Un bilan de deux ans

ou la tentation d’être honnêtes vis-à-vis de ceux qui rêvent de partir...

En ce mois d’août 2006, nous faisons notre bilan. Cela fait plus de deux ans que nous sommes partis sur l’eau et aujourd’hui, nous nous posons la question suivante... La réalité du voyage a-t-elle collé au rêve ? Ce bilan servira, nous l’espérons, à ceux qui larguerons un jour les amarres. Il a été conçu en fonction de toutes les questions qui nous ont été posées au travers de notre site Internet pendant ces deux années. Nous avons également tenu compte de l’avis de nos collègues marins partis, eux aussi depuis plusieurs années. Cet état des lieux a la simple et unique ambition de présenter un compte rendu honnête et d’élaguer le rêve de la réalité. Nous n’avons pas la prétention de présenter une panacée. Nous savons que l’expérience est un peigne pour le chauve et que votre sillage ne se calquera pas sur le nôtre. Mais nous avons pris l’angle de vue qui répondait également à cette question : " si nous avions su, avant, serions-nous partis en connaissance de cause ? "

Vous trouverez en premier lieu toute la phase de préparation, les pièges dans lesquels nous sommes tombés et que nous vous livrons afin que vous en tiriez les meilleurs conclusions pour vous-mêmes. Nous vous soumettons quelques petits conseils qui permettront de se lancer sereinement sur l’eau. Nous évoquons le coût de la vie sur l’eau, le bilan technique, mais également les choix de communication avec la terre (question récurrente de nos internautes). Nous vous renverrons également vers les articles qui détailleront les sujets évoqués dans ce bilan (cliquez sur les mots soulignés pour y parvenir). Ensuite, nous partageons notre expérience au fil des navigations. Nous évoquons les écueils marquants que nous faisons suivre de conseils qui permettront de s’en sortir ou de les éviter. Mais n’oublions pas les moments de bonheur, nombreux, ils nous autorisent à dire aujourd’hui : " cela vaut le coup " ! A condition de se préparer en connaissance de cause. En fin d’article vous trouverez des tableaux qui résument le voyage en chiffres sérieux ou loufoques, mais toujours réels !

 

 

 

Une préparation à la hauteur du rêve

Du rêve à la réalité : les lectures qui font rêver...

Nous avions fait comme tout le monde, avant de partir : nous nous étions abreuvés de récits de voyage. Nous guettions dans chaque ligne lue cet avenir idyllique que nous imaginions sur l’eau. Nous utilisions les livres comme une boule de cristal qui aurait répondu à nos questions. Heureusement, qu’elle est restée muette ! Aurions-nous largué les amarres si nous avions su que nous partions vers les tribulations de L’Etoile de Lune ?

A vrai dire en deux ans nous avons rencontré de nombreux équipages et force est d’admettre que pas un sillage est identique. Pourtant à discuter avec les amis du voyage, nous sommes tous obligés de constater que les livres ont inspiré bon nombre de vocations marines, mais ils ne nous ont pas ou mal préparés au voyage. Leur seul mérite : ils nous ont fait rêver. Le rêve est un passage obligé pour qu’un jour il y ait un départ. Mais au bout de deux ans de vie commune avec la mer, nous avons tous vécu des expériences et des difficultés si inattendues, que nous aurions préférés que les livres soient un peu moins prolixes en matière de rêve, un peu plus explicites en matière d’expériences... La phase initiatique qu’est le rêve, forge dans un premier temps le désir de larguer les amarres. Sans elle il n’y aura jamais l’étincelle du départ. Mais, dès que la décision de partir sur les océans est prise, il faut à tout prix fuir le pays des leurres et revenir à la réalité, celle qui vous attend au bout de l’étrave, celle que va nous faire vivre la mer, le vent et le bateau. Il est certain que la mer se montrera différente pour chacun de nous. Certains équipages n’ont en huit ans de navigation connu qu’un maximum à 45 nœuds de vent. Tandis qu’un ami parti un an avant nous, a failli perdre son bateau à Port Egmond dans 140 nœuds de vent lors du passage du cyclone Yvan. Certains bateaux ne poseront que peu de problèmes techniques (ils sont très rares !!! Si vous possédez cette perle ne la lâchez pas !) tandis que d’autres requièrent un soin constant, qui épuisera les finances et le courage de l’équipage. Entre ces deux cas extrêmes, toutes les modulations existent. Pour persévérer dans le voyage au fil de l’eau, il faut à tout prix accepter une certaine notion de dangers, d’incertitudes, d’imprévus et d’inconforts. On a trop tendance à se bercer d’illusions et à penser qu’il suffit de suivre l’autoroute des alizés et de vivre de pas grand-chose pour que le rêve soit à portée d’étrave. Il faut cesser de forger de vaines chimères et se concentrer sur la seule réalité. Sans quoi, la désillusion sera si cuisante, que l’abandon sera forcément sur la route.

Une bonne préparation et un capitaine multi casquettes

La conscience exacte des obstacles à venir est l’alliée de la réussite du voyage. Celui-ci se prépare financièrement, matériellement (préparation, entretien), moralement, physiquement, familialement. Le capitaine d’un bateau, n’est pas seulement celui qui en tient la barre. Il doit être conscient que tour à tour il prendra le rôle de navigateur, de décideur, de routeur et d’analyste météo, de mécanicien, d’électricien, d’informaticien, de peintre, de frigoriste, de plombier... parfois il se fera médecin, et même psy ! (La liste des métiers s’allonge chaque année). Peu à peu il acquerra au fil des pannes et des embûches, une connaissance telle de son bateau, qu’il sera capable de venir à bout de la plupart des avaries ( non sans bouillir...). Il faut savoir que dès que l’on quitte le cocon de son pays d’origine, où il suffit de pianoter un numéro de téléphone pour obtenir un réparateur es pannes, tout problème survenant au bateau ou à l’équipage ne trouvera qu’une solution personnelle. A l’étranger, on se heurtera aux barrières linguistiques, aux incompatibilités voire à l’inexistence de certains matériels. Le remplacement d’un simple tuyau peut devenir dramatique. Les pouces, les inches, les galons,... toutes ces mesures, qui paraissent pittoresques de loin, posent de réels problèmes, lorsqu’il s’agit de les confronter à nos centimètres, à nos litres, et à nos mètres. Un tuyau équivalant ne sera jamais exactement le même... Il ne rentrera pas, ou il fuira... Et c’est comme ça pour tout... Pour pallier aux spécificités des pays, inadaptables aux moindres caractéristiques de votre bateau, l’imagination, le bon sens et le système D viendront à la rescousse de tous les capitaines du monde. Bien sûr, plus le bateau est simple, moins on embarque de technologie, moins le bateau posera de problème. Cependant, certains outils facilitent grandement la vie et le confort du bord : GPS, pilote automatique, radar, cartographie électronique, météo par BLU, Iridium (téléphone, mails), réfrigérateur, congélateur...

Attention ! Minutieux, mais pas jusqu’à l’épuisement !

Attention, toutefois, à ne pas céder à la tentation de sur-préparer son bateau avant le départ ! Nous ne nous préparons tout de même pas à un voyage intergalactique ! Le bateau et l’équipage doivent quand ils se sentent prêts larguer les amarres, sous peine de se voir river au quai ad vitam. Une préparation ne sera jamais parfaite pour deux raisons essentielles. La première est que le voyage lui-même exigera des ajustements. A quai nous n’aurons jamais pensé à tout, seule l’expérience vous dictera ce qui est essentiel à la bonne marche du bateau. La seconde, est que les pannes sont inévitables, et qu’il faudra tôt ou tard mettre la main à la pâte.

Bilan technique de deux ans de navigation

L’Etoile de Lune est un bateau en aluminium (construction 1996) Lorsque nous l’achetons, il revient d’un tour du monde de quatre ans. Bien qu’équipé TDM, nous avons jugé certains travaux nécessaires : remise à neuf de la coque sous le niveau de flottaison par sablage et traitements pour la protection de la coque, révision moteur, vérification complète du gréement, iridium, dessalinisateur, mer-veille, parc de batteries, capote, bimini, tauds... En route, nous procédons à plusieurs ajustages. Nous ne pouvons subvenir à nos besoins énergétiques avec l’équipement de base, soit deux panneaux solaires de 125 watts et une vieille éolienne qui sert plus d’art déco TDM qu’à fabriquer de l’électricité! Nous ajoutons trois autres panneaux solaires de 75 watts. L’éolienne est changée pour une aérogène 6. Nous en sommes très satisfaits, totalement silencieuse, elle produit 7 Ampères à 15 nœuds de vent. Lors de la deuxième année de navigation le génois de 10 ans nous lâche. Nous faisons tailler un génois neuf en Martinique. Nous équipons également notre bateau d’un foc de route (30 m²) indispensable si l’on sillonne de haut en bas l’arc antillais. Contre toute attente, nous naviguons aux Antilles plus souvent vent debout qu’au portant. La motorisation de notre annexe (4chevaux) se révèle trop faible, nous investissons dans un moteur de 9,8 chevaux. Il est bon également de posséder une annexe de rechange. Nous avons perdu la nôtre à Graciosa, sans annexe, il faut rentrer en marina. Tout l’éclairage intérieur et extérieur a été remplacé par des Leds. Celles-ci consomment si peu que l’on peut s’éclairer sans crainte d’épuiser les réserves énergétiques du bateau.

Le carénage et la révision du moteur sont souvent les moments critiques où les problèmes sortent au grand jour. Pour l’aluminium, il faut anticiper tout problème d’électrolyse. C’est la raison pour laquelle, un détecteur de fuites électriques est indispensable. En ce qui concerne le traitement de la coque, il doit être particulièrement soigné et il ne faut pas lésiner sur les couches d’époxy qui protègeront la coque contre la circulation inévitable de courants électriques extérieurs. Bref, un bateau quel qu’il soit demande un soin de tous les instants. C’est un recommencement permanent. Pense-t-on être tranquille, avoir tout fait pour l’être, le moindre rouage du bateau vous rappellera que la vigilance et l’anticipation sont les maîtres mots du bon fonctionnement de votre compagnon de route !

Points forts du bateau

  • Coque en aluminium : elle résiste à tous les assauts, en cas de choc elle peut accuser le coup sous forme de bosses, mais avant d’y créer une voie d’eau, il y a de la marge.
  • Dériveur intégral : le fait de relever la quille complètement nous permet de passer dans un mètre d’eau voire de " beacher ". En cas de mer forte, nous relevons la dérive centrale et abaissons la dérive arrière ce qui empêche l’effet croche-patte.
  • Barre franche : nous la relevons au mouillage ce qui laisse la place à un vaste cockpit.
  • Coffres extérieurs : 2 soutes à l’arrière, 1 coffre à l’avant permet de loger tout le matériel nécessaire à la bonne marche du bateau : voiles, moteur HB, annexe, ancres, bouts, défenses, jerricans, régulateur d’allure... Grâce à ces rangements externes, nous n’utilisons jamais l’espace habitable pour les effets du bateau
  • Etanchéité : les hublots, le panneau de sortie sont étudiés de telle sorte que le bateau pourrait aussi bien naviguer à l’endroit qu’à l’envers... Ceci dit, nous ne préférons pas essayer...
  • Nous aimons le plan intérieur. Fait comme un loft, il ne comporte pas de porte, ni de cloisons (sauf pour les wc) . L’impression de volume est étonnante, la ventilation est assurée en permanence dans les moindres recoins. Nous aimons l’appeler notre loft – à – bascule...

Points faibles du bateau

  • Moteur de 50 chevaux pour un bateau de 16 tonnes... c’est peu, trop peu. Ceci dit, une cure d’amaigrissement résoudrait le problème... Mais c’est si difficile de ne garder que l’essentiel !
  • Un synonyme pour dériveur intégral serait " patinette intégrale ". Dans les ports lorsqu’il faut manœuvrer en marche arrière, l’Etoile est stupéfiante. Elle va où elle l’entend, faisant peur aux voisins.
  • L’alu est un matériaux qui demande d’être rigoureux et minutieux. Il faut sans cesse veiller aux éventuelles fuites électriques. Mieux vaut le protéger des courants extérieurs par d’épaisses couches d’époxy. Trois couches appliquées au rouleau et non au pistolet ne sont pas du luxe et vous garantiront une protection à toute épreuve.
  • L’étais largable est fastidieux à monter. Nous imaginons difficilement l’envoyer en pleine mer lors d’un coup de vent. Nous aurions préféré avoir une trinquette ou foc sur enrouleur, mais le plan de pont ne le permet pas.

Coût de la vie sur l’eau

Première erreur à ne pas commettre : partir les cales pleines de Métropole. A Ténériffe, vous trouverez les mêmes marques de centres commerciaux qu’en France et les prix sont plus intéressants. Aux Antilles, par contre, la vie est globalement plus chère qu’en France. Alors, on vous serinera l’éternel refrain :  " il suffit de manger local ! " Ha oui ? Et sur une île de sable et de cocotiers, vous allez vous transformer en crabes et ratisser pour trouver pitance ? Aux Tobagos Cays à Union, les fruits, dits locaux, sont à un prix exorbitant. Pour une salade, quelques bananes, une petite tomate, des mangues, la doudou vous demandera sans même sourciller 15/20 euros... Et encore, elle vous avait à la bonne ! Bon OK, la langouste est à un prix alléchant... Par contre, au Venezuela, les produits de consommation courante sont peu onéreux. Le prix du litre d’essence est à 97 bolivars, soit 4 centimes d’euros. La nourriture est moins chère également. Nous avons vécu à Medregal pendant un mois et n’avons dépensé que 300 euros (nourriture, restaurant, excursions... le bonheur !) Par contre, tous les produits d’importation sont surtaxés. Ainsi, il vaut mieux passer les frontières du pays avec tout le matériel dont vous avez besoin pour l’entretien de votre bateau ! En résumé, la plupart de nos collègues marins et nous-mêmes trouvons la vie sur l’eau plutôt plus chère que ce que les récits et les revues nautiques veulent faire croire. On a en tête l’image du mythe du bon sauvage, et la vie facile parce qu’en larguant les amarres, on pense inévitablement être en marge de la société de consommation. C’est vrai, mais pas au point où vous l’imaginez avant de partir. (Retrouvez dans cet article un tableau qui résume les prix de la vie quotidienne au fil des escales.)

Garder le contact avec la terre et suivi administratif...

Le suivi administratif, est un réel casse-tête. Un bon plan est de charger quelqu’un à terre de s’occuper du courrier et de lui donner les procurations nécessaires pour agir en votre nom. Cependant, il vous faudra parfois agir personnellement. Heureusement, beaucoup de choses se règlent par Internet : la banque, les impôts... Mais tout ne se règle pas encore grâce à ce merveilleux outil. Pour se faire livrer les livres du CNED, du matériel, des cartes bancaires, il faut revenir vers notre chère bonne vieille Poste. Dès les Canaries, nous apprenons tous, les avatars du fonctionnement de la poste internationale. De quoi rendre fou le plus zen des Grands Sages de la Planète ! Les colis prennent un temps monstrueux, parfois même, ils se perdent ! Encore, au 21ième siècle le courrier arriverait plus vite si vous le mettiez dans une bouteille munie de petites rames qu’en le confiant à la Poste ! Enfin, un petit conseil... Nous avons eu la mauvaise idée d’embarquer deux cartes de crédit tombant à échéance au même moment. Encore une erreur à ne pas commettre ! Mieux vaut étaler les fins de cartes sur une année. Cela permet d’échelonner les problèmes, et de garder un moyen de paiement valide.

Internet à bord : Iridium ou BLU ?

L’idéal est d’embarquer les deux, car ces deux systèmes sont complémentaires. Le coût de l’installation des deux systèmes est équivalent. Ceci dit... l’ " idéal " n’est pas toujours " idéalement " considéré par le porte-monnaie !

Caractéristiques d’Iridium :

Compte tenu du nombre de satellites, la couverture est mondiale. C’est un vrai téléphone ! En cas de problème il suffit de décrocher de composer un numéro ! Sécurité absolue donc. Au travers du réseau, on peut envoyer et réceptionner des mails. Son système de Sms est du tonnerre ! N’importe qui à terre, via Internet, peut envoyer un mini message. La réception et l’émission sont gratuites. Nous restons en contact permanent et en temps réel avec la famille, les amis, un médecin, un vétérinaire, la banque... Le problème d’iridium reste son coût d’utilisation (mail et téléphone).

Caractéristiques de la BLU :

Quasiment tous les bateaux de voyage en sont pourvus. Par vacations quotidiennes, les équipages restent en contact. L’envoi et la réception de mails sont peu onéreux. Autre avantage indéniable, on peut via un ordinateur connecté à la BLU recevoir les cartes météorologiques. En période cyclonique, c’est un outil incontournable. Par contre, le débit pour l’envoi et la réception de mails est lent, restreint en volume et la connexion aléatoire puisque dépendante de la qualité de propagation des ondes. Lorsque vous appelez à la BLU vous n’êtes pas certain d’y trouver un interlocuteur, les conversations ne sont pas confidentielles.

Petits conseils pêle-mêle d’avant départ

  • Il faut pouvoir se débrouiller en espagnol et en anglais. Savoir dire " bonjour ", " merci ", " por favor ", " hasta luego "... des petites choses qui vous permettrons de rentrer en contact avec la population locale. Sans être très éloquent, cela permet de franchir de nombreuses barrières.
  • Respecter la nature. Nous ne pêchons jamais plus que ce que nous pouvons manger. La mer n’est pas un immense super marcher où il suffit de se servir à l’envi. Nous respectons également la saison des langoustes ou toute autre restriction qui permet à la nature de se régénérer. Nous ne pêchons jamais les juvéniles. Nous faisons également attention à tout ce qui pourrait s’envoler, genre sac en plastiques ou tout objet qui polluerait. Il nous est arrivé de faire un détour pour récupérer des objets flottants (sacs en plastiques, bidons, bouteilles, ballons...)
  • Prenez le temps de vous arrêter. Palpez une ambiance, découvrez en profondeur plutôt que de courir toujours. Accordez le temps nécessaire à chaque escale. Vous n’aurez plus l’impression d’engranger simplement des photos vites faites, mais de réelles expériences.
  • Fuyez radio ponton ! Lorsque j’ai demandé à une amie de retour de son tour du monde quelle était la meilleure recette pour réussir ce voyage, elle m’a dit : " Ne lis pas, n’écoutes personne et vas là où tu te sens d’aller ! " Sans être aussi catégorique, je dirais simplement que souvent, le bouche à oreille réinvente la réalité. Lorsque vous avez un doute, une hésitation quant-à l’escale suivante ou n’importe quelle question sur votre voyage référez-vous aux données officielles. Internet, le Ministère des affaires étrangères, vous donnerons toujours les réponses que vous cherchez.

Bilan de navigation

Le début du voyage : mise en jambe musclée

Dans les Pilot Charts, les mois de juin/juillet (mois que nous avons choisis pour démarrer ce TDM) paraissaient idéaux, pour descendre vers Gibraltar et rejoindre l'Atlantique par un véritable "temps de jeune fille"!

En fait, nous passons Gibraltar par pétole et brouillard. Mais, dès la sortie de Tarifa, en quelques milles, le vent passe de 0 à 45 nœuds. La météo en annonçait 20 maxi ! C’est à cet endroit précis que le rail des cargos entrants et sortants se disloque. Chacun part vers sa destination : Afrique, Amériques, Méditerranée ou Europe. Les cargos pointent leur étrave en tout sens. Le Capitaine de notre Etoile surfe avec un bout de génois au milieu des masses d'acier insensibles à la météo et au minuscule point que nous sommes! Heureusement, il a minutieusement préparé la navigation, et nous passons le rail de jour. Plus loin, dans l’Atlantique, à la tombée de la nuit, l’affluence " cargotesque " se calme. Cependant, le vent reste établi. Pendant soixante-douze heures, l’anémomètre ne descend pas sous la barre des 49 nœuds. Le vent souffle trois quart arrière, tribord amure. La mer est parallèle à notre course. Au départ, nous nous relayons à la veille dehors. Nous nous attachons aux lignes de vie et portons nos gilets gonflables. Très vite, le Capitaine ordonne une veille intérieure, radar branché. Il relève la dérive centrale, et descend la dérive arrière. Chaque vague claque sur la coque et le bateau se prend pour le bourdon de Notre-Dame. Une seule fois, alors que la mer nous paraît relativement moins forte, nous ouvrons le capot de sortie. En quelques secondes, la descente se prend pour les chutes du Niagara. Nous refermons aussitôt ! Nous ne pointerons le nez dehors qu’à l’approche de Porto Santo.

Une bonne expérience.

Ce tour de chauffe nous a permis d’évaluer la résistance de notre bateau, de son matériel et de l’équipage. Un moment le Capitaine a été tenté de prendre la barre, pensant qu’il maintiendrait mieux le bateau dans son allure. En fait, notre Autohelm 7000 jouera son rôle sans faille pendant plus de 70 heures. Nous sommes heureux aussi d’avoir choisi un dériveur intégral. Le bateau a taillé sa route, dérive relevée ce qui permet d’éviter tout effet " croche-patte " et de surfer sur la vague comme une planche à voile. La dérive arrière limite un peu la dérive du bateau. Nous n’avons pas hésité à réduire la voilure, laissant ce qu’il faut de génois, et un ris dans la grand-voile. Ainsi toilé, le bateau est relativement confortable. Par contre, la trinquette, sur étais largable, est inutilisable dans ces conditions. Il faut qu’elle soit installée dès la sortie du port. Nous regrettons que le plan de pont ne permette pas d’avoir une trinquette à poste. Nous étions également heureux d’avoir équipé nos passe-avant de lignes de vie. La prise de ris en pied de mât se fait, bien qu’acrobatique, en toute sécurité. Dans le cockpit, le Capitaine a placé des mousquetons. Ils sont fixés à la coque. Nous nous y attachons dès que nous sortons du carré. Nous avons apprécié le port des gilets non gonflés (Certex) qui permettent une plus grande mobilité et font office de harnais également.

La vie de " tourdumondiste " commence donc sur des chapeaux de roue. Nous pensons avoir vécu le plus dur... Hé bien, non ! L’Atlantique semble nous concocter une sorte de passage initiatique.

Le 26 août 2004 restera gravé dans nos mémoires.

Nous sommes au mouillage dans la baie de Francesa à Graciosa. Petit à petit, au cours de ce mois d’août nous avons vu le mouillage se remplir et contenir plus de bateaux qu’il n’aurait dû. Il y a dix-sept bateaux à l’ancre ce soir là. Plusieurs fois, nous avons failli dire à notre voisin qu’il était un peu trop près et que... Mais, on n’ose pas et puis il est sympa ce gars...

Depuis trois jours, le temps est bizarrement calme. Le vent est nul et le ciel se pare d’un étrange voile rouge. Ce soir là, tout paraît inquiétant, une atmosphère lourde chargée de sable brûlant ne présage rien de bon. Tout à coup, à 1H30 du matin, le vent se lève, dévalant les pentes de la montagne d’en face en y puisant une accélération monstrueuse et s’abattant à 65 nœuds sur le mouillage. Lune, la chienne du bord nous avertit. Le voisin en acier muni de pare-choc en bois cloutés a dérapé et nous fonce dessus. Vous connaissez ? Ben-Hur ... Il prend d’assaut notre coque. Un furieux ! Peu maître de son voilier, il racle par trois fois notre coque tout du long. Il emporte nos feux de navigations. Il harponne nos panneaux solaires. Il tord nos balcons et s’en prend à la coque qui résiste ! Dominique ordonne de relever l’ancre, elle tient si bien que nous voilons sa verge en aluminium. La mer déferle, il y a soixante-cinq nœuds de vent. Nous fuyons et trouvons notre salut au large. Sur les bateaux restés au mouillage, deux voiliers en polyester ont eu leur étrave cisaillée par le bateau en acier qui a continué ses dégâts. Un ketch en ferrociment qui dérapait, lui aussi, a préféré couper son mouillage et prendre le large. Un voilier neuf a été projeté sur des rochers, il a coulé rapidement.

Idées préconçues

Avant d’arriver aux Canaries, nous pensions que cet archipel recelait d’autant de mouillages forains que les Antilles. En réalité les seuls vrais mouillages sont sur Graciosa, ou Fuerte Ventura. Par contre, si les alizés portugais dominés par un flux de Nord-Est sont fréquents, les vents peuvent souffler de n’importe quelle direction aussi. Chaque mouillage devenant, selon la direction du vent, aussi dangereux que celui de Francesa. Nous sommes dans une zone subtropicale, et non tropicale ! Elle se trouve donc à la lisière des deux climats, pouvant aussi bien subir un cyclone, qu’une bonne vieille tempête des zones tempérées.

Une bonne leçon !

Nous sommes conscients que la nature de la coque, nous a sauvé. Si elle garde des petites traces à l’issue de cette bataille, nous n’avons pas eu de voie d’eau à la suite des chocs infligés par notre voisin. Par contre, pour éviter le pire, nous aurions dû dire à notre voisin, lorsqu’il s’est installé, où était notre ancre. Désormais, nous sommes vigilants et respectons les zones d’évitage de chacun. Le Capitaine a tendance à dire : " En mer, il faut se préparer au pire ! " Ce soir là, le plus grand laxisme régnait à bord ! Notre bateau n’était pas " navigable ", les effets à l’intérieur n’étaient pas arrimés, les palmes traînaient sur la jupe arrière, et l’annexe n’était pas relevée. Dans notre fuite au large, l’annexe s’est prise pour un tapis volant, puis elle a enfourné. Les attaches ont cédé, nous l’avons perdue. A l’intérieur du bateau, livres, bouteilles d’eau, casseroles, vaisselles, se sont retrouvés dans le fond du carré. Tous ces objets libérés par les mouvements violents du bateau tirent à boulet rouge sur celui qui descend dans le carré. Désormais, le soir en mouillage forain, nous relevons l’annexe, nous rangeons le pont et le bateau... Espérant que plus jamais nous n’ayons à fuir dans ces conditions.

Que du bonheur

A ce stade du récit, je tiens à vous rassurer. Nous avons connu des navigations idylliques... Comme celle qui nous amena de Tenerife au Banc d’Arguin. Nous étions poussés par 25 nœuds de vent sur un tapis roulant. Nous avons parcouru 175 milles en 24 heures, puis 300 milles en 48 heures. Que voulez-vous ? Les moments exceptionnels marquent la vie de marin... Naviguer au quotidien, c’est rêver sa vie en reliefs et en couleurs. Le relief empêche l’habitude et la lassitude... deux mots qui n’existent plus pour le marin. Les couleurs ont banni le gris, le noir... le fade. Seules les teintes éclatantes demeurent. Chaque jour, est un festival qui illumine l’existence! La mer n’est pas qu’une tache de couleur bleue uniforme. Elle use de sa palette avec virtuosité, c’est une œuvre magistrale, éphémère et sans cesse régénérée qui s’offre sans compter à qui sait l’observer et la respecter. C’est une aventure qui chaque jour se finit en apothéose crépusculaire ! N’est-ce pas ça la vraie vie ? Vous me direz : " on finit par s’en fatiguer ! " ... " Jamais ! Impossible ! " Chaque coucher de soleil apporte sa magie, sa différence. C’est un moment privilégier à bord. De plus, imaginez-vous la vue? Les pieds dans l’eau, sur notre " plage privée " à l’arrière du bateau, le regard court jusqu’à l’horizon!

Mais attendez, il y a mieux encore... beaucoup mieux ! A chaque nouvelle terre approchée, nous pénétrons dans un nouveau monde. Monde d’une tranquillité désertique à Porto Santo. Montagne fleurie en perpétuelle effervescence à Madère. Univers de cailloux et de sable posé sur l'outremer océanique à Graciosa. Volcans aux couleurs ensorcelantes et dépaysantes à Lanzarote. Majesté du Teide à Tenerife. Désert de sable sur la mer au Banc d’Arguin. Après l’émerveillement dans lequel nous laisse les escales des îles de l’Est de l’Atlantique s’ouvre devant nous, un espace... une dimension si vaste... quelque chose qui nous échappe. 

Une traversée... un pied magistral

Nous nous retrouvons dans la peau du nageur débutant qui lâche les bords de la piscine pour la première fois. Seuls, nous nous lançons sur l’Océan... Tous nos rêves, tous nos idéaux s’écroulent... Ceux-ci étaient sous-dimensionnés ! L’Océan s’impose plus immense que tout! Certains dirons : " mais que faire de 360 degrés d’horizon ? " Tout et rien... C’est un gigantesque espace inégalable sur cette Planète. C’est LE domaine de la liberté. Il est incommensurable. Nous vivons l’autonomie, sur le chemin de tous les possibles. Plus aucune question, plus aucun doute ne nous assaille. Plus rien ne nous atteint, nous sommes intouchables du monde des Humains. Nous vivons un mythe, une solitude à deux au milieu des éléments. Nous apprenons le respect, l’humilité, nous, infimes gouttes d’eau qui avons choisi d’aller vers l’Ouest. L’Océan décidera si nous pouvons atteindre notre but ! Nous sommes seuls, en face de lui. Plus rien ne peut nous faire revenir... Nous nous imaginions le monde du silence... et ... Non ! Pas du tout, c’est le monde des bruits et chaque jour nous les apprivoisons. Mille et un bruits... notre compagnon des mers vit ! Du chuintement de l’eau sur la coque, aux cliquetis de la poulie de la balancine sur la bôme, aux crissements des poulies du régulateur d’allure... baptisé ET (avec sa pale aérienne qui semble appeler sa constellation)... Tout le bateau parle et au rythme de la traversée nous faisons corps avec lui. Il nous emmène dans son monde. Au rythme où nous intégrons cette nouvelle réalité, nous repoussons nos limites... Chaque bruit devient si familier, que lorsqu’un nouveau son apparaît, nous dressons l’oreille : " qu’est-ce donc ? " Le sifflement d’une bande de dauphins qui jouent avec l’étrave ! Sincèrement, avant de partir j’étais persuadée que le chant des dauphins était un leurre... Une métaphore de marins, que seuls des appareils sophistiqués permettaient d’entendre en " direct live ". En fait, sur la coque en alu, leurs sons rebondissent et même si nous dormons dans le fond du bateau, ils nous réveillent et nous appellent. Ils détestent être ignorés. Par contre, si nous allons à l’étrave et si nous saluons leurs cabrioles, ils flirtent de longs moments avec la figure de proue. C’est incroyable, l’Océan est hyper fréquenté ! On y rencontre peu de cargos ou de voiliers, certes. Mais, les dauphins, les cétacés, les oiseaux, tels que les puffins ont accompagné notre route quasi de bout en bout. Nous avons même eu l’insigne honneur d’être suivis pendant plus de 48 heures par un espadon voilier ! Il dévoilait ses teintes bleues fluo tout en suivant la pale immergée du régulateur d’allure... A croire qu’il en était tombé amoureux... Comment pêcher devant tant de merveilles ? Nous avons rentré la ligne... de peur de nuire à ce petit monde qui nous tenait compagnie. Une traversée océanique est une expérience qui change à jamais le marin. Les nuits de veille, si elles sont rendues pénibles par le manque de sommeil restent magiques par tout ce qu’elles apportent. Seule à la barre, pendant que mon capitaine dort, je veille à la bonne marche du bateau... sur nos vies en quelque sorte. C’est grisant ! La perception des choses change à mesure que le soleil disparaît derrière l’horizon. Les constellations d’étoiles se réveillent une à une et ricochent sur les vagues. Autour du bateau, l’écume étincelle sous l’impulsion de " lucioles " d’eau. L’œil s’accoutume à l’obscurité et scrute le fin fond de l’horizon. Les sens sont à l’affût de tout ce qui peut raviver la veille. C’est ainsi qu’au milieu de l’Atlantique, nous avons assisté à un spectacle fascinant. Nous avons navigué sous une pluie d’étoiles filantes. Au début, je faisais un vœu, comme il est d’usage. Puis, pour la famille, et les amis...Mais, je ne parvenais plus à suivre. Je pense que j’aurais eu un stock de souhaits pour l’humanité entière. En plus d’étoiles filantes, j’ai vu une grosse boule de feu, tomber du ciel... C’était si lumineux que le temps qu’elle dévale du ciel vers la mer, elle a embrasé le ciel et la mer, tel un éclair ! Puis, plus rien... Mon Capitaine qui dormait à ce moment là, s’est moqué de moi lorsque je lui ai raconté le fruit de mes observations. Il me chambrait : " et alors, ces petits hommes verts... ils sont venus sur le dos des dauphins ? " Mais à l’arrivée, des recherches sur Internet, et les réponses d’un ami internaute nous donnèrent la réponse à nos questions : les météores que nous avons croisées étaient des Géminides !!! Magique, non ?

Comment vous dire ? Nous avons effectué une si belle traversée de l’Atlantique que nous la recommencerions chaque année.

Terre en vue...

A l’arrivée j’étais tant imprégnée de cette expérience autarcique que j’ai hésité, pendant 3 jours avant de descendre à terre. Pourtant... La Martinique était le but premier de ce voyage... Petit à petit, l’île, les doudous, ses parfums, ses couleurs ont su me réconcilier avec la terre. Par la suite, pendant plusieurs mois, nous n’avons rien vu, rien connu d’autre que le bonheur d’être sur l’eau. D’île en île, nous découvrons un climat où il ne fait jamais froid, les cocotiers, les plages et les lagons. Des couleurs, encore elles... hallucinantes ! Comment décrire les teintes de l’eau à l’aplomb des falaises des îles imprégnées d’Alizés? L’éventail de nuances ne sera jamais égalé par le plus grand peintre de cette planète ! Du turquoise psychédélique, à l’émeraude scintillant, au bleu profond virant à l’outre-mer, l’horizon s’étire jusqu’à l’indigo marbré. Mais il n’y a pas que du bleu... Et les verts ? L’emblème du royaume de la forêt tropicale. Voici encore un espace fascinant qui attise une inspiration particulière. Au rythme des escales, nous nous enfonçons, chaussures de randonnée aux pieds, dans l'empire de la végétation. C'est un monde profond, presque sans lumière, où les mystères sont là, à côté de nous ! Les sommets des îles volcanique ondulent de morne en morne telles les vagues qui se succèdent jusqu'à l'horizon. Nous choisissons des chemins désaffectés, nous découvrons des chutes oubliées, telles les chutes Moreau en Guadeloupe. Des cascades partent du ciel, plongent dans des bassins, rebondissent et repartent le long de la roche noire tapissée de fougères arborescentes. Chaque île recèle des trésors qui ne se révèlent qu’à ceux qui leur laissent le temps de se dévoiler.

Inoubliables rencontres

Ce voyage offre... Du relief... De la couleur, tout cela est sublimé par les rencontres ! Aux escales, la population locale a besoin de s’habituer à ces nouveaux venus de la mer. Ils sont d’abord méfiants, c’est normal, ils savent que nous ne sommes que des oiseaux de passage. Pourquoi s’attacher à ceux dont le départ est inévitable ? La plupart du temps, nous rencontrons des ambiances villageoises un peu repliées sur elle-mêmes. Tout le monde se connaît et un étranger, même si les habitants semblent y être indifférents, se remarque rapidement. Jour après jour, ils nous voient déambuler dans les rues, partir à l’assaut des chemins dans la campagne ou dans la forêt. Un grand sourire et le bonjour prompt à être décoché sont les deux passeports qui ouvrent toutes les portes du voyage. Ils s’habituent à notre présence. Ils nous regardent l’œil pétillant de malice, partir tout harnachés pour la randonnée... Un petit mot par-ci par-là au marcher de la semaine... Petit à petit, nous nous fondons dans le décor. Et c’est à ce moment précis, qu’une doudou nous invite à philosopher sur le pas de sa porte en attendant la fraîcheur de la nuit. Plus loin, un pêcheur nous raconte sa vie. Il nous offrira des mangues fraîches de son jardin, le lendemain. Certains nous racontent leur île, les changements de ces dernières années, leurs souvenirs, leur vie... d’autres préfèrent savoir d’où nous venons. Chaque fois que nous disons que nous avons traversé l’Atlantique par nos propres moyens pour découvrir leur île, leur regard crépite de fierté.

Amis marins

Et puis, il y a les amitiés marines... au rythme des affinités, nous croisons d’autres équipages. L’amitié est le fil conducteur de retrouvailles et de réjouissances. Les liens se forgent plus vite sur l’eau que sur Terre. Le dénominateur commun est le bateau, certes. Mais rapidement, nous savons si l’amitié est au bout du premier contact. La mer apprend la franchise, le sens du raccourci, une vie relationnelle plus facile, car lavée des faux-semblants. Les amitiés qui se forgent au fil de l’eau sont aussi fulgurantes qu’indélébiles !

Un archipel navigable : l’idéal...

C’est une banalité que d’affirmer que l’Arc Antillais est sans doute l’un des plus beaux spots de navigation du monde. Nous naviguons à vue, d’île en île. On peut pendant des années naviguer en s’arrêtant chaque soir à un endroit différent. C’est vrai, la navigation aux Antilles n’est pas fastidieuse. Il faut cependant accepter que les alizés affichent plus souvent 20/25 nœuds que 15, et ils ont la fichue manie de se présenter face à l’étrave ! Chaque navigation d’île en île ressemble plus à un rodéo sur une monture cabrée qu’à un voyage tranquille dans les canaux du Midi. Ceci dit, avec un bon foc de route, on se régale à déjouer les vents et les courants dans les canaux inter-îles.

Les sens grisés d’éclats d’écume, de rencontres autochtones et marines, nous entamons au mois de Juin 2005 notre première saison cyclonique. Nous sommes dubitatifs. Nous abordons cette saison avec une question qui trotte à bord : Pirates ou cyclones ? Le sort nous entraînera vers les deux...

Dans l’œil d’Emily

Nous sommes partis avec une chienne, Lune, notre fidèle berger allemand. Elle tombe malade début juillet, alors que nous sommes dans les Grenadines. Elle a 13 ans et demi, nous tentons de la sauver. Nous remontons sur Saint Vincent, où nous trouvons un vétérinaire. Lune se remet lentement, et ne peut naviguer. Pendant sa convalescence, nous surveillons la tempête tropicale Cindy qui arrose copieusement la Géorgie. Puis, le futur Dennis passe en tant qu’onde tropicale active au-dessus de nos têtes à Bequia le 3 juillet. Il se renforce et passe en cyclone de catégorie 4 dans le Nord-ouest de la mer des Caraïbes. Pendant ce temps, une onde tropicale et un " petit minimum de basse pression " se forme sur l’Atlantique. Nous la surveillons. Nous avançons vers le Sud de l’arc Antillais au rythme de la convalescence de Lune. L’onde tropicale continue sa course dans l’Atlantique, le 10 juillet elle passe dépression tropicale n°5 (DT5). Elle est prévue sur la Guadeloupe le 14 juillet. Le 12 Juillet, naissance de la tempête tropicale Emily issue de la DT5, toujours prévue pour la Guadeloupe. Mais au fil des heures, les prévisions l’annoncent de plus en plus Sud. Nous partons sur Grenade, à Port Egmond. Nous sommes seuls dans le meilleur abri anti-cyclonique de la zone. Nous installons l’Etoile de Lune : nous préférons mouiller à l’ancre au milieu de la mangrove, trois ancres de 25 kilos sur une chaîne de 90 mètres. Nous dégréons. Tout ce qui est susceptible de s’envoler est démonté et rangé à l’intérieur. Nous gardons cependant l’annexe gonflée sur le portique. L’Etoile se présente " flush-deck " lorsque les premiers bateaux arrivent. Nous serons 40 bateaux dans le trou à cyclone au soir du 13 juillet. A 18 heures, la tempête tropicale, Emily est prévue pour la nuit sur les Grenadines. A 1H30, le baromètre, descendu de 1013 à 989 hectopascals en moins de six heures, annonce la couleur : Emily passe sur nous, et se renforce au-dessus de nos têtes. Notre position : 12°N 61°43W. Position de l’œil du cyclone Emily 12°N 61°50W. Nous subissons des vents de 90 nœuds établis avec des rafales mesurées à 110 nœuds. A 10 heures du matin, tout est fini. Emily continue sa route dans la mer des Caraïbes, elle a déjà atteint le stade d’ouragan de catégorie 3...

Les leçons d’Emily

Le risque zéro en période cyclonique existe-t-il ? Il suffirait peut-être d’être au mois de juin aux Testigos, au mois de juillet, il faudrait impérativement se trouver en-dessous du 10°N. Autant dire qu’il vaut mieux se munir de bonnes chaussures et d’une tente de camping pour partir à la découverte du continent sud-américain ! Sans arriver à des solutions aussi extrêmes, il est possible de continuer à naviguer. Il suffit de respecter une règle absolue : dès qu’un phénomène est numéroté et à fortiori nommé, il faut déserter l’arc antillais et rallier les mangroves du Venezuela : Mochima, Laguna Grande, sont les meilleurs abris. Il est possible aussi de fuir sur Trinidad. La navigation retour vers les Antilles est plus facile, que celle qui mène du Venezuela à Grenade. Cependant, il semble que rien n’empêche qu’un cyclone y passe. Bien que rares, les phénomènes ont existé.  Un cyclone y est passé en 1892. Tandis que plusieurs dépressions et tempêtes tropicales ont flirté avec Trinidad : 1933, 1974, 2002... En 2005, lors du passage d’Emily les vétérans, sont partis sur Trinidad, dès l’annonce de la formation de la DT5. Lorsque le danger s’est éloigné, ils sont remontés vers les Grenadines et ils ont vécu 6 mois de bonheur total !

Nous ferons tout pour éviter les cyclones à l’avenir. Cependant, nous ne regrettons pas d’avoir vécu une expérience qui forge l’équipage et qui donne des repères en matière de résistance du matériel et des capacités de chacun. Avant de l’avoir vécu, on ne peut pas s’imaginer les forces en présence. Laisser l’annexe gonflée par exemple, était un non-sens. Même en cas de problème à bord, il était impossible de fuir en annexe pendant le passage du cyclone ! Au-delà de 90 nœuds de vent, on ne gère plus grand-chose, une bonne préparation du bateau avant et la chance pendant le phénomène sont les seuls recours. Cependant, si nous devions revivre une telle situation, nous ne resterions pas au milieu du plan d’eau accrochés à une seule ligne. Nous logerions dans la mangrove relevant la dérive et s’y enfonçant au maximum, tissant une véritable toile d’araignée qui ficellera le bateau. Pendant le cyclone nous avions relevé la dérive. Un quillard était exactement au même endroit lors du passage d’Ivan en 2004. Certaines rafales à plus de 140 nœuds l’ont couché complètement. Grâce à sa dérive relevée et aux forces de vent qui n’étaient pas comparables, l’Etoile de Lune a simplement glissé sur l’eau monopolisant une large zone d’évitage.

Incomparable Venezuela


Trois jours après le passage d’Emily sur Grenade la mer est étonnamment calme, parfaite pour une navigation, de presque 90 milles, qui nous emmène aux Testigos. Nous avons le trac en abordant Los Testigos. Une nouvelle aventure commence. Depuis de nombreux mois, la flotte entière des plaisanciers qui vagabonde dans la mer des Caraïbes a été contaminée par une réelle psychose qui se résume dans l’alternative suivante : pirates ou cyclones ???? Autant choisir entre la guillotine et le peloton d’exécution ! Tout le monde y va de sa petite histoire! Le Venezuela est décrit par Radio Ponton comme un horrible coupe-gorge sillonné de " pirates armés " dont il est rare de sortir intact.

Nous venons de subir Emily et nous aspirons à un peu de calme... Les Testigos sont parfaits pour y retrouver sa sérénité. L’archipel semble presque oublié du Monde. La vie de marin ne s’y conçoit qu’en autarcie totale, car il n’y a rien, mis à part le poisson dont il vaut mieux laisser la pêche aux locaux. Nous continuons notre route vers le Sud.

A l’approche du continent, nous sommes hypnotisés par des paysages immenses, où la main de l’homme n’a rien dégradé. Nous partons à la découverte de Mochima, des îles Caracas et des trésors du golfe de Cariaco : Laguna Grande, Medregal... Pendant deux mois et demi, nous avons navigué en permanence avec une troupe de dauphins autour de l’étrave. Les pélicans, les fous, les cormorans, les hirondelles se comptent par milliers. Un jour, à Medregal, des orques sont venus tournés autour des bateaux au mouillage. Les paysages du Venezuela rassemblent les amoureux de la mer et de la montagne. Notre curiosité s’abreuve chaque jour. Malheureusement cette croisière est endeuillée par la perte de notre chienne. Nous trouvons un vrai réconfort auprès de l’équipe de Medregal qui a établi au bord de l’eau un charmant petit hôtel.

Freinés dans notre élan...

Mi-septembre, nous partons rejoindre, à Margarita, un bateau ami avec lequel nous comptons découvrir les îles réputées magnifiques de Tortuga, Blanquilla ... Nous arrivons au soir du 23 septembre à Robledal dans le Sud-Ouest de Margarita. Nous étions loin d’imaginer que les événements de cette nuit là allaient défrayer la chronique. A 2h36 du matin, quatre hommes armés de machettes montent à bord de l’Etoile de Lune par l’avant. Réveillés par le bruit qu’ils font sur la chaîne d’ancre, nous réagissons immédiatement, faisant le plus de bruit possible, avec la cloche, en criant et en tentant d’ameuter les deux voiliers qui sont autour de nous. Dominique continue de crier pour les tenir à l’écart, mais rien ne semble les décourager, ils nous menacent toujours en disant : " Money ". La seule chose qui les décourage enfin, c’est lorsque le capitaine s’empare du pistolet lance-fusées. L’un d’entre eux, plonge immédiatement à l’eau, puis les trois autres fuient par l’avant. (Cet événement vous a été raconté dans le voiles et voiliers numéro 418 de décembre 2005)

Les leçons

C’est une opinion tout à fait personnelle, mais j’avoue préférer me retrouver face aux éléments que face aux " pirates ". La météo, les cyclones, sont des ennemis visibles. Ils sont parfois difficiles à éviter, mais ils s’annoncent. Les pirates sont des ennemis invisibles. Ils peuvent surgir à tout moment et n’importe où. Tant qu’on ne les a pas eu à bord, on peut toujours imaginer la parade idéale (chacun y va de sa petite théorie !) Tout le monde a écrit ou relaté, souvent de façon déformée, l’expérience des autres. Lorsqu’ils sont là, face à vous, tout dépend du facteur chance. Cette nuit là, nous en avons eu beaucoup ! Les agresseurs étaient sans doute inexpérimentés, de plus ils n’étaient munis que de machettes. S’ils avaient eu des armes à feu, comme ce fut le cas pour d’autres équipages cette même année, nous n’aurions pas eu l’occasion de réagir... Le hasard a bien fait les choses, mais sommes-nous sur l’eau pour jouer notre vie à la loterie ? Il ne faut pourtant pas devenir paranoïaque. De nombreux équipages vivent là-bas sans encombre. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que cette zone de navigation requiert des attitudes nautiques qui permettent de s’adapter à la situation ambiante. Certains équipages se cantonnent, avec bonheur, dans les archipels réputés " sécurisés " : Roques, Aves, Testigos... D’autres vivent à l’année autour de Medregal. Ces endroits restent agréables et hors des circuits de la " piraterie ". Les équipages qui ne naviguent pas seuls, qui mouillent proches les uns des autres (voire à couple !), sont susceptibles d’avoir moins de problèmes qu’un bateau isolé. Il est préférable de fermer son bateau pendant la nuit, et de garder un contact VHF permanent avec ses compagnons de route. De toute manière il faut relever l’annexe chaque soir et la cadenasser. (Annexe à l’eau = annexe cadeau !) A terre, il ne faut jamais se balader dans les rues avec des objets trahissant votre condition de touriste : appareil photos, caméras, argent, bijoux.

Freinés mais pas arrêtés !...

Depuis le Venezuela, nous nous promenons dans l’arc antillais, complétant notre collection de belles images, de jolies expériences, de rencontres mémorables. Les Grenadines, resplendissantes aux eaux paradisiaques. La Dominique, profonde, mystérieuse incroyablement sauvage. L’archipel de la Guadeloupe : Marie-Galante, hors du temps, les Saintes si courtisées, et le papillon... inimitable ! Antigua, soooo British! Le centenaire du carnaval de Fort-de-France est un souvenir impérissable ! Sa philosophie à la fois joyeuse et sarcastique se joue de tout ce que la vie nous réserve : bonheurs et tristesses, déceptions et félicité, injustices et espoirs, luxuriance et fatalité, vie et mort de Vaval. Le carnaval est un pied de nez au quotidien qui nous réserve le pire et dont on ne veut garder que le meilleur. Chaque jour notre Etoile nous entraîne dans un monde de chaleur, de couleurs, de lumières et de reliefs. Aujourd’hui, les Antilles sont à la portée de tous. C’est vrai, les charters sillonnent de long en large l’archipel, pourtant, nous trouvons toujours des petits coins tranquilles en dehors des sentiers battus. Nous savourons la douceur de vivre dans cet archipel qui n’a que du bonheur à offrir.

Cela fait deux saisons que nous chevauchons la mer des Caraïbes côté Petites Antilles, et pourtant, nous n’avons pas encore écumé tous les mouillages. Il nous reste encore de nombreux chemins de randonnées à parcourir. Ces îles, ces chères îles sont dignes de la curiosité des voyageurs. Nous avons choisi d’être nomades des mers mais nous prenons le temps de nous arrêter, nous nous offrons la possibilité de découvrir une ambiance, des détails, des petites choses qui au bout du compte font beaucoup plus qu’une somme de cartes postales empilées. Nous trouvons outre-atlantique, le bien-être que nous étions venu chercher, cultivant chaque jour, ce que les philosophes nomment, la " capacité d’étonnement ". Nous gardons à portée d’objectif une curiosité intacte. Nous nous octroyons le droit de papillonner d’île en île, de rêvasser et d’approfondir notre connaissance des petits coins sympas jusqu’à tutoyer le moindre caillou...


Conclusion

Une dernière question... Le bateau idéal ?

Quel bateau pour partir ? Sincèrement, lorsque nous avons acheté notre bateau, il était pour nous la panacée du voyage autour du monde. Au bout de deux ans, nous aimons notre bateau, c’est notre compagnon de voyage, irremplaçable. Ceci dit, à force de rencontrer des équipages et des bateaux de tout poil, de toute matière et de toute conception, il faut admettre qu’il n’existe pas un bateau idéal, mais des bateaux qui accompagnent leur équipage. C’est avant tout un coup de cœur pour un compagnon qui vous escorte dans votre voyage. Qu’il vous accompagne jusqu’au bout ou que vous " divorciez " en route, ce n’est pas ça l’important. Vous vivez avec lui une histoire. Puis-je vous faire une confidence ? A mon sens, il n’y a pas de mauvais bateaux... Il suffit simplement que le capitaine sache le mener, vous sortir de tout, écouter son équipage et son bateau. Un capitaine qui connaît son bateau, fait corps avec lui. Il sait anticiper ses faiblesses et adapter la navigation aux possibilités techniques et physiques du matériel et de l’équipage. Il sait prendre les bonnes décisions au bon moment...

Ca vaut le coup !

Larguer les amarres c’est consentir à vivre en parfaite harmonie avec son compagnon de voyage. Tant que le plaisir est au bout de l’étrave, tant que la magie est au rendez-vous, vous avancerez. Car les détails de la vie sur l’eau, le quotidien parfois fastidieux, les doutes s’effacent devant les moments de grâce. Le bateau est votre " chez-vous " entouré de la plus belle piscine du monde. Et même si ce temple des pénates ressemble plus souvent à un loft à bascule qu’à une villa les pieds dans l’eau, n’oubliez jamais que vous réalisez un voyage avec le plus extraordinaire véhicule de liberté. De mouillages rouleurs en coups de vent, de pannes en obstacles divers, l’échelle des valeurs s’ajuste. Vous vous surprenez à ne plus vous affecter des aléas. Vous repoussez petit à petit vos limites et vous trouvez ce pourquoi vous êtes partis.


Bilan chiffré

Caractéristiques du bateau

Passoa 43 :
Longueur :13,74 mètres
Largeur : 4,2 mètres
Moteur : 50 Chevaux Volvo MD22
Tirant d'eau dérive haute: 1,05 m
Tirant d'eau dérive basse: 2,60 m
1 foc sur étais largable de 30 m²
GV Victor Tonnerre 43m2: Full Batten 3 ris + taud
Génois sur enrouleur Profurl: 56m2
Trinquette 18m² et Tourmentin Tonnerre
Spi asymétrique 140m2 + chaussette
Capacité en eau : 900 litres
Capacité gasoil : 850 litres (réservoir de charge 50 litres)
Batteries de servitude : 600AH
Batterie guindeau et moteur : 100AH
2 bouteilles de gaz de 13 kilos

2 pilotes : Autohelm 7000 et Autohelm 2000
Régulateur d’allure : windpilote
Eolienne : aérogène 6
5 panneaux solaires d’une capacité totale de 475 watts
90 mètres de chaîne de 10 - 1 ancre brake de 24 kilos (+ 2 ancres de 25Kg – CQR et FOB)

Consommations/production eau-électricité

30 litres d’eau par jour à deux
Dessalator 60 litres heures, consommation 35 ampères
Consommation électrique par jour au mouillage = 150 Ampères dont 100 Ampères par jour pour le frigo et le congélateur
Consommation électrique par jour en navigation = 200 Ampères en 24 heures (frigo+pilote+instruments)
30 Ampères heure : charge de l’éolienne et des panneaux solaires par temps ensoleillé et 15nœuds de vent...
Une bouteille de gaz tous les 6 à 8 mois (nous ne faisons pas notre pain, ni de gâteau)

Le coût de la vie quotidienne varie selon les régions

Ca n'a pas de prix...2500 euros d’assurance par an (tout risque y compris zones cycloniques)
10 000 euros préparation avant départ Port Camargue (sablage, carénage, ajout de matériel...)
3000 euros escale technique par an Antilles (carénage, révisions, ajout matériel...)
300 euros budget mensuel au Venezuela (vie quotidienne = nourriture, vêtements, loisirs)
18 euros par jour location de voiture aux Canaries
47 euros par jour de location de voiture en Martinique
1,5 euros l’heure de connexion Internet au Venezuela
15 euros l’heure de connexion Internet à Antigua
4 euros la carte de téléphone au Venezuela pour 4 heures de conversation avec la France
15 euros la carte de téléphone aux Antilles pour 2 heures et demi de conversation avec la France
3 langoustes pour 12 repas à Union pour 100 biwis (30 euros, soit 2 euros le repas à la langouste !!!)
6 euros le kilo de tomate à Union
2 euros le repas dans un restaurant local du Venezuela
5 centimes d’euros le litre de gasoil au Venezuela
1 euro le litre de gasoil aux Antilles
25 centimes du pied par jour pour le stockage du bateau à terre à Saint Martin
400 euros forfait sortie de l’eau pour un 43 pieds à Porto Santo
500 euros forfait sortie de l’eau pour un 43 pieds à Saint Martin
188 euros forfait sortie de l’eau pour un 43 pieds à Medregal (Venezuela)

Le voyage en chiffre

898 jours de voyage
8708 milles parcourus (dont 1473 en Méditerranée)
775 heures de moteur
100 heures de dessal
1950 litres de gasoil
2500 heures de navigation
9 jours 20 heures première navigation Port Camargue-Porto Santo
21 jours de traversée (Mauritanie-Martinique)
620 jours de mouillage forain
120 jours en marina
4 jours de tempête (vent supérieur à 45 nœuds)
1 cyclone (10 heures de vent soutenu à 90 nœuds, 110 en rafales)
175 milles parcourus en 24 heures
300 milles en 48 heures
Vitesse maximum constatée sur gps dans un surf : 10 noeuds
10 jours de pétole
4 pirates sur le pont
86 mouillages forains
31 îles visitées
11 pays
3 continents
1 océan

Les chiffres loufoques

18 copains dans le cockpit le même soir pour un apéro mémorable
4 paires de chaussures de randonnées à jeter
1 paire perdue dans un rapide de Guadeloupe
1 annexe-tapis volant s’envole au large de Lanzarote
1 gallon de sueur pour le capitaine-chef-mécano-ingénieur électronique spécialiste es-réparations
5 orques autour du bateau à Medregal
2 cachalots amoureux au large de Saint-Raphaël
1 baleineau accompagné de sa mère à 5 mètres de la coque sur les plateaux de Saint Barth
1 poisson volant sauvé d’une mort certaine
1 plongeon gigantesque d’une baleine au large de Bequia
32 dauphins en même temps autour du bateau dans le Golfe de Cariaco (Venezuela)
21 cadeaux laissés par les pélicans sur le pont
1 début de nid d’hirondelle dans la grand voile à Medregal
1 tourterelle pendant 12 heures sur le panneau solaire bâbord
2190 repas concoctés par le Capitaine
3003 tours de manivelles rien que pour la grand voile...
82 cartes de téléphone à gratter pour appeler la maman
856 mails dans la messagerie Internet à l’issue de la traversée dont 815 SPAMS
0 engueulade à bord (hum, hum !!!)
900 litres d’eau récupérée en 3 heures de pluie en Martinique
2 " cul par-dessus tête " pour l’annexe et son HB...
11 hublots à fermer en cas de grain soudain


www.etoiledelune.net - Août 2006
Texte : Nathalie Cathala - Photos : Dominique et Nathalie Cathala- Tous droits réservés