La légende à l'origine de cette coutume, met en scène, une femme et un homme.
Désirant échapper au devoir conjugal, une jeune mariée fuit dans la jungle. Se sentant poursuivie par Tamalie, son époux, elle monte au plus haut d'un banian, puis se jette dans le vide. Tamalie désireux de la rattraper se jette à son tour, mais il se tue dans la chute. Il n'avait pas vu que la rusée épouse non consentante était retenue par les pieds à une liane l'empêchant de s'écraser à terre.
Bien que la première personne ayant exécuté le saut de naghol, soit une femme, aujourd'hui, "ses descendantes" sont reléguées à la figuration. Elles dansent, pagne sur les hanches, torse nu en sifflant et en haranguant les jeunes hommes qui se soumettent à la tradition du Naghol. En arrière plan, les enfants, suivent le rythme des grelots de chevilles seull instrument "de musique" utilisé dans ce rituel. La plupart des enfants sont observateurs, l'oeil distrait, le regard imprégné d'incrompréhension, voire d'une certaine crainte. Pourtant, ils n'auront pas le choix. Plus tard, les filles danseront comme leur mère, et les garçons s'élanceront comme leur père du haut de la tour.
Je vous assure que lorsque vous êtes sous la tour, vous crissez des dents en entendant le « boung » sur la « terre amollie ». Dom est monté en haut de la tour, « pour voir ». Il a non seulement remarqué que la structure était extrêmement fragile, mais à cette hauteur, il faut plus que du cran pour s'élancer! La consommation de kava ne permet pas la totale amnésie de la peur. Ceci explique sans doute, les « joints » qui se passaient de bouche en bouche juste avant les sauts (!)
L'office du tourisme détesterait ce qui va suivre, mais il faut que je vous dise tout. Ces sauts sont extrêmement dangereux. Sur le temps de notre séjour à Pentecôte, les lianes de deux hommes se sont rompues. Le premier est paralysé, le second s'est relevé groggy, mais on l'a vu quelques heures après le saut, il souriait, et n'avait pas « d'effets secondaires ». Pire, Air Vanuatu n'a pas voulu « évacuer », le jeune paralysé vers Port-Vila et son hôpital. On l'a vu entouré des siens, portés sur une civière de bambous. A Port-Vila, le ministère du tourisme lui-même a empêché son rapatriement pour des raisons sombres et absurdes. Lorsque nous étions avec lui à l'aéroport, une infirmière de passage a tenté de faire bouger les choses. Elle n'y est pas parvenue. Nous ne savons pas ce que ce jeune est devenu. C'est la première fois en huit ans que nous assistons impuissants à une situation aussi absurdement injuste.
Si ces pratiques paraissent sauvages, et primitives, pour autant, les hommes du naghol ont compris qu'en plus d'attiser la fertilité de la terre et de prouver leur bravoure, leur coutume parmi les plus spectaculaires du Pacifique pourrait leur rapporter gros. Dans un pays pauvre, où le gouvernement n'aide guère à l'éducation et à la santé, il est important de trouver des moyens de drainer l'argent nécessaire à faire fonctionner leur communauté. Ainsi, les villages du sud se sont entendus pour dresser trois sites « touristiques ». Après les sauts du mois d'avril et de mai qu'ils exécutent en vase clos, sur leur territoire, les villages se succèdent sur les trois sites touristiques jusqu'en juin. Chaque Naghol rapporte au village des sommes pouvant aller jusqu'à 10 000 dollars, la moyenne se situant autour 6000 dollars. Cette somme n'est pas faite pour rétribuer un homme en particulier, car l'esprit communautaire de chaque village dépasse l'individualisme. Ainsi, certaines années tel village sautera pour donner l'argent à l'église, tel autre, pour construire une école, une clinique, ou encore offrir, aux élèves méritants, une bourse d'études hors de l'île (Port Vila, Nouvelle-Zélande, Australie, ou Calédonie).
Vous avez bien lu... l'argent va également à l'église, pour reconstruire son toit, ou agrandir ses murs. Malgré les coutumes animistes, les croyances aux esprits, la consommation de kava, de marijuana et des pratiques encore récentes de cannibalisme, les insulaires sont pour la plupart de fervents catholiques ou protestants. Ils sont parvenus à insérer dans leur quotidien, une religion, alors qu'ils ne se sont pas laissés faire par les prêtres et missionnaires qui ont tout tenté pour qu'ils abandonnent leurs rites et coutumes aux antipodes des préceptes de la bible...
Les hommes de la chrétienté sont pour la plupart des locaux, ils sont les gardiens de l'éducation et favorisent la scolarisation.