Des traditions préservées



















Escale au pays des Tupuna


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"(...) Plus on connaît ces gens, plus on les aime et pour être juste envers eux, je dois dire que (les Tahitiens) sont les plus obligeants et les plus prévenants de ceux que je n’aie jamais rencontrés. (...)"

James Cook, carnets de voyages autour du monde

 

Tiki protecteur en figure de proue

Nouveautés sur le site :
Visite, comme si vous y étiez, des plus beaux spots de Bora Bora -> Carte de Bora Bora

 

Albums photos :
Un album en musique dédié aux animaux marins rencontrés lors de nos escales polynésiennes ->
Les baleines

 

En fin de message :
Golden Blog Award : remerciements et suites...

Les photos du mois : Baleines en liberté

 


Résumé


Le peuple maohi ne disposait pas lors de l'arrivée des premiers explorateurs européens, de l'écriture. Ils perpétuaient la tradition au travers de chants récités par les « Tahua » (prêtes). Cette parole sacrée, celle qui traversait les âges, pérennisait l'Histoire de tout un peuple. Aujourd'hui ces récits tiennent lieu de légendes. Pourtant, les gens d'ici, et même les visiteurs éphémères ont envie de croire à certaines d'entre elles...

 

De la légende à la réalité, il n'y a qu'un pas, qui mène au pays des perles des Mers du Sud

 


Bonjour,

 

Couleurs du soir sous un grain

Impossible de séjourner en Polynésie sans entendre les mots « tapu » (sacré), « mana » (puissance), « tupuna » (ancêtre), « tupapau » (fantômes)! Ces mots, qui semblent presque rigolos aux oreilles des Popa'a, gardent dans le coeur des Polynésiens une sonorité particulière. La voix des Tupunas est celle des ancêtres et au lieu de s'affaiblir avec le temps, il semble, au contraire, qu'elle s'affirme, qu'elle trouve plus de force dans le coeur des insulaires des Mers du Sud.

 

Depuis notre arrivée en juin 2010 en Polynésie, partout nous avons trouvé sur notre chemin des Polynésiens affables, adorables. Nos hôtes sentent très vite que nous sommes attentifs à leur culture. Sans curiosité mal placée, nous tentons d'éloigner nos vieux concepts occidentaux, pour ouvrir notre coeur à ce qui est important pour eux. Et la porte s'ouvre, la leur et la nôtre... sur le pas de celle-ci, nous nous réunissons pour des moments inoubliables à écouter l'Histoire de la Polynésie.

 

Un peuple attaché à ses traditions

Le mot histoire se dit a'amu, à traduire littéralement par « manger, se rassasier , être glouton ou vorace». Voilà d'emblée un concept qui me plaît! Le Polynésien, lorsqu'il écoute son Histoire, se nourrit, il se remplit de sa culture! Il dévore ce que les tupunas lui racontent pour se rapprocher de ses origines, pour palper ses racines depuis le tréfonds de son âme.

 

La parole des tupunas le ramène à ce qu'il était, à une réalité qui subsista pendant plus de dix siècles, avant la grande transformation engendrée par les visiteurs étrangers. Ainsi, tout le rituel autour du souffle de la bouche est « tapu ». Le « tapu » signifie à la fois « sacré; prohibition; serment, voeu; jurer, faire serment de; sacrifice... ». Chaque mot, selon sa prononciation, selon le contexte revêt une teinte particulière dans le langage maohi. Le mot « tapu » est sans doute celui qui a le plus de poids dans les consciences, et le voici intimement lié à la parole, elle prend, dans la tradition ancestrale, une force spirituelle, quelque chose qu'il faut respecter, parce que c'est sacré!

 

Voilà un principe que chaque nation de ce monde devrait approfondir! Imaginez qu'au lieu de sortir à tout bout de champ des sons, des ânonnements... des chapelets de mots, nous prenions conscience que chacun d'eux est important. Ou comme le disait Confucius : que « Quatre chevaux attelés ne peuvent ramener dans la bouche des paroles imprudentes ».

 

Flute nasale traditionnelle

Ainsi, les tupunas (les ancêtres) lorsqu'ils récitaient l'Histoire de leur peuple se faisaient accompagner par des flûtes. Celles-ci n'étaient pas à bec, mais nasales. Ainsi, les discours importants étaient accompagnés de notes mélodieuses sans pour autant utiliser le truchement « tapu » de la bouche, pour des sons plus légers que la parole.

 

Lorsque les premiers navigateurs débarquèrent en 1767 sur Tahiti, ils eurent des mots très durs pour le peuple qui habitait ses vallées. Du fait que les Tahitiens ne maîtrisaient pas l'écriture, ils en conclurent qu'ils vivaient sans foi, ni loi, les traitant tout bonnement de « sauvages ». Les Européens pour comprendre l'environnement océanien ne disposaient d'autres repères que leur bonne vielle logique « classificatrices ». Ils venaient d'un monde où tout était, selon leur « objectivité » bien rangé. Ils croyaient en un dieu unique, omniprésent, omnipotent. Ils ne décelèrent pas la logique océanienne. Ils n'étaient que des observateurs éphémères, ne disposant pas du temps nécessaire pour accéder à la culture des Tahitiens, les traitant de païens.

 

Le tatouage omniprésent

Encore aujourd'hui, les scientifiques ou ethnologues qui s'attachent à comprendre la mythologie océanienne naviguent dans l'imprécision. Ils ont souvent commencé leurs études par le B A BA du panthéon gréco-latin, même si celui-ci foisonne de dieux et de héros, ils connaissent par coeur leur rôle qui suit une logique que je qualifierais (si j'osais cet anachronisme!) de cartésienne. Lorsqu'ils s'attaquent à la mythologie océanienne, ils plongent en plein folklore! Elle bouillonne de vie. C'est l'imaginaire de chacun qui s'exprime et en rajoute pour concocter une sauce relevée. Les ingrédients du panthéon océanien varient d'une île à l'autre, d'une vallée à l'autre, parfois d'une famille à l'autre, car ils s'adaptent aux circonstances et au vécu. La vie dans les Tuamotu n'était pas celle des îles de la Société ou des Marquises. Les Tupunas ont adapté la fonction des Dieux à leur besoin. Cette adaptabilité des attributs et des capacités des Dieux est des plus commodes. Mais cela leur confère une identité très nébuleuse. Les Dieux océaniens endossent autant de défauts que de qualités. Ce qui les vernit d'un filtre plus qu'imparfait, en bref aussi complexe que le caractère humain!

 

La pirogue, moyen de transport traditionnel

Des Marquises aux îles de La Société, nous avons croisé nombre de personnes qui ont eu la gentillesse de partager les récits des tupunas. Je pense en particulier à Féli de Hiva Oa, à Maurice de Ua Huka, à Jules de Moorea, à une vielle dame de Raiatea qui me récite les légendes chaque dimanche après la messe, ou aux petits détails explicatifs de Ferdinand pendant le Heiva. La seule chose que je regrette c'est de ne pas comprendre les jolies légendes en tahitien, car elles perdent beaucoup en traduction. Le tahitien est une langue complexe où chaque mot est susceptible d'englober des plusieurs concepts. Mais cet échange, que nos amis ont la bonté de traduire, donne à notre voyage une profondeur, une approche plus fabuleuse et plus scintillante que n'importe quel lagon du monde. En bref, sans cette écoute particulière, il est impossible de comprendre vraiment nos hôtes des Mers du Sud. Leur conscience, leur vision du monde sont réellement différentes de la nôtre, elles façonnent leur caractère, et leur abord de la vie.

 

Ainsi, lorsque nos scientifiques occidentaux parlent de la naissance du monde, cela donne en langage que je simplifie, sinon je ne comprendrais pas moi-même ce que j'écris : «  L'univers existe depuis 15 milliards d'années. Un centième de seconde après le big-bang, apparaissaient les particules atomiques, protons, neutrons, et électrons... » (Http://www.syti.net/EvolutionStory.html). « La Terre s'est formée il y a 4.54 milliards d'années et la vie apparut moins d'un milliard d'années plus tard » (G. Brent Dalrymple)

 

Tatouage aux nombreuses significations

Le peuple maohi ne comptait pas en millions d'années, mais en nombre de lunes. Il évoquait les hauts faits des "tupunas" (ancêtres) et transmettait les légendes afin de raconter SON histoire et de perpétuer sa culture. 

 

Les chants séculaires de la création relatent la naissance du monde de manière très poétique. La genèse maohie se base sur le néant. Au commencement du monde, il n'y avait rien et Ta'aroa fut son propre créateur. Il rôdait dans l'univers à bord de sa « soucoupe » nommée Rumia (littéralement : oeuf flottant dans l'espace). Autour de l'oeuf tout n'était qu'espace infini, vide de ciel, de terre, de lune, de soleil, ou d'étoiles. Pour tout dire, Ta'aroa s'ennuyait dans sa coquille. Il s'en extirpa, mais au-dehors il mesura d'autant l'immensité de sa solitude. Le néant était sombre et silencieux.

 

Il se saisit de sa coquille, la cassa et engendra la roche et le sable. Il créa une nouvelle coquille qui servit à établir les fondations du monde, Tumu-Nui (tumu: racine, origine, cause, fondement; Nui : grand). Ta'aroa offrit sa colonne vertébrale aux montagnes qui s'élevèrent en chaînes. Ses larmes approvisionnèrent l'océan. De ses ongles de mains et de pieds, il recouvrit d'écailles les poissons et les tortues. Ses plumes servirent à élever une végétation variée. Son sang colora l'arc-en-ciel et le couchant.

 

Légende de Ta'aroa dans son oeuf flottant

Un monde en couleurs et en trois dimensions, mais Ta'aroa se sentait toujours seul. Ainsi, il fit venir des artisans (ne me demandez pas d'où... j'ai cherché leur provenance, sans pouvoir élucider ce mystère!) Bref, ces artisans sculptèrent, à coups d'herminettes, les formes du premier collègue de Ta'aroa : le dieu Tane. Celui-ci était créé à l'image des futurs hommes (à moins que ce ne fut l'inverse?) et il se mit immédiatement au travail. Il traça le chemin du soleil et de la lune, puis il le parsema d'étoiles afin que la terre soit illuminée jour et nuit. Devant l'éternité maohie Tane tint le rôle de dieu du ciel et de la beauté. Il était le gardien de l'eau précieuse, celle offrait la vertu universellement convoitée qu'est l'immortalité. Ses colères restent légendaires! Les tupuna répètent à l'envie, cette scène terrible, où Tane faillit réduire l'humanité en bouillie d'un coup de massue. Ses animaux préférés étaient l'hirondelle, le requin, les oiseaux à plumes rouges et les anguilles.

Coquillage utilisé comme instrument sonore

Les plumes rouges jalonnent les légendes de « tout poil » dans la région et je vous reparlerai des anguilles sacrées que l'on peut toujours admirer à Huahine, mais plus tard...

 

Revenons à Ta'aroa. Il eut un premier fils qu'il nomma Oro. Ses pouvoirs étaient à l'aune de ceux de son père. Il était le dieu de la guerre, mais aussi un sage qui révèlait des secrets. Les Tupuna craignaient Oro. Car s'il était protecteur pour une certaine caste, il se glissait aussi dans la peau d'un farceur, et devenait parfois colérique. Pour l'honorer et surtout l'amadouer, les prêtres, mais aussi les ari'i (chef) portaient des plumes rouges, ou en décoraient les marae tandis que les offrandes affluaient vers les autels, dont certaines sous forme humaine.

 

Ta'aroa finit son oeuvre en créant l'homme. Il divisa le monde en sept plates-formes. Il installa l'humain sur la plate-forme inférieure, mais ils se multiplièrent si rapidement qu'ils durent rapidement investir les autres plates formes.

 

L'huitre perlière polynésienne

Voici donc le maître de toute chose, Ta'aroa, heureux de son oeuvre. Je passe les détails de la création des autres dieux tels que Hina (la lune), Ra'a le dieu du sacré, Rua-Hatu moitié homme, moitié poisson, To'a Hiti le dieu des montagnes...

 

Tandis que tout le monde assurait son rôle et sa place, il fallait trouver une épouse au fils du tout Puissant. « Il la voulait vierge et belle, ayant le dessein de fonder avec elle, dans la foule des hommes, une race supérieure à toute et privilégiée » (P Gauguin) Ses fils deviendraient les fondateurs des Aroi'i que Oro protègerait jusqu'au bout de l'éternité. Afin de débusquer la fiancée d'Oro, Ta'aroa envoya ses filles Téouri et Oaaoa sur toutes les îles de Polynésie. Un soir, une des soeurs de Oro revint en lui disant qu'elle avait trouvé sur Bora Bora, celle dont il tomberait amoureux, elle se prénommait Vaïraumati.

 

 

Oro, pour vérifier ses dires, commanda un escalier céleste. Un magnifique arc-en-ciel se déploya du haut du mont Otemanu vers le lagon. Oro le chevaucha, et descendit sur Bora. Il découvrit une jeune femme splendide. Pour conquérir le coeur de la belle Vaïraumati, Oro lui arracha un morceau de firmament qu'il lui offrit. La belle découvrit une perle noire si merveilleuse, qu'en signe d'assentiment, elle lança le joyau à la mer. Une huître géante (Te Ufi) qui se trouvait au fond des océans réceptionna la perle. Heureux d'avoir ému sa princesse, Oro conféra ce jour-là à Te Ufi, la vertu de reproduire à l'infini cette perle originelle.

 

La perle du Pacifique "joyaux des îles"

Attendez... Ce n'est pas fini!

 

Le lustre du firmament ne suffit pas à expliquer les nuances fascinantes que revêt la perle des Mers du Sud. Après qu'elle fut réceptionnée par Te Ufi, les esprits du corail et du sable ( Okana et Uaro) offrirent à la perle, une cape ornée des milliers de couleurs des poissons qu'abritait l'océan. Hina, la déesse de la Lune, s'associa aux esprits, et depuis, ce temps, chaque mois, au summum de son cycle, elle inonde l'océan de ses rayons pour attirer les huîtres à la surface et ainsi les imprégner d'une rosée bénie des dieux.

 

Voilà pourquoi la perle de Tahiti est tout simplement somptueuse. Ne gâchons pas son lustre avec des explications par trop rationnelles qui mesurent l'épaisseur de nacre, jaugent son orient, sa rondeur, de son calibre...

 

La vision maohie du monde telle que les tupunas la racontaient, est non seulement un ravissement à l'oreille, mais il était, avant la venue des premiers missionnaires, source d'enseignement. Quelle abondance de légendes, de contes, afin d'éduquer la population à son environnement! Cette culture, issue de l'observation unique et indispensable de ce qui l'entourait, trouvait une explication, à la naissance de l'océan, à celle du fruit Uru (arbre à pain), du cocotier, des vagues, des dauphins ou des montagnes...

Coucher de soleil sur Maupiti depuis Bora Bora

Les contes décrivaient aussi, de manière très imagée, les rapports humains toujours complexes, corsés de sentiments individuels qui nuisaient à la communauté. Ils devenaient le ciment d'une civilisation, que les hommes d'ailleurs pensaient sans foi, ni loi, et qui pourtant était hiérarchisée et régie par des lois implicites que tous respectaient.

 

Le peuple océanien tout entier mérite de voir ressurgir les valeurs et connaissances d'antan, elles étaient si riches qu'il est presque impossible d'en venir à bout.

 

 

A bientôt

Nat et Dom

 

Sources pour écrire cette lettre :

« Tahiti » Teuira Henry

« Mythes et mythologie » de Félix Guirand et Joël Schmidt

Un dico très utile tahitien-français :

http://www.arapo.org.pf/dico.html

http://www.hiroa.pf

« Noa Noa » par Paul Gauguin

« Voyages aux îles du grand Océan ». J.-A. Moerenhout

 

 


Le Golden Blog Awards

Remerciements à vous tous chers lecteurs :

 

La mobilisation pour le concours de Golden Blog Award a dépassé nos attentes. Nous nous y étions inscrits comme cela, pour voir... Voir quoi? Et bien, notre blog existe depuis le début du voyage (8 ans). Au début, nous l'avions créé pour la famille et les amis, petit à petit des visiteurs tous azimuts se sont connectés, à présent nous comptons presque 600 000 visiteurs. L'écriture, la réalisation d'un blog, c'est presque un travail en solitaire. C'est beaucoup de temps, il faut être passionné de communication et de ce que l'on a envie de partager pour tenir si longtemps. Nous donnons, donnons... mais au final, nous ne savons pas toujours comment tout cela est réceptionné! Grâce aux témoignages qui ont accompagné vos votes, nous avons réalisé que cette relation n'avait rien de « virtuelle »! Le Blog est un lien privilégié entre vous et nous.

Merci à vous tous pour votre soutien!

 

Résultats du concours :

Le 24 octobre nous avons accédé grâce à vos voix à la demi-finale. Nous sommes à la deuxième place du TOP 10 dans la catégorie voyage. Jusqu'au 16 novembre un jury professionnel prendra le relais pour nous départager.

 

Quelques chiffres et dates concernant le Golden Blog Award

2 354 = nombre de blogs soumis cette année

20 = nombre de catégories pour cette édition 2011

267 092 = nombre de votes depuis le début de cette seconde édition

150 = le nombre de blogs inscrits dans la catégorie voyage

903= le nombre de voix du lauréat du GBA de 2010

1818= le nombres de voix engrangées par Le Voyage de L'Etoile de Lune 2011

 

Quelques dates

14 septembre = inscription des blogs (nous ne connaissons pas ce concours)

29 septembre = contact d'un internaute qui nous propose de nous inscrire

30 septembre = inscription du Voyage de l'Etoile de Lune, nous sommes bon dernier au classement (forcément!)

5 octobre = grâce à vos voix nous remontons à la 20e place

24 octobre= nous atteignons la deuxième place de notre catégorie dans le top 10 (demi-finales)

16 novembre = la cérémonie des Golden Blog Awards, à l'hôtel de ville de Paris, révèlera le gagnant de chaque catégorie, ainsi que des prix spéciaux.

 

A suivre...

Raiatea

Photos du mois

Baleines en liberté

 

 

 

 

 

 
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