Mail 52 – écrit en septembre 2006
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Zone de navigation : VENEZUELA –La Tortuga

L'île Vacances!

"Adam croit dur comme fer qu'il a été chassé du paradis terrestre. Eve n'en est pas sûre du tout, et agit, en tout cas, comme si elle y restait. " Jean Giraudoux


Pendant la saison cyclonique l’Etoile de Lune a échappé aux affres du climat tropicale en musardant dans les îles du Venezuela. Sans trop de précipitation, avec beaucoup d’application nous avons décortiqué les charmes d’îles faciles d’accès et pourtant presque désertes. Suffisamment désertes en tout cas, pour nous empêcher de communiquer ou de mettre le site à jour pendant plus de deux mois et demi. Essayons de rattraper le retard... Nous vous faisons découvrir dans ce mail la Tortuga, ses rares habitants, leur vie qu’ils ont voulu nous raconter et à laquelle nous avons participé, comme lors de la journée mondiale de la plage...

En fin de mail vous trouverez en post-scriptum :
La photo du mois : "Dom apprend le langage des signes aux Pélicans"
L'astuce du mois qui débute "Le feuilleton de l'eau : Premier épisode : La bassinette"

Sur le site retrouvez l'album photo de Tortuga en cliquant ici.


Bonjour à tous,

Arrivés à la Totuga, nous percevons les effluves qui émanent du Paradis. Mais comme les extrêmes se retrouvent toujours ce qui semble un paradis pour les uns, peut se révéler un enfer pour les autres !

A vrai dire, l’île ne recèle pas de grands mystères. Moins d’une dizaine d’habitants bipèdes, 5 chiens accueillants et joueurs, 7 pélicans placides, une colonie de lézards affairés, une troupe de fourmis volantes désorganisées et un escadron de moustiques opiniâtres constituent les effectifs permanents de la Tortuga. Plutôt plate et sèche, sa physionomie n’est pas, à proprement parler, dans les canons de beauté des îles qui font rêver. Et pourtant… nous lui avons trouvé un je ne sais quoi d’attachant.

Parmi les plus anciens habitants de l’île, nous avons compté Mucho et ses amis pêcheurs. Il a un petit restaurant improvisé ou possada en espagnol. Le principe est simple. Vous allez pêcher le matin. Vous invitez les copains à la possada. Vous emmenez votre manger, votre boire et les contenants. Un sac poubelle pour ne rien laisser à la fin du repas sur l'île. Mucho le propriétaire de la possada vous prête son barbecue. Vous faites votre cuisine vous-mêmes. Pour la peine vous invitez Mucho et ses copains. Une vie tranquille et sans chichis...

Le seul cocotier de l’île pousse à la porte des pêcheurs et récolte leurs bons soins. Il vivent paisiblement en bordure de plage dans des paillotes faites de palmes et de bois coupés. Pour parachever l’habillage, plus que spartiate des cabanes, certains bateaux échoués depuis longtemps se laissent dépecer de leur roof. Celui-ci servira de couverture étanche à la pluie.

D’ailleurs, au cours du mois d’août un superbe catamaran est venu grossir la troupe des épaves cueillies par le récif. L’équipage est parti du mouillage de nuit et s’est tout bonnement empalé sur les brisants. Histoire raccourcie d’un voyage, pour une simple erreur de navigation… Seul le bateau a souffert. L’équipage et toutes ses affaires ont été sauvés grâce à la solidarité des marins présents dans le mouillage ce soir là.

Comme l’île n’est située qu’à 170 kilomètres de Caracas, le week-end, les Vénézuéliens viennent, en bateaux rapides. Ils s’étalent sur la plage. Ils paressent dans l’eau chaude. Ils déversent sur le mouillage quelques décibels qui s’apparenteraient à de la salsa moderne (?) Et, ils repartent le dimanche soir, laissant la Playa Caldera aux voiliers qui n’ont pas les contraintes de rentrées de début de semaine. Certains parmi les plus aisés rallient l’île en petit avion. Celui-ci atterrit sur une piste de sable battu. Pas d’aérodrome, pas de règles bien établies et tout se passe dans une grande simplicité. Ces visiteurs ne viennent parfois que pour la journée. Ou alors, ils séjournent dans la deuxième posada de l'île. Très mignonne, elle est installée au bord du lagon de la Pointe Delgada.

Des panneaux de bois indiquent la posada, un restaurant et même Internet ! Autant dire la Lune sur Tortuga ! Intrigués, nous pénétrons dans l’auberge, Nelson, le gérant d’El  Rancho Y Emayà, nous accueille à bras ouverts. Il parle l’anglais à merveille. Ancien professeur de langue, nous prenons plaisir à discuter avec lui. Nous lui demandons s’il est possible de se connecter à Internet. Tout est prêt, tout est là… Il semblerait même que des câbles parviennent du continent jusqu’ici… Cependant l’ordinateur ou le modem… Voire les deux sont encore à Caracas. Mais le panneau indicateur est bel et bien là ! Fier et droit ! A défaut de communiquer, Nelson nous fait découvrir son auberge. Six chambres posées sur le sable entourent une cour intérieure à ciel ouvert. Tout est fabriqué en bois. La construction, si elle est sommaire, a pourtant un charme fou… Tout est de couleur lagon : émeraude et turquoise. Des hamacs invitent à la sieste sous un patio. Partout, des mobiles élaborés à base de coquillages invitent le vent à composer sa musique.

 

Nous parlons un long moment avec Nelson. Il nous raconte son pays. Il parle de politique (…!...) Il plaide pour l’évolution touristique de l’île. Egoïstement, nous prions pour qu’elle ne soit pas trop rapide… Nelson nous montre la photo d’un hôtel de Bora Bora dans un magasine. Un exemple ! Il veut faire des extensions de l’hôtel sur le lagon. A la place du sol en sable, il rêve de maisons sur pilotis, dont le sol serait en « cristal » pour observer les poissons depuis son lit. Il rêve. Il extrapole. Il nous raconte son bonheur de vivre ici et de se passer de tout. Ici, il prépare son avenir. Suivez son raisonnement : sur cette île, il ne peut pas dépenser son salaire. Pas de magasins, pas de tentations… C’est ainsi qu’il épargne pour se payer, un jour, la maison de ses rêves dans un village situé à 2000 mètres dans la chaîne des Andes. Vous l’avez compris : nous avons rencontré un homme heureux ! Conscient de sa chance.

Il nous présente le reste de l’équipe de la posada. Adriana surnommée Nani, Yessika et Abrahame. Ce dernier est le chef cuisinier. Il a toujours le sourire aux lèvres, lui aussi. Les deux jeunes filles sont charmantes. Mais, Nelson nous raconte le drame de Nani. Ce petit hôtel attend depuis des jours qu’un avion ou une lancha leur apporte l’approvisionnement nécessaire à son fonctionnement. Au jour où nous nous parlons, ils manquent de tout : rafraîchissements, nourriture, gaz… et les cigarettes de Nani ! Elles n’en peut plus et devient « loco » … Bref, en manque. Ses sourires, sa gentillesse et sa malice nous font craquer. Nous retournons au mouillage en quête de ce qui lui rendra sa bonne humeur. Bien que sur le départ, Paul, Capitaine du voilier Mangaia accepte de se démunir et de dépanner la jeune femme. Dommage qu’il soit parti dans la foulée, il aurait, en remerciement, rencontré le plus joyeux des sourires. Dans la foulée nous fouillons notre bateau en quête de livres pour Nelson. Nous n’avons rien en espagnol, par contre 2 bouquins en anglais lui feront le plus grand plaisir.

Au cours de notre séjour, nous faisons également la connaissance des gardes côtes. Ils préparent la journée mondiale de la plage. Les gardes côtes viennent aux bateaux et mobilisent toutes les bonnes volontés utiles à cette journée. Rendez-vous est donné ce matin à 9 heures sur la plage. Nous avons de la chance, le ciel est voilé et le vent souffle. Cela nous permettra de travailler toute la matinée sans nous dessécher complètement. Les équipages d’une quinzaine de bateaux répondent à l’appel. Les gardiens sont dépassés par le nombre des participants. Ils ont 6 sacs poubelles pour plusieurs kilomètres de plage à nettoyer. Nous nous rendons compte rapidement que cela ne suffira pas. Nous puisons dans nos réserves de sacs poubelles. Nous passons des heures à ramasser tout ce que les plages comptent de plastiques. Nous rassemblons le fruit de cette récolte sur un grand bûcher ! Nous sommes hallucinés ! La pollution ne vient pas des 10 habitants qui aiment leur île et la respecte. Le nombre des déchets est surtout important sur la partie au vent de l’île. La mer excrète des détritus non biodégradables que les inconscients jettent par-dessus bord. Mais elle ne rejette pas que ça ! Un matin Nelson a trouvé 3 corps au bord de sa plage… Naufrage, accident, règlement de compte ??? Personne n’a élucidé ces cas. Les insulaires ont enterré décemment les malheureux préférant ne rien en savoir…

Revenons à cette journée de bénévolat. L’ampleur de la tâche est décourageante. Pourtant chacun des équipages présent s’y atèle. Pendant plusieurs heures et jusqu’à ce que la chaleur ne nous permette plus de continuer nous rendons à ce lagon la dignité qu’il mérite. Lorsque le vent, trop fort en cette journée, le permettra, les gardes-côtes brûleront cette infamie. Pour enfin laisser place nette… Pour combien de temps ? A terme chaque pays de cette planète devrait éduquer sa population. La rendre consciente que des gestes faciles et répétés ont de graves conséquences sur l’environnement. L’ignorance est le plus grand ennemi de notre planète… C’est pourtant pas si difficile, chacun à notre niveau, de collecter les déchets et de les traiter comme il se doit !

Cette journée aura le double mérite de nous rendre utiles et de créer des liens entre les marins et les gardes-côtes. Nous leur posons des questions récurrentes auxquelles ils répondent gentiment. Ils sont conscients de leur chance : venir en tant que gardes-côtes sur la Tortuga est une récompense. Cependant, ces jeunes gens qui ont idéalisé l’île, vivent un manque cuisant lorsqu’ils y sont appelés. Ils préféreraient faire partie d’une armée mixte… En effet, ce ne sont pas les deux jeunes filles de la posada qui pourront, à elles seules, pallier au manque affectif de la garnison. Heureusement cette affectation ne dure que deux mois ! Je me demande cependant s’ils ne regretteront pas leur tranquillité (même solitaire !) lorsqu’ils seront envoyés sur Caracas, la capitale…

Au lendemain de cette journée, nous ne pouvons résister à l’envie de nous balader sur les plages toutes propres. Le vent s’est calmé. La petite troupe de chiens nous accompagnent. Ils sont joueurs et câlins. En bordure de lagon, une fine moustache d’écume caresse le sable aveuglant. Dom ne résiste pas à la baignade. Je le suis en kayak. J’ai l’impression de tourner dans un de ces films publicitaire, pour des vacances de rêves… Nous sommes seuls sur le lagon étincelant. L’eau est si translucide que j’observe les poissons en ramant. Là un poisson perroquet, couleurs vives, il fuit sous le récif… Une raie, immense reste sous mon kayak. Je pense qu’elle va s’éloigner rapidement, comme elles le font toujours. Mais, elle ne s’affole pas. Elle vole légère et semble m’attendre au détour d’un pâté de corail. Nous faisons un bout de chemin ensemble. Un ravissement ! Plus loin, à la lisière de la pleine mer et du lagon, dans l’enroulement des vagues je devine le récif, ses teintes sombres sur fond d’émeraude. L’écume cristalline s’arc-boute et rebondit en d’infinies vaguelettes sur fond outremer.

Magnifique ! Décidément, l’enfer de certains est notre paradis d’aujourd’hui…

Amitiés marines
Nat et Dom de L'Etoile de Lune


L'astuce du mois
Le feuilleton de l'eau : Premier épisode : La bassinette

Pendant plus de deux mois nous avons navigué dans des îles au climat désertique. Nous n'avons eu qu'un ou deux orages arrosés. Aucune ville n'y était établie. Nous avons donc vécu en complète autarcie. Le bateau est équipé d'un dessalinisateur et de réservoirs de 900 litres. Malheureusement durant cette croisière les membranes du dessal nous ont lâchés. Il a donc fallu vivre sur nos réserves. Nous avons à bord plusieurs astuces qui nous permettent de réguler la dépense en eau. Toutes les astuces que nous vous livrons en quatre épisodes sont efficaces, la preuve nous pouvons tenir 45 à 50 jours, sans faire le plein et sans utilisation du dessal, voire plus selon fréquence des pluies.

La réserve de 900 litres est partagée en deux réservoirs de 450 litres. L'un d'eux ne délivre son eau que par l'action d'une pompe à pied. Le débit est beaucoup moins important que lorsque nous tirons l'eau de l'autre réservoir au moyen d'une pompe électrique. A la base du robinet nous avons placé un filtre afin de boire l'eau du réservoir. Une autre pompe à pied tire de l'eau de mer. Ainsi, nous faisons toujours la vaisselle avec l'eau de Neptune. Une simple rincette à l'eau douce préserve les couverts d'un goût salé. Chaque évier est muni d'une bassinette. Grâce à elle, l'eau de rinçage de vaisselle peut être réemployée pour se laver les mains. Lorsque l'eau reste claire, elle peut franchement être réutilisée. Elle permet aussi de rincer les éponges, de laver les panneaux de pont etc, etc... Ces petites bassines sont un des éléments importants qui facilitent l'économie de l'eau. On n'imagine pas combien de litres partent à la mer alors qu'ils peuvent encore servir...


La photo du mois

"Dom apprend le langage des signes aux Pélicans"


Texte écrit par Nathalie Cathala et mis en page par Dominique Cathala en Septembre 2006 - Tous droits réservés
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