Kunas ne possèdent que rarement des meubles. Le seul lit que nous ayons vu c'est à Pinos dans la hutte du secrétaire du sahila. Un grand lit qui servait surtout à entreposer le linge et les habits, car dans la même pièce les hamacs étaient alignés les uns à côté des autres. Le hamac est vraiment le roi du meuble en pays kuna. Les vêtements sont le plus souvent suspendus aux poutres. On voit rarement des chaises, peu de tables, tout se passe dans le hamac : manger, dormir, coudre des molas, faire des bébés...

Les maisons kunas sont évolutives. Le premier noyau familial grandit dans une hutte entourée de canisses. Chaque fois qu'une fille se marie, le patriarche et ses gendres construisent une nouvelle hutte dans l'enceinte. Cette conception de la famille donne lieu à un enchevêtrement de huttes très particulier au centre duquel se retrouve toute la famille du plus ancien au plus jeune. En général, la famille se débrouille pour laisser une cour aérienne à ciel ouvert.

Pour les familles le plus riches, "la casa de fuego" ou cuisine fait l'objet d'une hutte particulière celle-ci est commune à toute la famille. Pour les familles plus modestes une hutte ne représente qu'une pièce. Les hamacs sont tendus pendant la nuit, et relevés sur les poutres pendant le jour pour laisser circuler la famille. Dans un coin, le foyer de la "cuisine" se trouve à même la terre. Les enfants passent de hutte en hutte pour transmettre le brasier maintenu entre deux plaque de fer et portées au bout de morceaux de bois. Dans la hutte aucune sortie aérienne n'est prévue pour la fumée. Elle s'évacue au travers du toit de palme qui noircit d'année en année. Sur le foyer en plus de la cuisine ordinaire l'on fume le poisson et le gibier, car bien évidemment il n'y a aucun frigo pour la conservation des aliments. La plupart des huttes ne disposent pas d'électricité. Seul luxe consenti au 21e, une radio sur piles ou une horloge sur piles.

A Ailigandi, au moment où nous faisons la connaissance d'Anaclétio, il est en train de construire une extension à l'ensemble de huttes qui forme sa demeure. Celle-ci fera office de cuisine. Les huttes selon leur finition et leur taille sont construites en quelques semaines ou en trois mois. En théorie, le toit de palme est fait pour garantir une assez bonne étanchéité pendant 10 ans. Le problème le plus sérieux de ces huttes est la préservation de l'équilibre de l'ensemble pendant les grosses pluies orageuses de l'été. En effet, les roseaux qui façonnent les murs sont simplement fichés dans la terre sablonneuse. Une légère butte à la base des murs devrait empêcher la pluie de créer un marécage à l'intérieur de l'habitation. Mais lorsque les pluies sont trop fortes, celles-ci lessivent le bas de murs, et font vaciller l'ensemble. Certaines huttes gardent par la suite, une assise étrange. Pour cette raison, les kunas les plus riches adoptent une construction mixte. Sur une dalle de béton, ils construisent des murets de 50 centimètres de hauteur. Puis le reste de la maison sera monté traditionnellement autour de matériaux tels le roseau ou la palme. D'autres auront adopté le béton pour les murs de haut en bas. Certaines possèderont un étage, mais rarement. Certaines huttes aux murs de roseaux auront un toit de tôle. Le mélange des genres est l'honneur, mais l'aspect général des villages reste inchangé depuis la nuit des temps car ces cas de mixité sont rares.

Pour les commodités, les maisons qui sont en bordure de rivage ont adopté la petite cabane à évacuation directe à la mer. Cabinet des échanges, simple et hygiénique, il suffisait d'y penser!

Une terre généreuse

Les villages kunas sont installés sur des îlots éparpillés le long du continent. Il n'y a aucun autre moyen de communication entre les villages que des pirogues taillées d'un seul tenant dans des troncs d'arbres manoeuvrées à la pagaie ou à la voile. Le continent leur offre l'eau douce, le gibier à chasser, les cultures de maïs, de riz, de cocos, de bananes, d'ananas, et de toutes sortes de racines types ignames. Le continent pour un Kuna n'est jamais loin et il nourrira sa famille. Un kuna qui ne va pas à la pêche ou à "el Monte" ne mange pas!

Chez les kunas la terre appartient aux courageux. Il n'y a pas de plan cadastral. La forêt est suffisamment vaste pour que chaque famille kuna choisisse sa parcelle de terrain. La grandeur de la "propriété" est déterminée par la capacité de la famille à défricher. Celle-ci est délimitée par des palmes de cocotiers étendues sur le sol. Les kunas ne se volent pas entre eux. Si cela devait arriver, le fautif serait immédiatement conduit devant le "Puksu Kalu".

Il existe cependant une notion de territoire. Chaque village détient un périmètre dans lequel ses villageois peuvent agir. Ainsi dans le sud de l'archipel, Puerto Escoses dépend de Mulatupu. Pourtant, le village de Calédonia est plus proche de la baie des Ecossais que Mulatupu. Peu importe, un accord tacite permet de respecter les notions de territoire. Nous avons rencontré la famille de Nuelia à Puerto Escosses. Celle-ci détient une parcelle de terrain coincée entre le rivage et la montagne. La famille va et vient entre "el Monte" et Mulatupu. "El Monte" est l'expression commune aux Kunas qui désigne le lieu d'exploitation vivrière. La famille exploite ses terres. Elle produit maïs, cocos, bananes plantains, ananas, manioc, ignames. La nature les aide aussi, par la présence naturelle d'avocatier, de manguiers et de calebassiers sur leur terrain. Les enfants aident les parents, ils partent à la pêche des journées entières et fument le poisson à leur retour.

Lorsque la grande barque familiale rentre sur Mulatupu, elle regorge de fruits, de légumes, de poissons fumés. Ces gens travaillent dur tout au long de leur vie pour subvenir aux besoins de la famille. Non seulement il y a les travaux des champs, mais en plus le retour au village, chargé de fruits et de légumes, se fait à la rame. Il leur faut parfois plus de 6 heures pour rentrer sur Mulatupu.

Les champs ne sont pas toujours aussi loin des huttes familiales. A Pinos, il suffit aux villageois de traverser un chenal et de se rendre en quelques coups de pagaie sur le continent. En général l'organisation de la journée est immuable. Le matin avant le lever du soleil, les hommes partent à "el monte", sur le chemin du retour ils en profitent pour pêcher un peu. Puis l'après-midi aux heures les plus chaudes tout le monde rentre dans les huttes. Le soir est consacré, dans les villages traditionnels, au congresso.

Notez que sur le territoire Kuna toute plongée en bouteilles est interdite. Les Kunas pêchent en apnée, à la ligne et rarement avec des filets ou des casiers. Les sahilas tentent de faire respecter les dates de reproduction des espèces comme celles des crabes et de la langouste. Ils demandent aux étrangers d'adopter les mêmes techniques de pêche que les Kunas afin de laisser la chance à tout le monde. Ainsi, la plupart des Kunas n'ont que rarement des palmes, des masques et de tubas.

Lorsque les hommes reviennent des champs ou de la pêche à leur village, ils sont soumis à une taxe communautaire. Une personne désignée par le sahila se tient sur le quai d'accès au village et compte chaque fruit, chaque légume, chaque poisson que la famille ramène. La taxe se paye en nature et surtout en cocos.

Les cocos, qui leur restent après taxation, permettent à la famille de gagner un peu d'argent, car elles sont vendues aux Colombiens. La Colombie manque de cocos et un commerce s'est instauré entre Kunas et Colombiens. Chaque semaine, des lanchas viennent de Carthagène chargées de produits manufacturés (tels que des vêtements, des outils, des fournitures d'école...) mais aussi des aliments en conserve, des "pastillas" (chips, gâteaux), de "gaseosas" (boissons gazeuses de toute couleur et aux goûts douteux). Les lanchas remontent le long de la côte panaméenne jusqu'à Porvenir et parfois Colon. Lors de la remontée, les Colombiens revendent le produit de leur cargaison aux Kunas. A la descente vers la Colombie, les lanchas repassent dans les villages Kunas. Là, elles chargent la coco qui se paye 15 cents (de dollars) la pièce. La coco est une source de revenus importante en pays Kunas.

Molas et Winnis

Une autre source de revenus est le mola. Toutes les jeunes filles apprennent dès leur plus jeune âge à confectionner des molas. C'est un empilement de tissus colorés, ils sont cousus dans un ordre précis qui au final représentera des formes géométriques ou figuratives. Une méthode simple et unique au monde qui fait la réputation de l'art Kuna.

Personne n'a été capable de me dire à quand remonte le premier mola. Ou, ce qui a donné l'idée à la première femme d'utiliser fils, tissus, couleurs de cette manière. Certains manuels disent que les femmes avant la venue des Espagnols se peignaient le corps en guise de vêtements. Les conquistadores ou les protestants choqués devant tant de nudité auraient contraint les femmes à s'habiller. Pour garder leurs traditions intactes, les femmes se seraient résolues à coudre sur le tissu de leurs robes des reproductions de ce qu'elles se peignaient sur le corps. Voilà ce que l'on trouve dans les livres. En réalité je n'ai trouvé personne pour me confirmer la véracité de cela. Ni Roy qui s'applique à conserver la tradition Kuna dans son petit musée de Ailigandi, ni Alek, le peintre de Ustupu, ni le secrétaire en charge du musée d'Ustupu n'ont de trace réelle de ce pan de l'histoire kuna.

Le mola est en général fait en double. Il est de taille rectangulaire et suffisamment grand pour recouvrir l'abdomen et le dos des femmes. Cousus ensemble ils sont les éléments des blouses traditionnellement portées par les femmes kunas. En guise de jupe, un paréo. Le tout scintille de couleurs vives. Un mola de la taille d'un ordinateur portable se paye en général 20 dollars. Mais certains molas sont considérés comme de véritables chefs-d'oeuvre et le prix grimpe en fonction du nombre d'heures de travail. Un mola de qualité ne devrait laisser voir aucun fil et comporter au moins 5 couches de tissus et peut demander jusqu'à trois mois de travail. En général, le temps consacré à la façon du mola varie de quelques heures savamment orchestrées à plusieurs semaines. Les femmes passent leur vie entière à coudre sur le pas de leur hutte. Ce sont elles qui sont en charge de la vente des molas. Elles viennent aux bateaux en barque ou vendent à la sauvette dans les ruelles des villages. Chaque année les San Blas accueillent plus de visiteurs étrangers, ce qui donne à ce commerce une envolée exponentielle.

Au-delà du folklore, le mola fait partie intégrante de la vie de la femme kuna. Les femmes kunas sont coquettes, élégantes et belles. Les femmes mariées dans le sud de l'archipel respectent encore la tradition. Chaque jour nous les voyons revêtir un autre mola. Haut et bas font un mélange de couleurs impensables ! Froufrous et paréos font un ensemble inimitable, c'est l'image même de l'originalité, celle qui fait la célébrité des femmes kunas partout dans le monde !

Le winni est l'indispensable accessoire qui accompagne la tenue traditionnelle kuna. Outre la blouse faite de molas, le paréo multicolore, les femmes kunas portent des bracelets qui couvrent les avant-bras, ainsi que des chaussettes qui remontent de la cheville jusque sous le genou. Ces accessoires sont uniquement faits de fils et de perles de rocaille de couleurs vives. Les winnis, réels tissages sur mesure, se partagent entre le jaune, le rouge et le vert pour les couleurs dominantes. Il faut plus de trois jours pour recouvrir un seul avant-bras ou un seul mollet. Une seule chaussette ou un seul avant-bras coûtent 50 dollars. Comptez donc que pour s'habiller, une femme kuna met plus de 12 jours !

Messieurs, vous y penserez, lorsque vous attendrez votre douce moitié qui se prépare à sortir...

Gardiens de la tradition

En pays kuna nous avons rencontré de fervents défenseurs de la tradition. Ils se battent contre les avancées technologiques du 21e siècle qui ont tendance à jeter leurs coutumes au rebus. Pour lutter contre l'oubli, ils usent d'armes artistiques. Ainsi, Roy, un vieux monsieur d'Ailigandi consacre une partie de sa hutte à un petit musée. Là, par des dessins et des sculptures il consigne tout ce qu'il sait sur la culture Kuna. Des tableaux peints à l'aquarelle, représentent la musique et les instruments kunas, la création du monde. Il détaille par des dessins la construction des huttes traditionnelles. Il nomme chaque pièce, chaque poutre, chaque ustensile par un mot kuna. Ses peintures sont aussi un hymne à la révolution, une dénonciation des pratiques esclavagistes des Espagnols. Il retrace peu à peu la genèse et l'histoire des Kunas et consigne chaque terme afin de les prémunir contre l'oubli.

A Ustupu, un musée communautaire entrepose les objets usuels et traditionnels kunas. Outre cette volonté à l'échelle du village. Certains contribuent personnellement à la conservation des coutumes et des traditions. Nous avons fait la connaissance d'Alek sorti de l'école nationale de beaux-arts il réalise de véritable merveilles. Alek est l'artiste qui a peint les tableaux qui illustrent les rubriques concernant le Nele et la fête de la chicha. Nous allons lui rendre visite chaque fois que nous allons à Ustupu.

Ce dernier a constitué une galerie dans sa maison. Il nous prête un magnifique livre sur les communautés indiennes de Panama. Il nous fait également cadeau de son temps. Toujours le sourire aux lèvres, il passe des heures à nous expliquer tous les pans de la culture kuna mais aussi sa perception du monde. Il nous montre également sa méthode de travail. Il peint vite afin de rendre toute la spontanéité des visages. Il donne ainsi un éclair à son message.

Lors de notre dernier passage à Ustupu, Alek nous attend de pied ferme. Non pour récupérer son livre, mais il est visiblement impatient de nous revoir. Il vit pas loin du petit quai où nous laissons l'annexe. Dès notre arrivée nous entendons :
"Natalia y Domingo... Bienvenudo... Adelante"
"Nathalie et Dominique, bienvenue, ... Entrez"

Lorsque nous pénétrons dans son atelier, il nous montre, sa dernière oeuvre : L'Etoile de Lune sous voile, peinte à l'huile, sur une plume d'Urubu. Cadeau d'un artiste kuna sans pareil qu'est Alek De Leon Perez. Aujourd'hui il remplit d'émotion le carré du bateau...

Ne manquez pas de passer à Ustupu et de lui rendre visite. Outre ses peintures sur plume qui sont d'une finesse exemplaire, il peint des tableaux qui révèlent dans une naïveté spontanée toute l'âme kuna. Alek nous a permis de prendre en photo chacune de ses oeuvres, nous lui consacrons un album photo : diaporama

La cérémonie de la chicha

La chicha est une boisson alcoolisée à base de canne macérée que fabriquent les initiés. La canne est pressée entre deux rondins de bois. Les femmes sautent sur un balancier situé à l'extrémité de la presse. Exercice physique qui demande un certain esprit d'équilibre... La canne pressée sort un jus qui est récupéré dans des jarres de terre cuite. L'initié du village garde chez lui le breuvage pendant 12 jours. Il le goûte chaque soir, pour vérifier l'évolution de la boisson. Lorsque la chicha est prête, la fête peut commencer. Il faut 12 jours de préparations, mais deux verres suffisent à être ivre.

Les Kunas, en effet, boivent très peu d'alcool. En général, pour préserver la sérénité des villages, les sahilas ne permettent aux hommes de boire que le samedi et seulement de la bière. Quant à la chicha, elle est exclusivement réservée aux grandes occasions qui sont : la commémoration de la révolution (le 21 janvier), la pose de l'anneau d'or aux narines des petites filles, la cérémonie de roja et le mariage. S'ajoutent à ces grands rendez-vous, l'élection des petites reines et la célébration de certains anniversaires. Les fêtescommunautaires sont orchestrées par le sahila.

En ce qui concerne les fêtes familiales, la décision revient entièrement au père de famille. C'est lui qui déterminera à quel âge une petite fille aura sa grande fête d'anniversaire. En général toute petite fille aura au moins droit à une fête d'anniversaire grandiose. Souvent ces fêtes coûtent cher et la décision sera prise en fonction de l'état général des finances familiales. Pour aider les familles, des quêtes sont organisées. Au moment où nous sommes au village, les petites filles viennent à nous avec une petite tirelire de carton. Au mois de mai aura lieu l'élection des petites reines. La plus jolie petite fille de 7 ans accèdera au trône pour un an. De belles fêtes en perspectives !

Ces fêtes ont lieu dans l'Ina Kaipi. ou "casa de la chicha". C'est une sorte de salle des fêtes. Cette hutte très vaste permet de regrouper tout le village. Pour les fêtes communautaires, l'entrée est payante. Qui ne s'acquittera pas du droit d'entrée en sera exclu. Pour les plus grandes fêtes les femmes s'entendront entre elles pour présenter une tenue traditionnelle commune. Là aussi, celle qui n'aura pas fini ses molas de cérémonie à temps, n'aura pas accès à la fête. En général la décision de la tenue appartient aux femmes. Elles se réunissent dans "leur" congresso qui se nomme Nana Durwanasob. "Nana" en Kuna pour "maman". Les mères du peuple se réunissent régulièrement. Outre l'élection de la tenue à la prochaine fête du village, elles décident des tâches de chacune comme celles du nettoyage du village.

La cérémonie de la Jora (Inna-Mustiki)

Lors de ses premières règles, une jeune fille est enfermée pendant 4 jours dans une petite cellule de roseaux. Elle y est constamment baignée d'eau de mer. Cette douche cérémoniale se nomme en kuna l'"Inna-mustiki". Pendant ce temps, le restant de la famille s'organise. Les adultes et les garçons de la famille dansent dans les rues. Ils sont habillés de rouge et portent des colliers faits d'os ou de corail. Le père, pendant ce temps, fabrique un panier en feuille de pandanus. Lorsque le panier est terminé, il part avec ses fils ainés et le shaman dans la forêt. Ils vont cueillir le fruit d'encre noire. Au bout des quatre jours, la jeune fille sera enduite d'encre noire extraite de ce fruit.

Nous avons de la chance ! Lors du passage de L'Etoile de Lune à Ailigandi, la famille d'Anaclétio vient de célébrer la cérémonie de la roja de leur petite fille. En tant qu'étrangers nous n'avons pu participer aux festivités en direct. Mais un cousin d'Annaclétio venu tout spécialement de Panama City a filmé tout le déroulement de la cérémonie. Il nous montre tout cela sur le petit écran de sa caméra. Incroyables, les grands-mères que l'on voit d'habitude courbées sur le pas de la porte en train de coudre si sérieusement leurs molas, sont complètement dégingandées. Le village, d'ordinaire si calme, résonne de bruits dissonants. Une musique approximative et assourdissante s'élève partout dans les ruelles. Des flutes de pan tentent d'accompagner des percussions mal accordées de timbales en fer. Les vieilles femmes en rouge affublées de longs colliers d'os qui couvrent toute leur poitrine, sautent maladroitement. On les dirait ivres, mais paraît-il qu'elles n'ont rien bu.

Plus étonnant encore, lors du dernier jour, lorsque les hommes partent dans la forêt avec shaman. Ils tombent nez à nez avec un jaguar. Nous voyons en effet, des grosses pattes pendant de chaque côté d'une grosse branche de l'arbre à fruits d'encre noire. Ce gros chat d'un mètre soixante de long et de plus de cent cinquante kilos se déplace prestement de branche en branche. De ses grosses pattes, il fait des gestes, un peu comme un chat qui joue avec une pelote de laine. Ses "miaulements" n'ont rien d'un gentil matou. Il exprime son mécontentement par des cris rauques et graves. Impressionnant !

Ces quatre jours de cérémonies se clôtureront par une fête de la chicha. La jeune fille se fera couper les cheveux à la fin de la fête. Cette cérémonie se nomme en kuna "Inna-suit". En se faisant couper les cheveux, elle reçoit son prénom en tant que femme. Afin de marquer ce passage à la femme accomplie un "kantule" (le chanteur attitré du village) chante la "dislaigala". C'est une chanson qui raconte les différentes étapes de la cérémonie.

La fête de la chicha n'aura pas nécessairement lieu lors de cette première célébration. Selon l'état des finances de la famille, elle pourra être remise à plus tard, ainsi que la coupe de cheveux.

Nele - Nuchu les docteurs kunas

A Ailigandi, nous nous prenons d'amitié pour Reynaldo. Il nous accueille le premier dans le village et sera notre guide spontané et désintéressé pendant tout notre séjour. Il a beaucoup de mérite. Il nous dit :
"Yo soy un poco enfermo"
"Je suis légèrement malade."
En fait, ses membres se paralysent peu à peu. Il travaillait à Panama City comme dessinateur pour un cabinet d'architecture, mais son infirmité l'a obligé à rentrer au pays. Il vit chez ses parents et se fait soigner par le "Nele" du village.

Un Nele est un médecin qui pratique les méthodes ancestrales des kunas. Médecine qui allie des remèdes à base de décoctions de plantes à des notions spirituelles. Le Nele fait, pendant qu'il administre ses remèdes, des incantations. Il prie, il chante, autour du malade qui est allongé dans une barque de bois (UR en Kuna). La barque est posée au centre de "la casa del doctor" soit en kuna: INA DULET.

Autour du malade sont disposés des Nuchus fabriqués par le Nele. Le Nuchu est une statuette en bois représentant l'individu qu'il faut soigner. Reynaldo, nous dit que son traitement consiste à aller voir une fois par jour le Nele. Reynaldo passe environ une heure allongé dans la "UR". Autour de lui, brûle de l'encens, des décoctions de plantes. A la fin de la séance, il est formellement interdit de ramener ses nuchus à la maison. Le nuchu est "un être" qui porte une âme et une volonté spirituelle telle qu'il pourrait se retourner contre son possesseur s'il en faisait mauvais usage. Par exemple, un homme qui rentrerait chez lui et qui battrait sa femme devant son Nuchu, aurait toutes les chances de se blesser le lendemain en se rendant à "el Monte" pour cultiver sa parcelle ou de se noyer en allant à la pêche au cangrejo (énorme crabe qui est le plat préféré des kunas). Le Nuchu est donc à manipuler avec précautions... Me voyant incrédule, Reynaldo accompagne ses paroles d'un geste et me dit :
"Là, tu vois, nous ne sommes pas seuls, mon Nuchu, me suit, il est là, avec moi et m'aide à marcher..." Il le dit avec un large sourire, mais il y croit. Dès que Reynaldo sera guéri, ses Nuchus le laisseront se débrouiller seul.

Avant de vous confier cette petite leçon de médecine Kuna, nous avons questionné plusieurs personnes à des endroits différents sur la question du Nele. Nous avons croisé nos premiers Nuchus à l'Ina dulet de Pinos, puis le peintre d'Ustupu a représenté de manière très éloquente une séance de thérapie. De village en village,il faut admettre que le Nuchu se cramponne à son rôle ancestral. Il n'est pas à considérer comme une simple amulette ou un porte-bonheur en passe d'être révoqué par le téléphone cellulaire et la télévision. Le Nuchu a encore de beaux jours devant lui. Il est respecté et surtout, il est craint pour ses pouvoirs.

La mort chez les kunas

Chez les Kunas, le passage d'un monde à l'autre fait l'objet d'une cérémonie simple et belle. Le mort est installé dans son hamac. Il est veillé par le shaman et sa famille pendant quelques heures, puis il est conduit, entre deux hommes, dans son hamac vers sa dernière demeure. Un cimetière kuna ressemble réellement à un village. Chaque hutte rassemble les membres d'une même famille. Chacun sera enterré dans son hamac, avec ses habits les plus beaux. Sur les parois de terre qui l'entourent, ses habits et traditionnels molas sont encastrés dans la terre. Un peu comme des tableaux suspendus au mur. Puis le mort est recouvert de terre, rarement d'une dalle. Sur la tombe sont rassemblés ses affaires, ses ustensiles de cuisine, son siège, sa table, ses chaussures, sa pipe... tous les objets auxquels il tenait ou qui le représentaient le mieux. Curieux, cet agencement donne une atmosphère bien vivante. La famille vient entretenir la hutte au même titre que la leur dans le village. La mort en pays Kuna est quelque chose de simple, une acceptation épurée de tout sentiment.

Les petits mots pour le dire...

Plus qu'un glossaire, cette rubrique répertorie des petits détails de la tradition kuna.

Tulu-galla : langage kuna

Salutation
Le mot le plus important à apprendre c'est "Nuedi!"
Nuedi veut dire tout un tas de choses :
Bonjour, merci, ...
Si vous ajoutez un "be" devant le "nuedi" cela veut dire : comment vas-tu?
Emi Nuedi : bonne journée (l'équivalent de "feliz" dia en kuna)

Anaï : ami
Ce mot s'il est dit en vous serrant la main chaleureusement, c'est que le kuna que vous venez de rencontrer vous trouvera vraiment sympa ! Par contre, en tant que femme, n'allez pas serrer la main d'un kuna en lui disant chaleureusement "anaï", il vous prendra pour une extraterrestre !

Panetaniki : d'où viens-tu ?
Bia be naï : où vas-tu?
(Ce sont les questions préférées des Kunas, avant de savoir comment vous vous appelez et après vous avoir demandé le célébrissime "comprar mola?" (acheter mola), ils vous demanderont d'où vous venez et où vous allez?)
Igui be nuga : comment t'appelles-tu?
be : tu
Pa nana igui nuga : comment s'appelle ta maman?

Nuegambi : bienvenue
Panemalo : à demain
Panetsemalo : à après-demain
Sedogi : "buenas tardes"
Deguemalo : au revoir
Cusarmalo : à plus tard
Edarbe : attends
abi to gui : attendre
Imake : s'il vous plaît

Le kuna a pallié aux manques de sa langue en faisant des emprunts soit à l'espagnol, soit au français. Ainsi, une montre se dira "watch".

La maison
Nega : maison
Pemka : toit
Sonega : foyer, maison pour le feu
Nega Tumat : maison principale
Ina-Nega : maison de la chicha
Nucueebur : village
tupu : île
(par exemple le village d'Atchutupu veut dire l'île aux chiens Tupu pour l'île, Achtu pour chien)

La famille
Nana : maman
Baba : Papa
Punolo : petite fille
Machigo : petit garçon

Les cérémonies et croyances
Ico-inna : cérémonie de l'anneau
Lorsque les petites filles sont encore bébé, on leur perfore la paroi nasale afin d'y passer un anneau d'or. Cette pratique se fait lors d'une cérémonie appelée l'ico-inna. Les femmes kunas gardent un anneau d'or au nez toute leur vie. Elles aiment se parer de bijoux. L'or vient de Colon ou de Panama City. Pour éviter toute zizanie au sein du peuple kuna, leurs lois interdisent de chercher l'or dans les montagnes du Comarca de Kuna Yala. Il existe dans leurs montagnes des filons alluvionnaires. Mais ils sont intouchables. Certains petits malins ont essayé de "braconner ", ils y ont perdu la vie. Dans les villages comme Ustupu, il existe des bijouteries. De jeunes artisans travaillent un or de 14 carats.

Bixaz orellana : maquillage des joues.
Les femmes usent traditionnellement d'une peinture végétale rouge qu'elles appliquent sur leurs joues.

Palo Santo : pinceau de maquillage
Les femmes kunas arborent souvent une ligne noire qui souligne l'arête nasale. L'ustensile qu'elles utilisent pour tracer ce trait fin et gracieux se nomme Palo Santo ( crayon sanctifié).

Babdummad (Pardumat)  : dieu
(on trouve les deux prononciations selon que l'on soit dans le nord ou dans le sud de l'archipel)
Kantule ou Kam-tule : l'homme qui murmure ou l'homme a la flûte, c'est à dire le chanteur assistant le sahila et les cérémonies traditionnelles kunas.
Arcar : interprète du sahila
Nele : médecin
Divinadora : en général la divination est laissée aux femmes. Certains villages possèdent leur divinadora, c'est une femme qui vit dans un espace reculé, elle fume la pipe tout en prédisant l'avenir.
Sahila : chef du village
Cacique : chef du peuple kuna
Shaman : sorte de prêtre, il assiste, entre autres, les morts dans leur dernier voyage...

L'ordre
Kalaboso : prison
Puksu Kalu : tribunal

La nature
Tut : fleur
Sigli : oiseau
Corvina : poisson
Ogop : coco
Ti : l'eau douce

La barque traditionnelle
Nuinu : arbre qui peut atteindre plus de 30 mètres et dont ils font leur barque d'un seul tenant.
Ulu : tout objet fait en bois
Ur : canoë
(selon les villages une barque sera nommée Ur ou Ulu, les deux termes s'utilisent indifféremment)
Kâmi : rame
Urgo : bois

Les ustensiles
Bigbi : éventail
macara : instruments de musiques traditionnels
nasisi : instruments de musiques traditionnels
Morsa : vêtement


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