Message 67 – écrit en décembre 2007
Nombres de milles parcourus : 10 397 milles
Nombre d'inscrits à la lettre du mois : 573
Zone de navigation : des Antilles Néerlandaises à la Colombie

Con los brazos abiertos!
En route vers la Colombie!

Que cette année 2008 réalise vos plus chers désirs.
Toute l'année, partagez de tendres émotions.
Et, chérissez la fidélité des affections.
Chaque jour, profitez de ce que vous offre la vie avec de grands sourires.
Que votre vie pétille de dynamisme, de joie, d'amour et de santé.
Bonne et Heureuse année à chacun de vous.
Nat et Dom


Résumé du message

Nous avons passé près d'un mois à Curaçao, escale de ravitaillement. Elle se clôture par la découverte de Santa Cruz, un mouillage au nord de l'île. S'il est rouleur, il nous dévoile la face "nature" de Curaçao. Ici, peu de maisons, des collines verdoyantes et ... des dauphins. Hé oui, nous nous sommes de nouveau baignés avec des dauphins! Après une semaine de bohème et de roulis-roulas à Santa Cruz, nous levons l'ancre pour Cartagène. Mais en route, un problème technique combiné à une mauvaise météo nous obligent à faire escale en Colombie. Et là, c'est la grande découverte de ce voyage!...

En fin de mail vous trouverez
La f iche météo : SW caraïbe - Zone de Colombie
La photo du mois : "Petits métiers sud-américains : pilier de pont"
L'astuce du mois : dans le cadre des réponses aux questions posées par nos lecteurs voici une rubrique qui vous parlera des deux roues à bord.

Prochain mail :
La côte de Colombie en direction de Carthagène. Des rencontres inoubliables et des paysages extraordinaires en perspective. Nous vous préparons également une fiche pratique sur la Colombie. L'astuce du mois prochain traitera de la question suivante : "Laisser son bateau à la bouée pendant 6 mois à Curaçao".


Bonjour,

Une fois n'est pas coutume nous naviguons pendant le mois de décembre à deux bateaux. François et Francine sont à bord de Captain Punch et font route avec nous jusqu'à Carthagène. Une navigation de 500 milles (926 kilomètres). Nous parcourons nos premiers vingt-cinq milles ensemble entre Spanish water et Santa Cruz de Curaçao. Nous ne pensons y faire qu'une escale d'une nuit, car l'appel de la Colombie se fait ressentir.

Mais, il n'y a pas de vent !!! Rien, nada !!!
Donc mon capitaine, qui déteste faire du moteur sur de longues distances, freine des quatre fers pour ne pas partir. C'est qu'il est plus déterminé qu'un "burro de la Sierra Nevada" quand il le veut ! Au large, nous voyons passer un certain nombre de bateaux narquois, qui se régalent, car justement, il n'y a pas de vent et une mer ronde. Une espèce de vague molle, pas sûre d'elle mais présente. Ha ça, je vous l'assure ! Elle est si présente que j'ai envie de changer le nom du bateau pour "la Roulotte du Tonneau du Tremble". Vu la situation, un peu de noblesse nous permettrait au moins de garder un semblant de dignité ! Dans le mouillage de Santa Cruz, nous roulons, nous tangons, quelle que soit l'expression, cela veut dire que notre quotidien est devenu bien inconfortable.

Pendant une semaine, nous nous penchons sur toutes les sources météorologiques possibles. Nycole et Jean-Yves du Réseau du Capitaine, nous livrent patiemment notre ration quotidienne de "Magics boys" (surnom du bord pour les données transmises, par les bouées météorologiques). Elles sont d'une précision irréprochable. Cependant, elles ne nous donnent que des vents de 0 à 6 noeuds, de NNE avec une mer de 6 secondes et une vague de 1 pied... Super fantastique la précision ! Mais alors, on fait comment pour commander du vent ????

En attendant de trouver la réponse à cette question, "la Roulotte du Tonneau du Tremble" se dandine pendant que je m'affaire aux décorations de Noel. Le mouvement perpétuel du bateau assure un excellent test de résistance pour les Pères Noël, je vous l'assure !

Pour nous permettre de patienter, un matin nous nous décidons d'aller chercher nos copains en annexe pour une balade à terre. Mais s'apprêtant à partir, Dom voit à l'horizon des ailerons. Une "troupe" de dauphins joue à saute-mouton d'écume. Du coup, nous zappons complètement François et Francine, et nous filons droit vers le banc.

Des petits font moult pirouettes. Leur ventre rose se dévoile sur l'eau bleu profond, c'est adorable. Un flot d'ailerons de dauphins adultes ceinture toute la troupe. Nous refaisons une course annexe poursuite comme aux Aves mais cette fois, sous la pluie, car le soleil n'est pas de la partie... Et, soudain, une idée fixe trotte : accepteraient-ils de nager avec nous, comme ceux des Aves?

Ne voulant pas garder un tel plaisir pour nous. Nous rentrons au bateau pour nous armer de masques et de tuba. Pendant ce temps, nous activons François et Francine qui troquent leur "smoking" de terre pour un ravissant équipement de pingouins palmés. Et, nous repartons vers le rendez-vous des dauphins. Je me rue dans l'eau, avec François et Francine, et Dom a la bonté de rester aux commandes de l'annexe. Il est vraiment adorable mon capitaine ! Là, sous l’eau, armée de mon appareil sous-marin, cette fois, je me régale à faire des photos maison. C'était mon plus tendre souhait. Depuis les Aves, on a vu tant de belles choses sous l'eau, chaque fois, les copains avaient la gentillesse de nous prêter des photos pour illustrer ce que nous avions vu. Aujourd'hui, je m'essaye au reportage sous-marin pour la première fois. Pas facile, le cliché du bon profil de ces bê-bêtes qui surfent sous l'eau. Elles glissent, dans une eau si claire qu'on croirait les voir voler...

De la troupe des dauphins, trois adultes se détachent et nagent avec nous longtemps. Quel luxe aujourd'hui, je suis méga outillée : j'ai aussi deux palmes !!! Mais je plonge toujours aussi mal !!! Cela dit, les dauphins, magnanimes, restent à proximité de nous. Ils sont si peu pressés de nous quitter, que j'ai le temps d'essayer divers réglages de l'appareil. Mais je suis si concentrée sur l'appareil que j'en oublie presque le plaisir de nager avec mes amis... Sauf que l'un d'eux semble me rappeler à l'ordre. Il fonce droit sur moi. Je suis stupéfaite de le voir si près. Je pourrais deviner un clin d'oeil...Puis il tourne à angle droit, et celui-là, je ne le rate pas!!!!!

Après cette récréation enchanteresse, vient le temps des grandes décisions. Une fenêtre météo s'ouvre devant nous. Trois jours de vent sont annoncés. La fenêtre se refermera pour une nouvelle période de pétole, selon les prévisions. C'est étrange pour une région qui porte le surnom de "Cap Horn des Caraïbes." Du coup nous changeons d'avis, et nous décidons de passer au large plutôt que de faire la côte de Colombie en 5 escales. Nous prendrons donc la route préconisée par Jimmy Cornell. Cet homme est le guide précurseur de tous les marins. Il a écrit plusieurs livres, dont celui intitulé "Les routes de Grande Croisière". Notre ami Éric Bouteleux a participé aussi à cette oeuvre, qui ne nous quitte plus. L'auteur a eu l'excellente idée de faire plusieurs fois le tour de la planète et de partager dans son livre ses expériences. Il catalogue entre autres les périodes propices auxquelles il faut naviguer dans telle ou telle zone. D'après ce livre, nous arrivons un peu tard en saison. La période idéale pour cette navigation se situe au mois de novembre. Nous levons l'ancre le 6 décembre.

Le parcours est réputé dangereux, si les vents sont annoncés de 30 noeuds, en raison des courants et de la configuration des fonds sous-marins, la mer y est réputée cassante, c'est pour ça qu'actuellement, les marins préfèrent passer par la côte de Colombie. Pour nous, le vent prévu est de 10 à 15 noeuds, il n'y a pas photo, il faut y aller !

Nous partons de Curaçao, par un véritable temps de jeune fille. Un tapis roulant comme mer et un vent portant de 15 noeuds. Mais, en fin de journée, le vent monte crescendo. Tout reste sous contrôle. Petit à petit, les conditions rejoignent les instructions nautiques. Dès que le vent dépasse les 20 noeuds, la mer devient très formée. C'est impressionnant ce bouillon blanc qui tente de monter à bord à chaque vague. Pendant la nuit, L'Étoile de Lune voltige de vague en vague. Nous établissons des moyennes de 7 noeuds. Pendant plus d'une heure nous restons au-dessus de la barre des 8 noeuds. Nous établissons notre record pour un surf à 13,6 noeuds. L'Étoile de Lune taille sa route tranquillement : grand-voile et tangon pour arrimer le génois. Bref, tout va bien !

Mais, à 3 H du matin, alors que je dois prendre mon quart, je vois un gros nuage noir. Pas le temps de dire à Dom, que je vais prendre un ris, immédiatement le bateau part... Pas tout à fait au lof, mais une belle embardée! Je m'harnache, je m'attache aux lignes de vie et me voici en pied de mat, sous les chutes du Niagara. L'eau qui sort de la voile que j'arise m'assomme presque, tant ça tombe! Et ça secoue et ça vente! Bref, deux ris mal pris, dans l'urgence, une balancine qui se balance car sa manille a lâché. Retour dans le cockpit pour rentrer le génois. Mon Capitaine est agrippé à la barre pour faire revenir le bateau en vent arrière. Il est trempé et transit de froid, mais pas le temps pour les frictions réchauffantes...

Y a du boulot sur le pont!!!
Pendant une accalmie nous rentrons le tangon et à peine revenus dans le cockpit ça recommence. Au petit jour, Dom qui m'a laissé dormir plus que lui pendant la nuit, est rompu de fatigue. Il me laisse avec deux ris dans la grand-voile, la mer, le vent et les cargos. Ben, c'est qu'il y a de l'animation sur L'Étoile !

Dans les lueurs d'un lever de soleil sale, nous découvrons le chaudron de sorcière autour de nous. Et... un problème évident de charge des batteries. Nous ne pouvons plus rien laisser allumer à bord! BRRRRR! Les batteries ne se rechargent plus. L'alternateur n'assume plus son rôle, les panneaux solaires n'ont pas de soleil et l'éolienne en vent arrière ne fabrique pas autant que par vent debout. On nous dira que la navigation sans énergie est toujours possible. Elle demande "tout simplement" de sacrifier tout le contenu du frigo et du congélateur, de barrer sans relâche dans une mer très formée pendant 450 milles et de ne plus utiliser aucun moyen de mesure électronique : sonde de vent, de la profondeur d'eau, radar, GPS, ordinateur pour la cartographie (bien que nous ayons toujours à bord privilégié les cartes papier)...

À vrai dire en mer un "bonheur" n'arrive jamais seul!!!!
Car, en consultant Pierre du Réseau du Capitaine, nous découvrons qu'une zone de nuages va de Puerto la Cruz au Venezuela jusqu'à nous. Nous ne sommes donc qu'au début de la galère ! Nous sommes à 70 milles de Cabo de Vela en Colombie, nous décidons de changer de cap et de faire escale à Cabo de la Vela, espérant régler le problème de charge et laisser passer le mauvais temps.

Sur le chemin, nous découvrons un petit Gibraltar... Pas moins de 8 cargos rien que pour nous tout autour de L'Etoile à l'approche du cap de Puerto Bolivar... et la mer qui ne se calme pas!!!! Nous contournons la pointe de Cabo de Vela et nous nous enfonçons dans une baie, où enfin nous trouvons un plan d'eau plat... Pour la première fois depuis une semaine, les Pères Noel du bord n'en reviennent pas et cessent de hocher du bonnet!

Mon capitaine profite de cette situation confortable pour jouer les zorros mécaniciens. Et, il trouve l'origine du problème. En tournant l'alternateur à la main, il constate qu'il patine dans la courroie... D'un coup, il sort de la cage moteur, l'oeil clair et le front dégagé...
"Bon sang, mais c'est bien sûr!!!!"
On chargeait lors de l'impulsion première du moteur. Dès les premières secondes et sans enclencher la marche avant, la charge en ampères était de 20... Puis au bout de quelques secondes elle tombait inévitablement, pour après 5 minutes de fonctionnement ne plus charger du tout. La solution est donc de retendre tout simplement la courroie. OUF!!! Tout va pour le mieux, Décidément sans le Capitaine, la boutique de l'étoile serait sans lune!

La morale de cette histoire est que grâce à l'alternateur nous découvrons un mouillage étonnant. Si vaste que lorsque nous arrivons nous ne savons pas où poser l'ancre. Un choix illimité ! Nous sommes à Cabo de Vela sur la péninsule de Guajira en Colombie, la frontière vénézuélienne n'est pas loin. C'est notre première escale en Colombie. À vrai dire, nous sommes intimidés. La réputation de la Colombie nous colle aux "chaussures de pont". Nous avons en mémoire des moments difficiles au Venezuela. La Colombie est-elle plus dure encore d'un point de vue de la sécurité? Que nous réserve cette escale?

Nous tentons de nous raccrocher au paysage environnant. Que nous dévoile-t-il?

L'endroit me rappelle un peu Laguna Grande au Venezuela. La baie est évasée vers le large, les collines désertiques arborent une infinité de nuances ocre et rouges. À proximité du mouillage, un charmant village de pêcheurs. Des cases de pailles et de palmes sont toutes prolongées d'une terrasse couverte où des hamacs se balancent au gré du vent.

Les pêcheurs viennent nous saluer dès le premier soir. Ils ont des barques de bois, taillées d'un seul tenant dans des troncs d'arbre. Leurs moteurs sont rustiques et démarrent sous l'impulsion d'un tour de ficelle rondement mené. Deux gamins viennent nous voir. Ils discutent un moment. Nous leur offrons un cake au chocolat façon du bord... Le plus jeune des deux visiteurs revient le lendemain avec son père. A l'heure du petit déjeuner, il nous propose du poisson. Le cake était donc bon(???)

Petit à petit, un lien se crée avec les pêcheurs. Ils viennent quotidiennement, nous proposer leur poisson. La première chose étonnante est qu'il ne veulent pas de dollars. Nous sommes très ennuyés. Nous arrivons de Curaçao et nous ne possédons pas de Pesos, monnaie colombienne. À vrai dire, nous les comprenons. C'est un peu comme si on proposait des dollars pour acheter du pain dans une boulangerie du fin fond de l'Auvergne. Donc, les premiers jours se passent dans un statut quo, où les pêcheurs font passer sous nos babines alléchées de belles langoustes inaccessibles, puisque nous ne possédons pas la monnaie locale.

Puis, une notion d'échange s'établit. Ils nous demandent des tee-shirts. Nous partageons ce que nous pouvons leur donner entre les différents pêcheurs. Ils sont tout sourire et reviennent le lendemain. Ils ont 5 langoustes dans leur barque. Et, ils nous annoncent fièrement que ce sera 10 dollars. Le lendemain, un autre bateau vient. Il nous propose 7 langoustes pour 10 dollars. Le cours de la langouste s'est-il écroulé pendant la nuit??? Ça nous arrange, c'est le jour de mon anniversaire !

Lorsque nous leur tendons les billets en échange des bêtes à cornes, ils s'en saisissent avec tant de circonspection, que je pense franchement qu'ils en voient la couleur pour la première fois de leur vie. Étrange ! Tout le monde nous avait dit que la Colombie était très américanisée. Visiblement, cette région est l'oubliée du drapeau à bannière étoilée ! Et dire qu'au Venezuela, le moindre pêcheur connaît exactement le cours du dollar contre le bolivar, pourtant Chaves dit combattre le méchant loup américain. (???) Tout cela nous laisse dubitatifs. Visiblement la réalité ne colle pas à toutes les idées préconçues que nous avons. Il est vrai que tout le monde nous a prévenus :
"La Colombie c'est dangereux !"

Au bout de plusieurs jours, nous avons envie de répondre à cette phrase couperet :
Hou, que oui!!!! Ici, vous rencontrerez des sourires tueurs, des bonjours hypnotiques et des appels plus irrésistibles que ceux des sirènes... Alors, méfiez-vous, si vous ne voulez pas être pris par le coeur, surtout faites comme tous les navigateurs qui nous ont précédés, passez trop vite votre chemin !

Comme nous sommes de natures curieuses. Nous restons une petite semaine. Et, rien de tel qu'une visite à terre pour changer l'angle de vue et s'offrir une autre dimension au voyage. Dès notre arrivée en annexe, Gwendolina et Kevin, une gentille petite fille haute comme trois pommes et son cousin, viennent à nous. Gentiment, ils nous disent de laisser l'annexe sur l'embryon de rivage où elle est posée. Leur grand-mère habite la maison toute proche, elle assurera la surveillance.

Nous nous promenons dans des collines au décor digne d'un western. Derrière un cactus, aux formes si extraordinaires qu'il parait irréel, nous pensons voir le fantôme de John Wayne. Mais seuls les urubus, rapaces des côtes colombiennes, habitent le ciel. Et puis, c'est LA rencontre. Une jeune femme nous hèle et nous entraîne chez elle à "su casa"... Un petit garçon Danielo de 2 ans, une petite fille Islata de 4 ans nous sourient et communiquent une générosité d'émotions par les yeux. La maman nous montre son travail : des bracelets tissés, des sacs qu'elle met plus de 3 semaines à confectionner, des chapeaux en tissage aussi. La petite Islata me fait un numéro de charme irrésistible et se retrouve tout naturellement sur mes genoux. Craquante!

Sur la route, nous croisons trois militaires. Nous ne sommes pas en règle. Nous arrivons de Curaçao, nous avons les papiers de sortie de l'île et aucun papier d'entrée en Colombie. Nous faisons un peu comme si nous ne les avions pas vus. Ils en font autant. Ils sont armés. Une troupe de militaires séjourne sur la presqu'île. Les habitants, nous disent qu'il est normal de voir des militaires dans les parages. Ils y sont en permanence. Et pendant les vacances de décembre et janvier, ils gonflent le contingentement en prévision des fêtes de "la natividad". Les habitants se sentent rassurés de les voir surveiller le coin. Il est vrai que nous aussi, nous nous habituons à cette présence discrète, armée, mais rassurante.

Plus loin, une grand-mère nous offre son café pur colombien dans des coupelles de calebasse, un régal ! Attention :
"El café de Colombia es EL MEJOR. No es el café del Brazil!".
(Le café de Colombie est le meilleur. Ce n'est pas le café du Brésil!"
"Bien sûr madame ! " répond-on avec respect.
Elle sourit de notre docilité complice. Puis, elle nous voit nous étonner des tasses et du coup, elle nous sort toute sa vaisselle en calebasse. Elle nous demande quand nous revenons la voir? Nous lui disons que cela va dépendre de la météo, le vent souffle fort dehors et un voyage en annexe jusqu'à elle est fastidieux. Peu importe, elle nous dit que chaque fois que nous viendrons, nous serons accueillis "commo la familia"...

Que dire ?

Elle déplore avoir vu passer tant de bateaux ces dernières semaines. Tous jettent l'ancre pour la nuit, et fuient l'endroit comme si la région était pestiférée... Seul un Français a débarqué il y a plus de 3 mois. Elle s'en souvient, c'est dire... Dommage, tous ceux qui sont passés là se sont privés d'une belle aventure humaine...

Amitiés marines
Nat et Dom de L'Étoile de Lune


Fiche pratique : Météo
(La météo au large et sur les côtes de Colombie)

Jimmy Cornell pour des raisons de sécurité et de conditions de mer préconise un passage très au large de la Colombie. Nos amis, qui vivent dans la région et qui ont effectué ce parcours dans tous les sens et quasiment à toutes les saisons gardent de mauvais souvenirs de ce passage au large. Depuis 2004, la route par la côte de Colombie s'ouvre peu à peu. La sécurité est de mise sur les côtes. Le marin n'est pas une cible, les pirates ne paraissent pas sévir comme au Venezuela. En permanence, les hélicoptères sillonnent les eaux territoriales. Les garde-côtes veillent sur les marins et patrouillent en annexes rapides. Une veille VHF sur le 16 est assurée avec dégagement sur le 14. (Un complément d'information sur la sécurité sur les côtes colombiennes sera donné dans les prochains mails)

Passer par la côte permet de découvrir la Colombie sous son plus joli profil et cela vous fournira aussi des aires de repos. Vous joindrez donc l'utile à l'agréable. Ceux qui sont passés avant nous, nous ont assuré que les conditions météorologiques étaient meilleures près de la côte qu'au large. Permettez-moi d'en douter. Nous avons fait les deux. Une portion au large. Où nous nous sommes fait secouer. Une portion côtière, où nous avons goûté à la soupe d'écume.

Je pense sincèrement que le problème réside dans une question de saison! Nous avons réuni de nombreux témoignages avant d'écrire cet article. Il y a ceux qui font les gros bras, et qui disent qu'il y a pire ailleurs. C'est certain! Même si l'endroit a été baptisé le "Cap Horn" des Caraïbes, le fameux Cap est certainement pire. Néanmoins, après quinze années de navigation dans diverses mers où nous avons trouvé tous les types de temps, nous avons trouvé que les conditions de navigation au large ou sur les côtes de Colombie étaient relativement difficiles. Nous ne voulons décourager personne. Nous tenons simplement à avertir les futurs candidats pour cette navigation.

Un exemple parmi tous les témoignages reçus des amis qui ont navigué dans cette zone. Ce sont des navigateurs avertis, qui comptabilisent plus de 15 000 milles par an. Ce sont des purs voileux, qui sont sur l'eau depuis suffisamment de temps pour établir un ordre de grandeur dans les conditions rencontrées. Qui plus est, quand ils sont partis, ils nous ont dit avec le sourire : "tout le monde fait une montagne de cette nave... Ils sont tous encroûtés ou mal préparés!"
Voici leur témoignage envoyé après leur navigation :
"Nous comprenons mieux pourquoi tout le monde craint cette navigation : il y a beaucoup de courants contraires et la mer semble démontée pour les 15-20 noeuds affichés, nous avons fait des surfs à 14-15 noeuds..."

Ne cherchez pas, pour la transhumance d'automne vers l'ouest, il n'y a pas trente-six mille fenêtres! Elle est coincée entre la période des orages et le moment où les alizés vont se réveiller. Les orages sévissent tout l'été, jusque fin octobre, voire jusqu'au 10 novembre certaines années. Les orages sont gênants par le risque de foudre qu'ils représentent. Mais également par les vents de Sud-Ouest qu'ils occasionnent et qui sont parfois forts. Vous vous retrouvez au près serré, dans une navigation qui aurait dû s'effectuer au portant.

Surveillez la fin de cette saison orageuse et partez à ce moment précis. Plus vous avancerez dans la saison, plus les alizés s'établiront. Parfois, la fenêtre n'est pas très épaisse. Restez vigilants, cela se situera courant novembre. Car en décembre les alizés sont déjà trop forts.

Le problème essentiel de cette région, réside dans le fait que la mer est très mauvaise. Pour vingt noeuds de vent, une mer équivalente à des conditions de 30 noeuds et plus se lèvera. Gardez cette proportion en tête. Cette région conjugue plusieurs facteurs responsables de ces mauvaises conditions:
-1- Un différentiel de niveau sous-marin. De Curaçao, en passant par la péninsule de Guajira, par Santa Marta, par Baranquilla et tout le long de la côte jusqu'à Carthagène, le problème est le même. En moins de 50 milles les fonds remontent de plus de 1000 mètres de profondeur à moins de 100 mètres. La mer bute sur cette marche et rend la mer abrupte. Les vagues se forment rapidement sur une mer très courte. Un exemple : au large de Baranquilla, dans une bande inférieure à 25 milles les fonds passent de 1106 mètres à 10 mètres voire moins. Vérifiez les cartes.
-2- Le courant subtropical s'il est portant, accélère l'effet de mer. Il bute contre la côte et lève des crêtes de vagues.
-3- Les effets de caps et de péninsules, bien connus des marins, ne sont pas à négliger.
-4- Les effets de fond de golfe, également un classique météorologique en mer, sont à redouter. Plus vous avancez vers l'ouest, plus vous vous retrouvez dans le fond de la cuvette caribéenne. Rappelez-vous des Golfes de renom comme celui de Gascogne, du Lion... et partout dans le monde où les fonds de golfe lèvent une mer courte.
-6- Effet de fleuve. À Baranquilla, vous trouverez tous les effets précédents conjugués. S'y ajoutera en plus, l'effet de courant généré par le fleuve Magdaléna. Il déverse une eau opaque chargée de déchets genre troncs d'arbre. Le courant généré par le fleuve se propage en entonnoir depuis la côte vers le large. Ce courant qui porte du sud vers le nord-ouest et le nord-est contrarie le courant subtropical dominant qui porte vers le sud-ouest. En cas de mer formée les effets de remontée de fonds et les effets de courant vous donneront une mer particulièrement désordonnée.

Vous l'avez compris, tout ici est réuni pour ne pas vous faciliter la vie. Mais, ne vous découragez pas, c'est faisable. Il suffit de passer au bon moment, ici, plus qu'ailleurs.

Passons à la question du vent.

Une règle à bien connaître.
Sachez que dans la région, les prévisions météorologiques sont peu fiables, surtout dès que les alizés sont établis. Vous pouvez sans complexe ajouter 10 à 15 noeuds de vent aux prévisions. Dans la période de transition entre les orages et les alizés, vous trouverez des conditions acceptables, voire conformes aux prévisions. Une règle est de partir, si possible, avec maximum 10 noeuds de vent annoncé.

Le vent est caractériel à cause de la configuration des montagnes de la Sierra Nevada de Santa Marta. Les montagnes grimpent à pic à plus de 5000 mètres. Le plus haut pic de Colombie est quasiment au bord de la côte. Son altitude titre 5 778 mètres, c'est le Pico de Colon.

Au passage, c'est le seul endroit de la Caraïbe où vous verrez de la neige.

N'oubliez pas que vous naviguez dans une eau tropicale. Le climat montagnard sec et froid se heurte au climat tropical chaud et humide du niveau de la mer, leur rencontre engendre une accélération du flux d'air imprévisible.

Notre expérience :
Vous trouverez ici, à titre indicatif, un comparatif entre les prévisions et les conditions rencontrées. Je ne mentionne pas les directions de vent, elles ne changent pas, c'est toujours du NNE.

Le 6 décembre 2007 - Curaçao - Cabo de Vela : (Navigation de 210 milles)
Prévisions pour les premières heures 10 à 15 noeuds de vent annoncés, mer 2 à 6 pieds, 8 secondes
Conditions trouvées : identiques aux prévisions
Prévision pour la nuit, un renforcement de vent est annoncé :
14 à 24 noeuds, mer se formant à 10 pieds, 5 secondes
Conditions plus fortes rencontrées:
Nous trouvons 30 noeuds établis, une mer creuse et courte. Rafales 35 noeuds.

Le 11 décembre 2007 - Cabo de Vela - Cinq Baies : (Navigation de 125 milles)
Prévisions : 6 à 14 noeuds de vent, mer 6 à 8 pieds, 9 secondes
Conditions rencontrées : 20 noeuds de vent, mer 3 mètres, plus courte qu'annoncée.

Le 20 décembre 2007 - Troisième baie Gairaca - cinquième baie Concha. (navigation 5 milles)
Prévisions : 13 à 17 noeuds, mer 8 pieds, 5 secondes
Conditions : 30 noeuds soutenus, mer formée et courte. Rafales 35 noeuds.

Le 21 décembre 2007 Concha - Rodadéro (navigation 15 milles)
Prévisions : 9 à 18 noeuds, mer 2 à 4 pieds, 6 secondes
Conditions de Concha à Santa Marta : 25 à 30 noeuds, mer hachée
Conditions de Santa Marta à Rodadero : conformes aux prévisions

Le 22 décembre 2007 - Rodadero - Punta Morro Hermoso : (Navigation 60 milles)
Prévisions : 16 à 22 noeuds de vent mer 5 à 9 pieds, 6 secondes
Conditions : 25 noeuds, puis 30 à 35 noeuds de vent. Rafales 39 noeuds. Mer forte à très forte. Courte et désordonnée. (L'écume s'envole en petites aiguilles à la crête des vagues. Pour la première fois depuis juin 2004, début du voyage, le capitaine m'interdit de regarder les vagues à l'arrière du bateau!)

Le 23 décembre 2007 - Punta Morro Hermoso - Carthagène : (Navigation 55 milles)
Prévision : 10 noeuds de vent faiblissant.
Conditions : Conformes aux prévisions.

La morale de cette histoire :
Nous nous sommes fait secouer. Mais franchement, nous ne regrettons rien. L'accueil colombien est inimitable à tous points de vue. Les paysages sont époustouflants et les navigations sont rapidement oubliées.

La photo du mois

"Petits métiers sud-américains : pilier de pont"


L'astuce du mois

Deux roues à bord ?

Question posée : Avez-vous des vélos à bord ? Si oui, en trouvez-vous l'utilité?

Nous n'avons jamais eu de vélo à bord. Mais nous avons mené notre petite enquête auprès de tous ceux qui en possédaient. Souvent, un vélo monté à bord lors du début du voyage, ne finit pas son tour du monde. Il rouille avant d'avoir été vraiment amorti.

Les seuls utilisateurs assidus des vélos sont en général basés dans des marinas. Leur vélo cadenassé à la borne d'électricité ou d'eau, les attend sagement sur le quai. Ils mènent une vie de terriens à bord de leur bateau. Ce sont des escales studieuses ou de travail qui se prolongent.

Pour les marins naviguant, le vélo pose finalement plus de problèmes qu'il ne donne de satisfactions. Au début de notre voyage, nous avions hésité. Nous avons dressé une liste des avantages et des inconvénients. Les seconds l'ont emporté, voici notre liste.

-1- Il est fastidieux de lui trouver une place. Vous me direz qu'il existe les minis vélos. Oui, mais il faut pédaler dur sur ces petites bêtes. Pour qu'un vélo soit efficace, il faut que ce soit un vrai vélo. Et là, soit vous avez un très grand bateau et il trouvera naturellement de la place. Soit vous avez un bateau de taille normale et il vous encombrera très vite par rapport à l'usage que vous en ferez.

-2- Un vélo supporte mal l'air salin. Il rouillera vite. Un ami nous disait qu'en 6 mois seulement sa chaîne était devenue un bloc compact de rouille. Cette rouille à bord, vous causera bien des soucis. Il est déjà difficile d'empêcher toutes les vis et même l'inox de rouiller, alors imaginez un vélo ? Les modèles dits "marinisés" supporteraient un peu plus longtemps la vie en mer (?) Mais ils restent chers!

-3- Vous passez 80 % de votre vie de marin au mouillage. Imaginez-vous transporter vos vélos dans l'annexe ? C'est faisable, mais pas pratique et souvent rocambolesque.

-4- Ne pensez pas ramener vos courses à vélo. Ou alors, vous remorquez en plus une roulotte. Et là, vous ne mettez plus rien dans l'annexe.

-5- Lorsque vous êtes à terre et que vous êtes arrivés où vous désiriez aller. Comment sécurisez-vous votre vélo ? Vous irez dans certains pays, où le vélo est un outil de luxe très convoité. A quoi le ficelez-vous?

-6- Certains pays ont des règlementations strictes en matière de deux roues. Le casque est devenu obligatoire quasiment dans tous les pays que nous avons fréquentés. Et puis, il y a des particularismes étranges. Comme en Colombie, tout conducteur de deux roues doit porter un gilet sur lequel un numéro de licence est noté. Si vous ne le portez pas, vous serez immédiatement arrêté.

-7- Les endroits propices au vélo sont rares. Souvent les routes sont de simples chemins pédestres impraticables pour un deux roues. La plupart des pays présentent des collines et des monts, il faut de sacrés mollets pour allonger les kilomètres dans ces conditions. Ceux qui ont des vélos à bord s'en servent le plus souvent dans les villes. Ces escales ne sont pas les plus nombreuses.

Vous l'aurez compris, un vélo à bord n'est pas essentiel. Chacun ses goûts, nous avons choisi de nous déplacer à pied ou de prendre les moyens de locomotion locaux : Bus, taxis collectifs... Cela nous permet de rentrer en contact avec la population et de faire tout ce que nous voulons. La pratique du vélo ne nous a jamais manqué en 4 ans de navigation au long cours.

Prochaine question traitée : "Laisser son bateau à la bouée pendant 6 mois à Curaçao, ou ailleurs?

Texte écrit par Nathalie Cathala et mis en page par Dominique Cathala en décembre 2007 - Tous droits réservés
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