Le fou compagnon du marin

 

Pêle-mêle d'observations effectuées dans la mer des Caraïbes

Après le pélican qui reste mon oiseau préféré, j'aime le fou. Je le trouve sympathique. Souvent je le fréquente dans mes randonnées en kayak le long des falaises. Il sent ma présence. Il tourne la tête, expression presque nonchalante. L'oeil lointain, il me regarde passer. Il est rare qu'il s'envole à mon arrivée. Il se contente de me suivre du regard. Parfois, j'ai la chance de faire du kayak dans leur zone de pêche. Ils volent presque à toucher ma pagaie du bout de l'aile.

Sa technique de pêche est impressionnante. Il tombe littéralement du ciel, comme une pierre. Il s'enfonce dans l'eau et capture le poisson qu'il a repéré de là-haut. Au large, il s'aide de ses ailes et s'enfonce profondément dans l'eau pour traquer ses proies. Par contre, lorsqu'il est au bord des plages, il plonge en eau si peu profonde qu'on a peur parfois qu'il se rompe le bec...

Sur les côtes du Venezuela nous avons vu des concentrations importantes de fous et de pélicans. Ils choisissent en général les mêmes zones de pêche. En général, les dauphins sont également de la partie. De sorte que les bancs de poissons repérés par ces trois prédateurs n'ont aucune chance, car ils sont à la fois attaqués par le dessus et le dessous. Les fous forment des bandes et souvent se placent en ligne pour fondre littéralement sur les bancs de maquereaux ou de harengs.

Quand ils nagent à la surface de l'eau, ils enfoncent leur bec jusqu'aux yeux, comme pour observer leur plat de résistance. Ils sont marrants, on dirait qu'ils font du snorkeling. Lorsqu'ils perdent leur proie, ils sont capables de faire un tour complet sur eux-mêmes à la surface de l'eau. Un peu à la façon d'un kayakiste qui chavire et se rétablit de ses pagaies. Spectacle surprenant, où l'on voit le fou basculer sur le dos, puis se rétablir à la surface de l'eau à l'aide d'un battement d'ailes.

Un fou solitaire est souvent victime de la voracité des frégates. Ces dernières harcèlent les fous qui viennent d'attraper une proie. Elles leur donnent des coups de bec violents. Elles attrapent le bout d'une aile du fou et l'envoient au tapis. Une fois à l'eau, elles l'empêchent de reprendre son envol et elles le forcent à régurgiter sa proie. Je déteste voir cette injustice entre animaux, il m'est arrivé de les pourchasser en annexe pour les empêcher d'aller réclamer leur dîme. Mais le fou est plus tolérant que moi. Il accepte de partager ses branches de palétuviers avec l'infâme frégate. Par contre, ils sont très copains avec les pélicans. Ils partagent souvent leur rocher d'observation avec leurs cousins palmipèdes.

Au plus chaud de la journée on voit le fou sur son rocher, face au vent. Il a le bec légèrement entrouvert. Il semble haleter. En fait il dispose de la climatisation intégrée! Pas si fou! C'est une méthode efficace pour se rafraîchir. A le regarder de plus près, on voit bien au frémissement de sa gorge que l'air circule parfaitement.

Avant de séjourner aux Aves je ne connaissais que le fou brun. Lorsqu'il est adulte on dirait qu'il porte un smoking. Il a le dos noir et le ventre blanc, ses pattes sont jaune clair ainsi que son bec. Sa pupille reflète le bleu de la mer. (Attention, ne confondez pas le fou brun avec le fou masqué ! Souvent les marins les confondent !)

Dans la mangrove des Aves (Venezuela) nous avons eu l'occasion d'observer les fous à pattes rouges. Expérience inoubliable, où pendant 45 jours, nous pouvons suivre toute l'évolution du fou. Depuis le moment où ils s'accouplent jusqu'à la concrétisation de leur union. Ils sont tolérants et nous laissent les observer tranquillement. Ils nous laissent les approcher dans leurs moments les plus intimes. Nous observons leurs gestuelles de parades amoureuses. Le mâle exhibe ses ailes et ses pattes rouges. Il adopte ainsi des postures qui le mettent en valeur. Ça lui donne des petits airs prétentieux, regard lointain, bec levé vers le ciel, la queue déployée. Dans les périodes d'accouplement, toute la mangrove résonne de cris rauques, ce sont les mâles qui appellent les femelles. Après accouplement, ils construisent leur nid, dans cette phase là, les fous s'interpellent encore de longues nuits durant. Puis, les couples se relayent et couvent un oeuf entre leurs pattes rouges.

Cette vie doit être bien fatigante, car nous surprenons très souvent les fous dans leur sommeil. Ils tombent endormis au sens propre. La tête en bas, le corps en porte à faux, on se dit qu'il suffirait d'une simple brise pour qu'ils se cassent la figure...

Compléments d'informations et ce que l'on trouve dans les livres et les sites internet

Généralités

Ce sont des oiseaux de mer. Ils sont puissants et aérodynamiques, très adaptés au vol en piqué. Certains d'entre eux se laissent tomber du ciel verticalement sur plus de 45 mètres de hauteur.

Le fou est le nom courant donné à un groupe de grands oiseaux de mer palmipèdes, qui forme le genre Sula. Les fous comptent neuf espèces. Ils habitent les îles tropicales et subtropicales. Le fou de Bassan est une espèce réputée des régions tempérées. Leur surnom leur vient des marins, car les fous se posaient sur les bateaux et se laissaient facilement attraper. Il est vrai que les fous à pattes rouges que nous avons observés aux Aves de Barlovento se laissent approcher de si près que le zoom de l'appareil numérique est inutile. Un jour un ami a voulu les faire s'envoler en tapant des mains. Il a fallu qu'il insiste et qu'il fasse plus de bruit qu'un simple battement de mains pour arriver à les effrayer.

Habitat et régime
Les fous nichent en grandes colonies sur les rivages. Ils nichent sur les atolls coralliens et les îles volcaniques dans les mers tropicales. Ils partent très loin en mer pour se nourrir de calamars, de merlan, de poissons volants, de harengs...

Distribution
Le fou à pieds rouges se reproduit à Hawaii, dans la mer des Caraïbes, dans l'Atlantique, le Pacifique l'océan Indien et les mers au nord de l'Australie. Il hiverne dans les océans tropicaux.

Il existe des différences entre chaque espèce de fous. Nous vous décrivons ici ceux que nous avons côtoyés de près.

Description des fous bruns
Ils construisent des nids rudimentaires à même le sol et élèvent un ou deux oisillons par saison. Aux Testigos, nous avons pu observer des parents avec leur petit. Ils étaient à flanc de falaise et protégeaient leur petit en les serrant tout contre eux. Le bébé fou brun ressemble en tout point au bébé fou à pattes rouges. C'est une peluche cotonneuse blanche. En tant que juvénile, il est difficile de faire la différence entre un fou brun et un fou à pattes rouge.

Le juvénile est brun foncé, avec peu ou pas du tout de contraste entre la poitrine et l'abdomen. Ils n'acquièrent leur robe adulte qu'au bout de 5 mues annuelles.

L'adulte a le dos brun chocolat, le ventre blanc et les ailes ourlées de blanc. Il mesure 75 cm. Il paraît plus léger, plus fin qu'un fou de Bassan. Sa queue est plus longue aussi. Le fou brun à pieds bleus se trouve surtout sur la côte Pacifique de l'Amérique centrale et aux Galapagos. Les fous que nous rencontrons dans les Antilles ont les pieds jaunes. Les yeux clairs.

Les deux sexes se distinguent par les couleurs de la face, du bec et des pattes. Ces parties-là sont jaunes chez la femelle et vert grisâtre chez le mâle, qui a aussi la gorge bleuâtre. Lorsqu'il se manifeste, il cancane comme le canard... Ou plutôt, je dirais qu'il nasille... Oui, son cri ressemble à celui du canard qui aurait un rhume..

Description des fous à pattes rouges
Ils construisent un nid dans les palétuviers. Le nid ressemble à une platte forme de branchages qui accueille à la fois l'oisillon et l'adulte. La colonie s'étage dans toute la hauteur des palétuviers. Ils se répartissent entre un mètre au-dessus du niveau de la mer et la cime des arbres.

"La femelle dépose un seul oeuf couleur blanc cassé dans le nid. L'incubation dure entre 41 et 45 jours, assurée par les deux parents qui se relaient toutes les 24 heures. Ils couvent l'oeuf avec leurs pattes palmées. Le poussin naît dépourvu de duvet, et abandonnera le nid à un mois. Il est nourri par ses parents pendant une période allant d’un à quatre mois. Si la nourriture devient rare, ils abandonnent le poussin afin d'assurer leur propre survie. Si la nourriture est abondante, ils l'élèvent pendant une longue période."

Les bébés naissent gris terne et presque nus, ils sont minuscules.

Puis très vite ils s'étoffent et deviennent blancs, gardent un bec noir, leurs plumes duveteuses les font ressembler à une peluche adorable.

Pendant leur adolescence et jusqu'à l'âge de trois ans, ils sont bruns au bec noir et leurs pattes sont couleur crème, leur pupille est marron clair, ils n'atteindront leur maturité sexuelle qu'au bout de cette phase dite juvénile.

Les adultes ont deux robes totalement différentes selon la phase de mue dans laquelle ils se trouvent. Les jeunes adultes ont le dos brun, le coup est couleur café au lait, le dessous de queue est blanc, le bec bleu avec des fossettes roses et les pieds rouges. Les adultes accomplis sont tout blanc, ils ont le bout des ailes noir, le bec et les pattes sont identiques aux jeunes adultes précités, le dessus de la tête a une teinte légèrement crème (ils ont des airs de ressemblance avec les fous du cap).

Les deux sexes sont semblables, mais le mâle est plus long que la femelle et porte une tache verdâtre en face des yeux pendant le début de la période nuptiale.

Comportements
Le fou à pieds rouges est un oiseau marin qui plonge d'une bonne hauteur. Son plongeon est remarquable par sa soudaineté. Il part en piqué, la tête allongée vers sa proie. Il plonge depuis des hauteurs variables (entre 4 et 10 mètres) dans les bancs de poissons. Il peut aussi attraper des poissons volants en l'air et happer des proies à la surface. Le fou à pieds rouges ne porte jamais ses proies dans son bec. Il les avale toujours avant de s'envoler. Il emploie ses ailes pour nager plus profondément sous l'eau (entre 15 et 20 mètres) .

Menace
Le fou brun a quasiment disparu dans certaines zones de surpêche. Il est totalement absent aux Antilles françaises et dans la plupart des îles anglophones de l'Arc antillais. On le trouve dans les réserves type BVI et il est très présent au Venezuela. Dès les Testigos on retrouve ce charmant compagnon ailé dans les mouillages.

Le fou à pieds rouges n'est pas globalement menacé, parce qu'il est largement dispersé. Les plus grandes menaces qui pèsent sur cette espèce sont la déforestation qui détruit ses aires de nidification et l'industrie de la pêche qui réduit ses sources de nourriture. De plus, les humains capturent les fous et leurs oeufs et les vendent dans le monde entier.

Classification 
Les fous constituent le genre Sula de l'ordre des Pélécaniformes. Le fou à ventre blanc ou le fou brun a pour noms scientifiques Sula leucogaster . Le fou de Bassan se nomme Sula bassana.


Sources :
Encarta
Universalis
D'après Buffon : tome 8, page 359 : LES FOUS
Certains extraits sont tirés du site: http://www.oiseaux.net/oiseaux/pelecaniformes/fou.a.pieds.rouges.html

Un grand merci à André Fleury animateur du Réseau du Capitaine (14118 KHZ) pour m'avoir aidée à réunir toutes les informations nécessaires à l'élaboration de cet article.

Texte écrit par Nathalie Cathala et mis en page par Dominique Cathala en octobre 2007 - Tous droits réservés
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