Efaté ressemble à une galette irrégulière dont les dimensions sont de 897.8 km2, elle est entourée de 9 ilots. On pourrait reprendre l'expression démographique qui existait dans le temps pour "Paris et son désert" et l'appliquer ici à Port Vila et son désert. Plus de 90% de la population globale de Efaté et ses îles vit dans la capitale. Très vite en sortant de la ville, la route se dépeuple.
Hors de la ville, tout se fluidifie. La route est bordée des nombreux élevages bovins qui sont l'une des économies les plus importantes de l'archipel. Les Ni-Vans sont fiers de leur viande, ils disent que c'est la meilleure du Pacifique. Je ne sais pas ce qu'en pensent les Néo-Zed qui se targuent des mêmes qualités? Nous irons vérifier cela sur place ! Les bovins ont été amenés par les Français, des races limousines et charolaises qui paissent une herbe grasse et font plein de petits veaux. Inouï la reproduction se fait à bonne cadence !
Outre des paysages de montagne rassemblés au centre de l'île, ceux du littoral fait de plages de sable blanc ou de falaises coralliennes, Efate compte au Nord Ouest de son territoire, un paysage de savane. Sans transition, la forêt généreuse cède le pas à un décor presque africain, on attendrait les girafes et les éléphants! Sur quelques localités éparses, des vestiges de la colonisation française et anglaise ont laissé des carcasses rouillées d'usines. Partout, l'armée américaine a laissé des balafres de la Deuxième Guerre mondiale. Efate partage ce sort avec Santo. A la fin de la guerre plutôt que de ramener le matériel, les Yankees ont tout jeté à la mer. On voit ainsi des chars, et chenilles ou canon en fin de vie, délaminés par la mer qui tente de les digérer encore plus de 50 ans après.
Efate est l'île principale du Vanuatu, non par sa taille, elle est la troisième en terme de dimension. Elle est par contre la plus densément peuplée de tout l'archipel. Outre la concentration urbaine, déjà évoquée, la population rurale vit dans les villages du Nord qui bordent la route côtière. Celle-ci est la seule route fraîchement bitumée de tout l'archipel, de plus elle est l'unique route à effectuer un tour complet d'une île. Ces travaux sont récents, ils ont débuté en 2008 ! Ailleurs, dans les autres îles, les routes ne sont pas goudronnées, ce sont des pistes, plus ou moins carrossables, ou des sentiers mal dessinés.
Avant la venue des Européens, l'intérieur de l'île comprenait de nombreux villages, et ce jusqu'à une altitude de 500 mètres dans les montages. Puis, avec l'arrivée des missionnaires, les populations migrèrent vers la côte et se réunirent autour des temples et églises. Aujourd'hui, avec les migrations de familles venues des îles environnantes l'intérieur de l'île se repeuple très lentement.
Efaté accueille le plus grand village de l'archipel : Mele, ainsi que la capitale de la jeune république. Port Vila doit son nom à une dérive du toponyme de l'îlot d'entrée de sa baie : Ifira qui s'écrivait avant l'indépendance : Fila. Ces changements de noms sont répandus dans tout le Vanuatu en raison des nombreuses langues vernaculaires, des différences de prononciations dans chacune d'elles, ainsi qu'une confusion en les V et les F du Bichlama langue commune à toutes les entités linguistiques. Par voie de conséquence, il règne dans la cartographie locale des approximations et une certaine équivoque.
L'île d'Efaté abrite trois langues vernaculaires, le français, l'anglais, et une prédominance du bichlamar, ciment linguistique du Vanuatu. Parmi les langues vernaculaires, l'une d'entre elles est remarquable par son origine. En effet, sur Ifira et dans le village de Mele la langue parlée est un dérivé des langues polynésiennes. Donc, une langue venue de l'est. Ceci prouve les flux de retour des premiers colons. Ils se déplaçaient en majorité de l'ouest vers l'est, mais opéraient également des replis pour des raisons économiques, politiques ou alimentaires (lors de catastrophes naturelles)
Il y a 800 ans, des Polynésiens revinrent vers les îles du centre et du sud du Vanuatu. Ils importèrent non seulement leur langue, mais également des pratiques politiques visant à unifier un peuple continuellement soumis aux guerres intestines.
Le premier à instaurer sur Efate une notion de communautés pacifistes fut le grand Roy Mata. Il basa son autorité sur l'instauration d'une hiérarchie de "chefs à titres". Il intronisa les chefs principaux aux quatre coins de l'île, ceux-ci lui firent serment d'allégeance. "Il imposa un système de parentés matrilinéaires à lignées totémiques entre lesquelles les guerres étaient impossibles". Ce qui signifie que la transmission du pouvoir par héritage généalogique coupait court à toute velléité hégémonique.
Ce système est toujours en vigueur au sein des clans de Efate, qui se distingue en cela des îles du Nord régies par des chefferies à grades, dont je vous parlerai lors des rubriques consacrées à ces îles.
Bienque l'Histoire, et la préhistoire du Vanuatu ne soit pas écrite, les Ni-Vans ont en commun avec les Polynésiens de conserver les hauts faits de jadis avec une fiabilité remarquable. La tradition orale est forte, très forte ! Chaque chef est capable de répéter sa généalogie, mais plus que leur ascendance, ils perpétuent encore aujourd'hui des événements vieux de plus de 700 ans.
Jose Garanger alla fouiller l'endroit désigné par la légende. Il trouva tout ce qu'on lui avait indiqué : la sépulture d'un homme entouré de nombreux corps enterrés par paires. Le moment des funérailles a été daté au carbone 14 à 1265 apr. J.-C..
Quels peuples étonnants ! Non seulement par leur capacité à consigner oralement et fidèlement des hauts faits historiques, mais par leurs pratiques qui choquent les âmes sensibles de l'Occident. Je réalise à quel point lorsque nous étions à Wallis, nous étions à la jointure de deux peuples cousins. A Wallis, ils se disent Polynésiens, et pas encore Mélanésiens. Pourtant, ils ont toutes les caractéristiques physiques des Mélanésiens, ainsi que cette pratique d'enterrer vivants les fidèles d'un grand chef.
On pourrait rester de nombreuses années au Vanuatu, se passionner pour chaque île, ses coutumes, son histoire et ses langues !